Le ressenti, la subjectivité a son importance, mais ne s'en remettre qu'à elle pour évaluer un jeu vidéo me semble assez hasardeux. Nos perceptions changent, notre mentalité évolue, et puis nous vieillissons. Par ailleurs je remarque souvent que plus une personne se repose sur une totale subjectivité avec une presque absence de critères, plus cette personne s'associe à ses goûts sans recul, ainsi chaque critique sur le produit devient pour elle une critique personnelle (ma belle-soeur notamment). Au contraire, une personne qui aime analyser prendra les critiques pour ce qu'elles sont, un texte plus ou moins bien argumenté, et jugera moins la personne sur ses goûts et ses dégoûts que sur ses explications, ce qui me semble plus sain.

Bien sûr, il n'y a pas de critères absolus, chacun a les siens, mais c'est d'après moi à partir d'un travail d'analyse dépassionné qu'une discussion est possible sans mauvaise foi ou besoin de défendre son jeu préféré. Personnellement une critique me semble reposer sur de bons critères lorsque l'auteur ne se cache pas la vérité sur la qualité du produit.

Qu'est-ce qu'un bon jeu ? Vaste question, sur laquelle je vais présenter dans les grandes lignes mes critères personnels, critères qui, je pense, relèvent en fait la plupart du temps plus du bon sens que de ma subjectivité. Donc pas forcément des critères absolus, mais tout de même des critères solides, d'après moi, que beaucoup partagent. Vous en jugerez.

La partie graphique

J'ai toujours trouvé ridicule de dire que les graphismes, c'est superficiel. Les graphismes, c'est notre premier contact avec le jeu, et il n'y a rien de superficiel à admirer le travail des concepteurs. Mais se contenter de dire que les graphismes d'un jeu sont beaux ou laids est insuffisant. Personnellement je vois trois choses distinctes dans les graphismes d'un jeu ; le moteur, la vraisemblabilité, et la direction artistique.

Jusque la PS2, j'accordais beaucoup d'importance au moteur graphique, moins sur PS3. Ce n'est pas ma priorité qui a changé, mais les jeux. Sur PS1 et PS2, sans un rendu graphique performant, les jeux étaient moches ou pas terribles, la faute à des machines encore lourdement limitées. Les jeux avaient besoin d'une structure solide pour faire ressortir le travail artistique. Une direction atistique du tonnerre pouvait être irrémédiablement gâchée par des textures floues ou pixélisées, des profondeurs de champ restreintes ou encore des bonhommes mal proportionnés par manque de polygones.

Sur PS3 la plupart des jeux qui auraient été pas terribles voire laids sur PS2 ont aujourd'hui un rendu visuel acceptable parce qu'on peut afficher quantité de choses supplémentaires. Ainsi, un Killzone 2 ou un Dead Space ne vont pas m'impressionner, parce que je n'ai jamais vraiment attendu cela des jeux vidéo, un moteur qui tue. Par contre Prototype est l'archétype du jeu fainéant, son rendu graphique fait honte à la génération. En somme sur PS3, pour moi, les jeux ont en majorité franchi un cap, ils se sont en quelque sorte affranchis des limitations techniques. On peut faire un jeu beau même avec le moteur Unreal, même si sur les critères spécifiquement techniques, ce ne sera pas impressionnant.

Ce que j'appelle un peu par défaut la vraisemblabilité, c'est en fait la modélisation et l'animation. Ces critères-là sont très importants pour moi car ils me permettent de croire au jeu. Des visages bien modélisés (peu importe le nombre de polygones), des animations vraisemblables, vont donner vie à un jeu. On pourra toujours me dire qu'il y a un fossé technique entre Infamous 1 et 2, moi j'y vois toujours des sales tronches et des animations artificielles. Au contraire, la modélisation des visages dans les MGS 2 et 3 force encore aujourd'hui le respect, tout comme dans les Silent Hill PS2. L'animation naturelle du héros de Shadow of the Colossus fout la honte à la plupart des jeux de cette gen. De même toutes les loufoqueries d'un Saints Row ne seront jamais aussi fun à mes yeux que mes escapades dans GTA 4 grâce au moteur physique qui fait vrai, même si c'est une réalité exagérée. De même, le nouveau Deus Ex, voir des visages si mal rendus est pour moi rédhibitoire.

