Les apparences sont souvent trompeuses. Sorti
de nulle part, Deadly Premonition vient nous le rappeler. Car derrière sa
jaquette affreuse et son prix modique, se cache l'une des perles de ces
dernières années. Narguant et défiant le joueur, le jeu pousse d'ailleurs le
bouchon très, très loin. Mauvais élève, le bébé de Swery65
ne
manque jamais de sadisme et de cruauté. Mais, une fois l'histoire et le décor plantés,
Deadly Premonition récompense le joueur d'une expérience où l'émotion,
l'aventure et la poésie n'ont plus de retenue.

On aura beau dire qu'un soft est moche, bourré
de bogues, mais, avec un scénario et une ambiance solide, cela ne fait-il
pas de lui un bon jeu ? Acclamé des uns, hué des autres, Deadly
Premonition s'est partagé les louanges et les critiques. Le seul moyen de se
faire un avis juste était donc de s'y frotter. C'est ce que j'ai décidé de
faire, après avoir pris mon courage à deux mains, et je ne l'ai pas regretté
une seule seconde...

Œuvre surréaliste, ô
combien malicieuse, Deadly Premonition sait comment provoquer le joueur, et ce
dès les premiers instants ! Le premier choc est visuel ! Non, il n'y
a pas de quoi flatter votre rétine. On a affaire ici à un véritable déluge de
tares graphiques ; la modélisation des personnages reste médiocre, le
rendu des lieux est on ne peut plus désastreux, le tout étant bien évidemment
accompagné d'un aliasing et d'un clipping omniprésents. Ça brille, ça clignote
de toute part ! Les graphismes accumulent des années de retard et l'on se
demande comment un tel jeu s'est retrouvé sur notre vieille console, jusque-là
habituée à chauffer pour les Mass Effect et autres Gears of War.

Par contre, le
scénario du jeu retient l'attention et nous pousse à continuer, malgré cette
première impression de rejet. On incarne Francis York Morgan, agent du FBI qui
enquête sur le meurtre d'une jeune femme, Anna Graham, dans la ville fictive de
Greenvale. Sur place, il fera vite connaissance avec George Woodman, shérif
taciturne, sa belle adjointe Emily Wyatt et une galerie riche de personnages hauts
en couleur. Je vous laisse la surprise, car rater les rencontres insolites et
inoubliables que vous propose le soft sur fond de dialogues savoureux et
décalés serait sacrilège. Les similitudes avec la série culte Twin Peaks sont nombreuses et au
fur et à mesure de l'avancée du jeu, l'élève s'éloignera du maître pour nous offrir
une folle aventure, autant inoubliable que spéciale. Prêt à lever la lumière
sur cette affaire de meurtre et faire ressurgir le sombre passé de la ville
avec Zach, votre ami imaginaire, représentant de votre schizophrénie débridée ?
  

Comme vous aurez pu
le deviner, les développeurs d'Access Games ont plus d'un tour dans leur sac et
nous démontrent à plusieurs reprises leur « génie de la médiocrité »,
assumant avec talent et humour leur manque de moyens au service d'une expérience
aussi drôle qu'inoubliable. Ces derniers qualifient d'ailleurs leur progéniture
d'« Investigation Survival Horror
Open World Game »
. Dans les faits, Deadly Premonition est un mélange
bouillonnant entre Shenmue, Silent Hill et Grand Theft Auto. Dès le
commencement de l'aventure, le joueur est libre d'explorer la ville et ses
alentours à pied ou en voiture. Les personnages vaquent à leur occupation,
chacun suivant son propre emploi du temps. Dans ce sens, il n'est pas étonnant
de pouvoir les suivre, leur parler et carrément les épier par la fenêtre.

De plus, le cycle
jour-nuit est bien géré et l'on peut l'accélérer grâce à la consommation de
cigarettes. Les magasins ont des horaires fixes d'ouverture et de fermeture. Pour
autant, les effets météorologiques ne sont pas en reste, se déclenchant
aléatoirement et nécessitant l'utilisation des essuie-glaces ou des phares lors
de la conduite. York doit aussi manger et dormir pour rester en pleine forme,
tout comme veiller sur son hygiène de vie. Les voitures demandent une
maintenance régulière, car elles consomment du carburant et peuvent subir des
dommages, les rendant inutilisables. Des petits détails de ce type qui viennent
enrichir l'aventure et parfois même l'alourdir, il y en a des dizaines.

