Narration, oh ma belle narration !

2005, 2006, arrivée de la Xbox 360 de Microsoft, et de la
Playstation 3 de Sony. Et avec eux, leur clique de jeux photoréalistes
: Gears of War, Assassin's Creed, Uncharted Drake's Fortune ... Mais une
fois le hadoken graphique reçu et digéré, que retenir ? Un gameplay
aguicheur ? Certes, mais l'industrie vidéoludique, qui ne cesse d'être
comparer à son homologue de l'entertainment, le cinéma, ne fait plus
d'effort, pour créer des univers au scénario et à la narration
recherchée. Le jeu vidéo manque de maturité. Encore trop jeune, il nous
a quand même donner quelques pépites -les exceptions qui confirment la
règle-comme en 2007 avec Bioshock, du talentueux Ken Levine ou bienPortal. Ces deux jeux ont réussi à imposer une ambiance et une histoire
sans cinématique seulement par une voix. Andrew Ryan pour Bioshock, et
GlaDOS pour Portal. Cette réussite est un véritable tour de force de la
part de 2K Marin et Valve, à l'heure où les développeurs se lancent
dans une perpétuelle course aux polygones. Il ne faut pas non plus
oublier tous les grands titres sur l'archipel nippon. Notamment, la
saga Metal Gear (Solid) qui, depuis 1987 sur MSX2, à réussi à imposer
un univers unique qui marquera au fer rouge l'Histoire des jeux vidéo.
Mais là où la narration fut la plus poussée, c'est sans conteste dans
les RPG, japonais d'ailleurs. On peut citer la série des Final Fantasyde Hironobu Sakaguchi, et son anthologique Final Fantasy VII qui en
aura fait pleurer plus d'un grâce à un scénario prenant aux
tripes. Mais si ce dernier est élevé au rang de RPG le plus
emblématique, il ne faut pas oublier certains titres des années
1980-1990, tels que la série Phantasy Star ou l'immense Chrono Triggersortie sur Super Nintendo en 1995, aux Etats-Unis et au Japon. N'oublions pas
non plus le récent, et plus ou moins réussi (NDJulienC : scandale), Lost Odyssey. Il aura
permis une nouvelle approche de la narration dans le jeu vidéo et une
pourtant une des plus anciennes, avec la lecture de dizaines de pages
développant une ambiance et une histoire plutôt convaincante. Ainsi,
pendant les rêves d'un des personnages, les développeurs de Feelplus donnent l'occasion aux joueurs d'en apprendre un peu plus sur les
personnages et de developper le background. Véritable réussite, ou
simple lourdeur du titre ? Les avis sont partagés.

Véritable porte étendart de cette envie d'aller vers les émotions
scénaristiques, Heavy Rain, le dernier né du Quantic Dream de David
Cage
, peut-être un élément déclencheur dans le monde vidéoludique.
Nonobstant un gameplay assez bancal semble-t-il, les géniteurs de The
Nomad Soul
et de Fahrenheit, affichent de grandes ambitions. Un
scénario adulte, des personnages réalistes, une intrigue travaillée.
Trois ingrédients de réussite, reste maintenant à voir ce que donne le
mélange. A suivre...

Once upon a time, the background...

Bien sur, si la narration à l'état brut est un élément important,
elle ne fait pas tout. Ainsi, si certains titres auront réussi à
nous infliger une claque narrative, d'autres nous auront relaté leur
histoire par un background plus important que le scénario. Notamment
grâce à des personnages et un level design unique.