La direction artistique, je dirais que le plus important, c'est tout simplement qu'on puisse y croire. Dans Final Fantasy 10, un samouraï en Ray-Ban, je n'y crois pas. Je m'en fous que le héros ait trop la classe, je trouve ça ridicule. Dans Mass Effect 2, visiter toute la galaxie avec toujours les mêmes décors, je n'arrive pas à y croire non plus, de même que les villes minuscules remplies de PNJs immobiles. Au lieu de participer à une aventure, j'ai la désagréable impression de jouer à... un jeu vidéo. Pour moi, une bonne direction artistique va élaborer des décors qui sonnent vrais, dans laquelle la vie semble possible. Dans un TPS, il y a les jeux où on traverse des arènes décorées (Dead Space), et ceux où on découvre des décors qu'on aime regarder sous tous les angles (Uncharted). Au fond, moins on voit la structure du jeu vidéo, plus c'est réussi. Comme les vêtements, les coutures sont à l'intérieur. Et c'est tout un travail, car il faut masquer le level-design, il faut masquer l'effet couloir d'un jeu, ou au contraire remplir les vides d'un open-world. Visiter Red Dead Redemption de fond en comble ; un régal. Parcourir Infamous... bof bof...

Scénario et univers

J'ai toujours trouvé ça bizarre de jouer à un jeu pour son scénario. Bizarre, car 99.9% des scénarios de jeu sont pourris, et même ceux qu'on loue, d'ailleurs. Les MGS sont de formidables nanards qui usent et abusent des ralentis et des gros plans sur les nichons, les J-RPGs sont souvent insupportables de niaiserie et reposent presque tous sur les mêmes clichés, les jeux proposant de choisir les dialogues nous présentent des PNJs qui ont tous hâte de nous raconter leurs vies privées dans le moindre détail, même et surtout s'ils ne nous connaissaient pas la seconde d'avant. Rockstar roi du scénario ? Vaste blague. Jamais rien vu d'aussi mal scénarisé.

Comme pour la direction artistique, je dirai qu'un bon scénario, c'est un scénario auquel on peut croire (avec les exagérations et incohérences induites par le gameplay). J'ai cru à : Final Fantasy Tactics, Max Payne, Shadow of the Colossus. Sur vingt ans de jeu vidéo, c'est assez maigre. J'ai cru aussi à Uncharted, mais en trouvant les personnages creux et insignifiants. J'ai trouvé la scénarisation des deux premiers God of War réussie... pour du jeu vidéo. J'étais à fond dans L.A. Noire, mais son gameplay dirigiste m'a fait abdiquer. Bien sûr j'en oublie, les Silent Hill par exemple, et il y a aussi des jeux bien scénarisés que je ne cite pas tout simplement parce que je n'y ai pas joué.

Jusqu'à la PS2, je me fichais totalement du scénario, parce que je n'y voyais pas d'intérêt. Sur PS3 ça me pose de lourds problèmes. Aujourd'hui les jeux sont devenus trop beaux pour que la nullité des scénarios soit encore supportable. Le fossé se creuse entre médiocrité d'écriture et avancée technologique. J'ai besoin qu'on charpente mon aventure pour y croire, et souvent c'est le contraire qui se passe, le scénario tue mon expérience de jeu, comme sur Red Dead Redemption. Paradoxalement, si le scénario n'est pas pour moi un critère important, la nullité est telle que je n'arrive plus à en faire abstraction.

Pour le background et l'univers, je dirai que je n'y accorde aucune importance. Pour moi c'est l'aspect visuel et le scénario qui font le jeu, qui lui donnent son identité, sa richesse. La variété des décors et d'un bestiaire en racontent plus que des e-mails ou des datapads, de courtes cinématiques avec une belle mise en scène nous font pénétrer plus en profondeur dans l'aventure que des tonnes d'informations éparses nous détaillant le background. L'univers, c'est ce que je vois, ce à quoi j'assiste dans les cinématiques, c'est ça qui m'importe et me permet de croire au jeu, non des textes, des fiches explicatives, même si par ailleurs elles ont parfois de l'intérêt pour certains jeux.

Le gameplay

Toujours pareil, j'ai besoin d'y croire. Quand on a dit aux joueurs que pour les hardcores, y'a Demon's Souls... Euh... non. Des ennemis immobiles comme des cons derrière trois planches de bois pourries, attendant que vous arriviez à bonne distance pour déclencher leur script ultra-visible... Difficile ou non, le jeu ne m'intéresse pas. J'aime les situations mises en scène, ces moments où en entrant dans un décor, on aperçoit les gardes faire leur tournée, ce passage génial de Resident Evil 4 où on entre dans le village discrètement pour voir les paysans vaquer à leurs occupations journalières, les discussions captées clandestinement dans Splinter Cell tandis qu'on est planqué derrière un bureau, les scripts vachement bien fichus d'Uncharted 2, là où dans la plupart des TPS les bonhommes se contentent de sortir d'une salle qui ne mène nulle part (et oui... encore Mass Effect 2, ou Army of Two).