Cette liberté a
malheureusement un prix. Gâchée par une technique et une jouabilité lacunaire,
l'exploration de Greenvale offre malgré tout quelques surprises comme des chemins
cachés ou des cartes de collection à obtenir et des missions secondaires. Mais,
on pourra plus compter sur notre impatience de connaître la suite de l'histoire
que sur notre envie de tout débloquer. L'avancée du scénario se fera donc sous
forme de missions ou d'épisodes constituant les huit chapitres de l'aventure. Pour
les activer, il suffit de se rendre à un lieu précis, indiqué sur la carte du
jeu un peu comme dans la série fétiche de Rockstar Games. D'ailleurs, les
développeurs prennent un malin plaisir à inverser par moment la carte, la
rendant inutilisable. Les épisodes se résument la plupart du temps à une
collecte d'indices, permettant à York de reconstituer les événements qui ont eu
lieu. De nombreuses séquences de combat et d'horreur viennent s'y greffer,
prenant la forme d'une plongée dans un monde altéré infesté de zombis. Bien
sûr, on aurait bien aimé cette diversité si les affrontements ne versaient
parfois dans un registre comique. Les phases de tir à la Resident Evil 4 sont hésitantes
et les gerbes de sang violâtres des ennemis renforcent cette impression. À
cette longue liste s'ajoutent les déplacements mécaniques et lourds de York. Seules
quelques scènes de poursuite ou de cache-cache avec un tueur fou font relever le
niveau de l'ensemble. En outre, la durée de vie générale du titre (plus de
quinze heures) se veut honorable et demande un peu plus de temps, si l'on
daigne à tout débloquer (quêtes annexes, cartes de collection...).

Au niveau sonore, les
compositeurs de Deadly Premonition ont fait du très bon travail, nous offrant
une large palette de musiques. Tantôt vives tantôt sombres et entraînantes !
C'est particulièrement vrai dans la mesure où elles sont plutôt variées (jazz,
folk, classique, opéra...). Seul le mixage sonore vient gâcher le résultat
final ; il faut dire que les développeurs utilisent à outrance les deux ou
trois thèmes principaux. Ainsi,
si un morceau gai et sympathique convient parfaitement à une discussion
innocente, comique et frivole, on s'étonnera de l'entendre lorsque l'ambiance
se veut plus pesante et sérieuse. Autre petit bémol, les dialogues deviennent parfois
inaudibles, avec le volume élevé de la musique. Si ce problème est réglé en
passant par le menu du jeu, celui de la synchronisation labiale le sera moins.
Le doublage reste par contre de bonne facture et la musique participe à
l'immersion du joueur.

Finalement, on ne
sait si tous ses défauts sont voulus de la part des bonshommes d'Access Games,
mais ce qui est sûr, c'est que ce tout permet au joueur de plonger pleinement dans
l'ambiance surréaliste et décalée du titre, digne d'une série Z. On retrouve
aussi avec joie ce qui avait fait la saveur pittoresque et intemporelle de Twin
Peaks. Quiconque y jouera, vous dira que Deadly Premonition n'est pas un jeu,
mais avant tout, une expérience. Bien sûr, on aura toujours affaire aux
détracteurs qui ne cesseront de pester sur les lacunes. Mais, ne les écoutez
pas, écoutez vous-même. Votre cœur de joueur va-t-il être charmé ? Pour le
savoir, foncez acheter Deadly Premonition qui ne coûte d'ailleurs qu'une
vingtaine d'euros ; ce n'est rien par rapport à ce qu'il va vous apporter.
Rien que le plaisir d'en apprendre un peu plus sur le mystérieux Zach, York et
son sombre passé justifie cet achat. Quelques minutes ne vous suffiront pas
pour juger le potentiel du soft, alors, patience...

Alors, non, je ne donnerais pas de note.
Deadly Premonition est intemporel, Deadly Premonition est unique, Deadly
Premonition est incroyable. C'est une véritable œuvre d'art qui rend tout
système de notation obsolète. Toutes ces scènes anthologiques, cette fin
irréelle... Depuis Metal Gear Solid 3, je n'avais pas ressenti cette alchimie
d'émotions indescriptible, suintant de tous les pores du jeu. Si le cinéma a
changé la vie de plusieurs gens, l'art vidéoludique en est aussi capable et
Deadly Premonition n'est qu'un exemple parmi tant d'autres (Ico, Braid, Final
Fantasy 7, Metal Gear Solid 2...).


« Ce jeu est aussi un moyen de séparer
le bon grain de l'ivraie : d'un côté, les passionnés du jeu vidéo qui lui
laisseront au moins sa chance quelques heures. De l'autre, Kévin et ses potes,
ceux qui jetteront la boîte en s'écriant : "Bouh cäy pas beau ! Je
retourne sur Black Ops". »
Joueur anonyme

Note : Aucune (pour ne pas mettre de 20/20).

Mot de la
fin : Génial,
intemporel, intelligent !!!