Une atteinte à la liberté d'expression !

Dans une émission sur Gameblog, JulienC disait que le jeu vidéo avait longtemps été muselé, on ne lui donnait pas droit à la parole. Époque terrible ! Mes souvenirs personnels doivent me faire défauts... Je me souviens qu'il y avait un test de jeu chaque semaine dans le Télépoche, je me souviens de magazines comme Joypad et Console +. Je me souviens d'émissions de télé sur le jeu vidéo, dont une où une rousse coquine se moquait de Cyril Devret. Sur Canal J n'y avait-il pas un certain Bertrand Amar ?

Où commence ce mystérieux muselage ? Qui sont les vilains censeurs ? Ce qu'il faut comprendre, c'est que d'une, ce muselage n'a jamais existé vu que les moyens d'expression étaient bien là, et de deux, qu'on est en fait dans une quête de la reconnaissance. Le jeu vidéo à l'époque était souvent une rubrique d'une émission pour enfants, et comme il est vite arrivé que des joueurs se prennent très au sérieux, certains ont dû souffrir de ce traitement. Aujourd'hui, une bonne part du jeu vidéo ne pourrait plus se caser entre les Bisounours et les Schroumpfs, non pas parce qu'il y a du jeu pour adultes, mais du jeu de mauvais goût. On voit mal Dorothée nous expliquer qu'on peut se payer des putes dans Grand Theft auto 4. Dans une émission pour enfants ce serait scandaleux. Dans une émission sérieuse, ce serait ridicule. L.A. Noire passerait déjà mieux le cap de l'émission sérieuse. Malheureusement, il fait exception, et d'ailleurs tout le monde se fout de L.A. Noire, préférant le scénario série B d'Heavy Rain. Dans les deux cas de toute façon on a, du côté du gameplay, de piètres représentants du jeu vidéo.

Que nous reste-t-il ? Ico et son héroïne plus cliché tu meurs ? Metal Gear Solid 2 avec ses bonhommes qui courent sur les murs et Snake qui s'astique le poireau devant les posters de filles en bikini dans une mise en abyme où on comprend qu'en fait on est en train de jouer à un jeu vidéo (sans déconner ? T'es un vrai génie Koji' !) ? Il faut se rendre à l'évidence que le jeu vidéo a le traitement qu'il mérite. Se plaindre d'un muselage quand les sites eux-mêmes nous racontent n'importe quoi à longueur de tests pour nous vendre la soupe de l'industrie, d'un manque de reconnaissance artistique alors que les devs ont souvent un horizon culturel très limité (ça regarde les séries télé, ça lit du comics et ça bouffe du cinéma hollywoodien) et que certains vont même jusqu'à dire que ne pas lire leur permet d'écrire de bons scénarios (le gars de Gears)... Le jeu vidéo a honte. Il pense laver cette honte en s'imposant aux autres par une reconnaissance imméritée. Mais pire, il ne sait pas de quoi il parle. Combien de débats sur "Le jeu vidéo est-il un art ?" alors que personne dans le débat n'a une notion ni même une idée de ce qu'est l'art ? Combien peut-on trouver sur Internet de simples joueurs qui ont des réflexions infiniment plus intelligentes sur le jeu vidéo que les créateurs eux-mêmes ? Devant Martin Scorsese, j'écoute et je me tais. Devant Amy Henning, je suis terrifié par cette question "Mais sait-elle au moins de quoi elle parle ?"

J'ai souffert de mon amour du jeu vidéo

Et pareil pour l'école. Qui, en dehors de cas rares, a vraiment souffert d'aimer le jeu vidéo ? Le jeu vidéo est entré naturellement dans nos vies. À la maison ma mère jouait au premier Sonic, et les parents de mes voisins jouaient aussi à certains jeux sur la console des enfants. À l'école on se prêtait les jeux, et ça permettait justement d'avoir de meilleurs rapports avec certains élèves. Tout le monde jouait à l'époque de la megadrive et la super nintendo, comme tout le monde avait déjà vu au moins un épisode de la Guerre des Étoiles. Quand la Playstation est arrivée, Lara Croft et ses gros nibards, mais aussi, reconnaissons-le, son univers plus réaliste graphiquement par rapport au côté dessin animé des jeux 2D, a séduit les adultes.

Alors oui on a déjà taxé le jeu vidéo de causer des violences. Mais comment prendre ça au sérieux quand on voit dans quelle santé se trouve le jeu vidéo, et comment il est accepté depuis toujours ? Les fans de Metal s'en foutent royalement eux, quand on incrimine leur musique d'être à l'origine de meurtres. Il faut dire que les fans de Metal ont un rapport très sain à leur musique. Ils savent faire la part des choses entre la virtuosité des musiciens, et le côté kitsch et ridicule du spectacle. Ils savent qu'un gars qui crache du faux sang sur scène est ridicule, que des pochettes avec des tanks et des têtes de mort c'est complètement immature et surtout, surtout... à ne pas prendre au sérieux.

Mais le jeu vidéo lui, c'est effrayant comme il se prend au sérieux. On en déforme la réalité, on voit des vilains qui critiquent le jeu vidéo partout, on se bat contre des moulins à vents, on voit des oeuvres d'art dans des trucs d'une débilité insoutenable, des chefs d'oeuvre où les incohérences les plus crasses décrébilisent le jeu parfois dès l'introduction.

Et ça porte un nom ; le manque de confiance en soi. Quand on est mal dans sa peau, oui des gens se moquent de nous, mais les trois quarts du temps, les attaques sont imaginaires, seulement dans notre tête. On est tellement à l'affût qu'on interprète tout de travers. Parce que mal dans sa peau ou bien dans sa peau, il y a toujours des gens qui se moquent de nous. La différence vient de l'importance qu'on y accorde. Et lorsqu'on en est réduit au point de newser les propos débiles et sans aucune pertinence d'une nageuse qui a un peu d'eau dans la tête, on a de sérieux problèmes d'estime de soi.

Au lieu de toujours rejeter la faute sur les autres, sur ces méchants imaginaires, sur ces ennemis qui n'existent pas, il serait peut-être plus sain d'admettre que le jeu vidéo, généralement, est un loisir débile, avec ses qualités, et ses affreux défauts. Ce n'est pas le seul. Mais nous, comme on a du mal à l'accepter ! Et vous savez pourquoi ? Parce qu'on le sait tous, inconsciemment ou non, que ça pourrait être bien meilleur. Évidemment certains arrivent très bien à l'apprécier tel qu'il est en faisant abstraction de tout ce qui est une insulte à leur intelligence, et tant mieux pour eux. Moi je l'acceptais très bien à l'époque, aujourd'hui je sature. Les vrais problèmes du jeu vidéo viennent du jeu vidéo. La critique des intervenants extérieurs parle de violence et autres sujets complètement à côté de la plaque. Si ces critiques inconsistantes nous touchent autant, si ces attaques qui ne changent rien à la santé du jeu vidéo ni à son expansion nous blessent et nous chagrinent, c'est parce qu'il y a des vérités auxquelles nous n'avons pas envie de faire face. Personnellement je trouve ça très malsain, cette déformation de la réalité, ce besoin d'attaquer des guignols, ou de les encenser quand ils disent du bien du jeu vidéo. Et si on grandissait un peu ?