Côté difficulté, j'ai besoin, non pas vraiment d'un jeu retors, mais d'une difficulté intéressante à surmonter, qui va nous pousser peu à peu à devoir explorer le gameplay pour s'en sortir. Je déteste les jeux où le héros joue à notre place, où tout est automatisé comme dans Assassin's Creed, tout comme je déteste les jeux abusivement difficiles car mal fichus, où les jouabilités complexes pour faire semblant d'être riches.

Mais ce qui me tue le plus, c'est la répétitivité. J'ai essayé la démo de Space Marine hier. Beaux graphismes, bestiaire varié... Seulement, son côté Beat'em All bourrin fait qu'au bout de la démo, on est déjà écoeuré du jeu. La variété des Orks est gâchée pour son utilisation abusive ; en gros on voit tout trop vite, on sent le jeu vite sans surprise où, même quand d'autres créatures apparaîtront, on va s'en ficher tellement on en aura marre de dézinguer 50 bonhommes toutes les deux minutes, et juste avec deux boutons. Il manque un level design, des situations intéressantes à résoudre, une utilisation dosée des qualités du titre.

On renouvelle en fait un gameplay avec peu de choses ; on change les décors, on propose le plus possible des situations de level-design différentes, on reskine les ennemis. Quand on fait des copier/coller, ce qui arrive, c'est qu'on a l'impression (et en fait ce n'est pas une impression) de ne plus avancer dans le jeu, que rien d'autre n'est à découvrir. Uncharted se déroule dans des décors qui se ressemblent beaucoup du début à la fin, il en réutilise certains en changeant juste l'heure de la journée (donc l'inclinaison du soleil), et notre point d'arrivée dans le décor. Pour ma part ça fonctionne très bien. Dans Battlefield Bad Company on voit du pays, avec toujours la même maison et la même chaise dans la même pièce, et des décors qui se détruisent toujours de la même façon... Plus j'avançais dans ce jeu, plus il devenait un calvaire.

Une marge laissée au joueur lui permettant d'être créatif est aussi un avantage certain. Aborder une situation à sa manière, prudente, bourrine, discrète, téméraire, cela permet au jeu d'être rejouable, et pour moi la rejouabilité est le critère absolu d'un vrai gameplay (pour moi, hein). Un jeu qui ne ne donne pas envie de le refaire, c'est que de base il est raté ou pas fini. Films, livres, disques, jeux vidéo, ce qui n'intéresse qu'une fois n'a en fait aucun intérêt, c'est une perte de temps. À ne jouer qu'une fois ? Autant dire ; à ne pas jouer du tout. Le jeu vidéo pour moi est un loisir, pas un passe-temps, dans le strict sens du terme. Certes il y a des jeux auxquels on ne rejouera pas forcément, manque de temps, de motivation, etc., mais la possibilité de la rejouabilité est primordiale à mes yeux. J'apprécie aussi énormément les jouabilités qui se font oublier. Uncharted est un modèle du genre, on fait ce qu'on veut du personnage. Se perdre dans les boutons comme pour les UFC, je déteste ça.

La musique et les bruitages

J'y accorde assez peu d'importance. Je suis très content quand c'est réussi, mais en gros j'attends surtout un boulot honnête. La plupart du temps il n'y a pas raison de s'en plaindre. Pas grand-chose de plus à dire sur le sujet.

Il est certain que je n'attends pas le jeu parfait à chaque coup, mais rien qu'avec ces critères-là, nombreux sont les soi-disant BGE qui ne valent rien à mes yeux, certains, même, ne répondent à aucun de mes critères, ce que je trouve hallucinant quand on les louange partout sur la toile, ou quand mon vendeur me dit les yeux brillants "Ouais, ça c'est vraiment bon !". En gros, un jeu acceptable pour moi, c'est un jeu auquel je peux croire graphiquement, et qui est intéressant à jouer, donc dans lequel les boutons de ma manette servent à autre chose qu'à faire avancer l'histoire. Cette race est en voie d'extinction sur PS360... snif...