Les meilleurs exemples du genre restent les oeuvres de la Team ICO.
En créant deux des plus grands jeux jamais sortis, Fumito Ueda et son
équipe, réussissent le pari de faire frémir le joueur. Et tout cela
grâce à des personnages au charisme innovant et un attachement
grandissant au fil de l'histoire. Mais ICO et Shadow of the Colossus ne
seraient rien sans leur univers et leur background saisissant et
émouvant. De nombreux personnages resteront à jamais dans les mémoires
pour leur psychologie et leur histoire, tels que Solid Snake, ICO, Niko
Bellic
, Cloud ou Sephiroth. Pour autant, les plus grandes icones
vidéoludiques ne doivent leur attachement et leur réussite qu'à leur
aspect et non à leur histoire. Finalement Mario et Link vivent des
histoires d'amour avec Peach et la princesse Zelda. Des histoires plutôt incertaines
et la plupart de nos questions n'auront pas leurs réponses. Si Mario
aime la plomberie, que Link aime couper des herbes à longueur de
journée pour trouver des rubis, ou que Sonic aime courir, leur
psychologie n'a jamais été développé. Seul leur gameplay novateur et
exceptionnel, leur permettait (et leur permet encore aujourd'hui) de
reposer sur une notoriété des plus importantes.

Mais si aujourd'hui les joueurs semblent désirer de véritables scénarios, c'est
surtout car jeu vidéo et cinéma sont de plus en plus mentionnés
ensemble. L'un ne va plus sans l'autre. Ils en sont presque devenus indissociables. Et c'est en toute légitimité, que les joueurs veulent de
véritables épopées narratives.

Vers une Révolution ?

Aujourd'hui, 40% des joueurs français sont en fait des joueuses.
Mais la majeure partie de ces femmes n'ont finalement que peu jouer à
de véritables jeux gamers. La plupart du temps, elles n'ont en leur
possession que les consoles made in Nintendo. La narration peut
inverser cette tendance. Au lieu de vouloir absolument convertir les
casual gamers sur du God of War, Assassin's Creed, ou un Splinter Cell,
pourquoi ne pas créer des jeux plus narrativement mature ? Un scénario
bien écrit peut intéresser et donner l'envie d'en apprendre plus.
Ainsi, si un jeu à la narration réussie est un jeu qui suscite des
émotions, cet effet pourrait amener un nouveau public à devenir des
gamers. Les joueuses et les femmes en général doivent être pris en
compte dans les années à venir.

En cinquante ans, l'histoire des jeux vidéo s'est nettement
enrichie. Le média est devenu une industrie à la mode, où chaque critique (dont on peut se demander sa réelle légitimité de critiquer une
industrie dont il ne connait rien) y va de sa petite phrase sur le
sujet. C'est de cette façon que Steven Poole critique littéraire auGuardian et longtemps chroniqueur pour le magazine spécialisé Edge,
publie Trigger Happy en 2000. Son approche est originale : évaluer les
jeux vidéo comme on parlerait d'une autre forme d'art. Interrogé par le
site poptronics.fr, Steven Poole déclare, concernant la narration dans
les jeux vidéo :

Bioshock offre-t-il quoi que ce soit en matière de
storytelling qu'on n'ait pas déjà vu dans Half-Life ou Half-Life2 ? Je
n'en suis pas convaincu. Je pense que le problème de storytelling n'a
toujours pas été résolu et que les problèmes de principe que j'ai
évoqué dans Trigger Happy se posent toujours.

En suivant la théorie du critique anglais, et en prenant le jeu
vidéo comme une industrie de l'entertainment pas si différente des
autres, on peut se demander ce qui différencie un film culte d'un
navet ? Sa plastique ou son scénario ? Transformers est-il meilleur queLa Liste de Schindler ? Les mêmes questions peuvent se poser pour les
titres qui sortent sur nos chères consoles. Un Gears of War ou unNoby Noby Boy ? Toutes ces questions n'ont pas de réponses précises,
le sujet étant trop subjectif et les réponses trop personnelles. Mais
partant du principe que le jeu vidéo a des progrès à faire dans le
domaine de la narration, au moment où l'on entend déjà des bruits de
couloir sur la prochaine génération de consoles et de ses composants,
les développeurs ainsi que le reste des acteurs majeurs de l'industrie ne devraient-ils pas se positionner sur une révolution dans les jeux et
non sur nos machines futures ? La révolution attendue du jeu vidéo, à
l'heure où l'on parle du Projet Natal parrainé par un certain Steven
Spielberg
, ne passerait-elle pas par une refonte de la pensée des jeux
? De la sorte, nous ne parlerons plus de la "prochaine génération de
consoles
", mais de la "prochaine génération de jeux".

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