« Oh, t'es lourd, j'ai lu plus de lignes sur Braid que le nombre de lignes du code source qui en est à l'origine. Y'a même eu un article sur Gameblog ! Ca commence vraiment à me casser les couilles ! »

Et bien, mon Kevin, sache que, on n'écrit jamais assez à propos d'une véritable œuvre d'art. C'est bon, tu peux retourner jouer à COD6, Kevinounet. Ce qui est embêtant, c'est quand tout le monde répète la même chose. RaHaN l'avait bien compris puisqu'il nous a gratifiés d'un article ma foi assez original et inattendu, et que je vous conseille de lire car il est assez intéressant (c'est ici : https://www.gameblog.fr/chronique_52_braid). Mais, mon cher RaHaN, Tu as fait, je pense, une grosse erreur dans cet article, car Tu sépares totalement la narration de Braid et son gameplay (et ce dès le premier paragraphe), alors que ce qui fait pour moi que Braid est une œuvre d'art vidéoludique, c'est que le gameplay (et le level design) sont complètement en phase avec le scénario, et sont aussi intéressants à étudier que ce dernier, mais uniquement si on met tout cela e relation. C'est ce que je tenterais de démontrer dans cet article. Tout d'abord, je commencerais par vous reparler de la narration, pour que l'on soit tous d'accord sur ce point-là (et que ce qui n'ont pas encore lu grand-chose sur Braid comprennent la suite !), et aussi car c'est un sujet toujours passionnant, puis nous passerons à la partie un peu originale de cet article.

(Ah, oui, au fait, si vous n'y avez pas joué, attention, je ne fais absolument aucun effort pour ne pas spoiler)

Effectivement, la façon dont j'ai découvert Braid est digne d'un « Vie des Hauts Ludiques ». Prof Pirou, si tu veux qu'un pigiste te remplace pour IG Mag 7 sur cette partie, pas de problème. En fait, je ne sais même pas pourquoi j'ai téléchargé Braid sur Steam. J'étais tombé il y avait quelques temps en admiration devant Word of Goo (qui fera l'objet de l'un de mes prochains « A propos de ... », mais peut-être pas tout de suite). J'avais entendu parler d'un autre jeu indé qui avait en fait coûté plutôt cher et qui marchait pas mal, et, comme il était en page d'accueil sur Steam, je me suis dit « Pourquoi pas ? ». Je n'avais absolument aucune idée de ce qui m'attendait. J'ai lancé le jeu, j'ai vu l'écran d'accueil, j'ai vu que l'on commençait par le monde 2, et surtout j'ai lu les tout premiers textes. Et là ... j'ai bandé je suis tombé en extase totale devant ce jeu. Bon, d'accord, j'arrête de vous emmerder avec mon myLife (funduk, 1265575824, MYLIFE_CASSE_COUILLES) et je passe aux choses sérieuses.

L'histoire de Tim nous est rapportée par des textes qui s'affichent dans l'arrière-plan lorsque l'on passe devant les livres. C'est un moyen qui peut paraître peu original, même si rarement utilisé, mais il permet une narration tout en laissant le personnage seul, alors que, par exemple, une cinématique doit faire intervenir plusieurs personnages (sauf dans le cas spécial du monologue, dans lequel il y a tout de même toujours un destinataire). Cela permet aussi d'introduire un narrateur omniscient, qui dit par conséquent toujours la vérité et qui a toujours raison. A mon avis, le plus important, c'est que le narrateur soit extérieur : en faisant parler les personnages, on aurait eu un avis sur la situation, alors que là, on est assuré que le narrateur est objectif. Le fait qu'il ne critique aucunement ce que fait Tim nous interdit donc de penser que celui-ci n'est pas un gentil garçon pris de remords du fait d'avoir laissé sa vie conjugale de côté au profit de ses recherches.

