Je me suis commandé Folklore sur Amazon. J'ai lu le test élogieux d'IGN et suis tombé sur un paragraphe qui m'a fait réagir.

Ultimately though, what would an RPG-style game be without a solid story? Folklore provides narrative elements in abundance and conveys the game's story in a very refreshing manner. The reason that the storytelling of Folklore never gets old is because there are actually four different ways the game can present its narrative. The first way is through the common, computer-generated cutscene which we all know and love. The second is through in-game cutscenes, which are a little more prevalent. The third method is traditional, RPG fare, where two character models are displayed on the screen and text pops up between them. Folklore's most prominent and arguably best storytelling device, however, is the comic book scene.

Pour les non-anglophones, le rédacteur vante la narration de Folklore en déclarant que le jeu utilise pas moins de quatre procédés différents pour présenter son récit : des cinématiques en CG, des cinématiques qui utilisent le moteur du jeu, des scènes fixes avec des rectangles contenant les dialogues dans la grande tradition du RPG japonais, et enfin des bande-dessinées animées.

Et là une chose me choque : on parle de raconter une histoire, dans un jeu vidéo, et on limite la narration à un espace de transition entre des phases de jeu. On oublie ou on n'a peut-être pas conscience que la narration, c'est aussi les phases de jeu elles-même !

Ce que le joueur fait manette en main n'a pas à être réduit à un challenge sorti de l'histoire, qui n'existerait alors que dans les scènes cinématiques. Les actions qu'on demande au joueur, ses objectifs, ses contraintes, n'ont pas à être déconnectées du récit, des séquences de gameplay abstrait empilables à l'infini et liées précairement entre elles par des bouts de récit. Raconter une histoire dans un jeu vidéo, avant le soin des cinématiques et la présentation des dialogues, c'est la création d'une succession de défis qui ont du sens, et dont l'enchaînement dans un certain ordre veut dire quelque chose. Le "jeu" raconte, tout autant que les cinématiques.

Dans Kane & Lynch 2 Dog Days, ce n'est pas une cinématique qui nous narre la poursuite désespérée de Lynch pour sauver sa compagne, c'est un chapitre du jeu. Dans Resident Evil 5, ce n'est pas une scène de transition qui nous raconte comment Chris et Sheva parviennent à sauver Jill sans y laisser leur peau : c'est un combat de boss ! Et tout ce qu'il y a de plus interactif, comme la scène évoquée au-dessus.

À côté de ça on a des jeux qui se contentent d'empiler des phases de gameplay sans se préoccuper de ce qu'elles peuvent raconter, et qui lient le tout à coups de dialogues, de scènes pseudo-interactives et de cinématiques. Un projet narratif en jeu vidéo, avant d'être un background raconté dans des audio-logs, des cinématiques en bande-dessinée, c'est d'abord un jeu, un pur jeu, une suite de défis proposés au joueur qui n'oublie pas de constituer une histoire. C'est la raison pour laquelle un gameplay, un level design, ne peut pas être pensé indépendamment de l'histoire, pour autant que l'on ait une vraie ambition narrative.

La cinquième voie de la narration devrait être la première.