En 1974, Francis Ford Coppola, plus connu pour sa trilogie Le Parrain et son Apocalypse Now, réalise le film Conversation Secrète. Ce film raconte l'histoire d'Harry Caul, qui travaille dans l'espionnage privé. En somme il remplit des contrats de filature et de surveillance pour des grandes entreprises. Sa spécialité est de saisir les conversations, et par la suite de retravailler le son au mixage pour fournir à son client un enregistrement de qualité.

Harry Caul est incarné par Gene Hackman, et son personnage n'a strictement rien de l'espion habituel. Il a toutes les allures d'un vrai geek, de l'image que l'on s'en faisait avant ; physique insignifiant et passe-partout, des grosses lunettes, très renfermé, parano, orgueilleux, et en même temps une véritable pointure dans son domaine.

Le film poursuit deux intrigues qui se confondent ; après avoir enregistré la conversation angoissée d'un couple dans un parc, Harry veut rencontrer son client en personne, et se trouve tout insulté d'avoir affaire à un subalterne (Harrison Ford). C'est le point de départ d'une remise en question de son éthique, aussi cherche-t-il à déchiffrer la conversation de l'enregistrement en commençant à pressentir le pire, alors qu'auparavant il faisait son boulot le mieux possible sans états-d'âme.

La seconde intrigue est centrée sur la vie des geeks. On nous montre les coulisses des conventions (ici celles concernant l'écoute, évidemment), on suit des amis qui ne se font pas confiance et essayent de voler les trucs des autres, ou au contraire de les épater. Harry Caul est du genre à garder ses trucs secrets, ce qui pose problème dans ses relations avec son associé à qui il ne communique rien, et énerve un concurrent qui aimerait savoir comment Caul a réussi le plus grand coup de sa carrière.

À travers ce film plutôt lent, qui s'intéresse à des détails parfois un peu chiants mais nécessaires pour comprendre Harry Caul, Coppola dessine le portrait d'une âme complètement torturée, d'un homme secret, prudent jusqu'à la parano à tort et à raison, à fleur de peau, et d'une sensibilité, lorsqu'elle se révèle, si exacerbée qu'on comprend mieux pourquoi le reste du temps Harry Caul est si froid, si monolithique.

Amoureux du cinéma, ou curieux de l'univers geek, le vrai ; ce film est un chef d'oeuvre, tant au plan de la réalisation que de l'intrigue, intrigue qui par ailleurs est construite de façon à révéler de plus en plus en profondeur le personnage d'Harry Caul. Portrait tout en délicatesse, jeu d'une précision et d'une sensibilité hallucinantes de la part de Gene Hackman, le film fourmille en plus de petits détails curieux et dérangeants, comme l'espèce d'imperméable transparent et trouble que porte Harry Caul. De part leur arrangement, les scènes regorgent de sens cachés et troublants. La dernière scène est cauchemardesque et donne le vertige.

Être geek, non, ce n'est pas cool du tout.