C'est l'une des raisons pour lesquelles la fin surprend et a fait couler tant d'encre. Après un incroyable retournement de situation (j'exagère à peine), on se rend compte que Tim poursuit la princesse, qui est heureuse sans lui. Même si elle est déjà très troublante, on est encore loin d'imaginer ce qui suit. Il s'ensuit d'autres textes (dont certains sont cachés) qui sont, si l'on reste dans la simple hypothèse de la princesse en fuite, assez étranges. Des expériences scientifiques, une muraille mentale qui se forme avec toutes les épreuves par lesquelles on est passé ... C'est là que l'on comprend que le jeu a une signification cachée. Chacun peut ensuite trouver une signification : un bonheur dont le progrès nous prive, et qu'il ne nous permet pas de retrouver (et qui, selon la fin alternative aux étoiles, n'existe même pas), c'est celle à laquelle je crois le plus, tout simplement car, lorsque j'ai commencé à écrire cet article, je me suis rendu compte que tout le jeu s'articulait parfaitement autour de cette hypothèse. Il existe beaucoup d'autres idées, comme celle qui dit que la princesse est en vérité la bombe nucléaire. Et cela expliquerait effectivement beaucoup de choses, surtout qu'il existe énormément d'indices qui peuvent nous laisser penser cela. Et, c'est vrai, il doit y avoir quelque chose de cela. Cependant, j'ai énormément de mal à croire que l'on puisse réduire ce jeu à cela. Pour moi, c'est l'une des lectures possibles, un exemple qui vient confirmer ma théorie de la signification du jeu.

Le gameplay, maintenant. Ce que RaHaN (ton pseudo est décidément super-chiant à écrire avec ses majuscules) qualifiait de « cerise sur le gâteau ». « Il est capable de nous faire utiliser des parties de notre cerveau que très très peu d'entre nous ont l'occasion de faire fonctionner en une vie » (dis, t'aurais pas piqué cette phrase à un pub pour Kawashima ?). Mais ce que j'en ai surtout retenu, c'est qu'il fait partie intégrante du scénario.

Un exemple : au monde 4, Tim rentre dans le village où il a passé son enfance. Mais c'est un retour en enfance au sens propre qui s'effectue : comme dans tout ce monde, dès que l'on recule, le temps revient en arrière. On peut donc facilement revenir en arrière, et le progrès n'est pas une fatalité. Cependant, tout ce que l'on fait dans le jeu, c'est avancer.

Dans le monde 5, quand on revient en arrière dans le temps, une ombre reproduit les actions que l'on a faites. On peut donc revenir sur une décision, mais il restera toujours l'ombre de nous-mêmes qui aura pris la décision que l'on avait tout d'abord choisie. On ne peut donc pas totalement effacer nos actes, ce qui nuance ce que nous avons vu dans le monde 4.

Enfin, dans le monde 6, on peut poser son anneau de mariage par terre, ce qui a pour effet de ralentir le temps. Ce qui veut dire que la recherche de cet amour perdu ralentit le temps, donc le progrès. Mais on ne parle pas ici de quelque chose simple que la vie privée et la vie professionnelle, puisque Tim cherche à retrouver la princesse grâce au progrès. Je pense que cela veut dire que la recherche ne doit pas avoir de but. Mais, pourquoi faire quelque chose si on n'a pas de but ? Je pense donc que la recherche nous est ici montrée comme quelque chose qui doit être absurde pour être menée à bien.

Voyons maintenant le level design. Ce que l'on remarque bien évidemment tout de suite, c'est qu'il est copié sur celui d'un Mario. On retrouve des animaux qui, je trouve ressemblent à des moutons, sont, ca se voit tout de suite, des copies des goombas ; on retrouve aussi les plantes piranha et les canons, même si il me semble que les lapins sont des inventions de Braid. En revanche, contrairement à un Mario, ou ces personnages sont des méchants à tuer, rien ne nous y pousse dans Braid. Pourquoi sauter sur un mouton, alors ? Pour pouvoir rebondir plus haut. Il faut même parfois les épargner pour pouvoir finir le niveau. En fait, pour moi, dans Braid, encore plus que dans les autres jeux, tout semble sorti d'un laboratoire, tout est contrôlé, minuté, et on tente de reconstituer un puzzle. La résolution de ses puzzles nous mène vers la princesse, donc vers le progrès. Or, si vous avez déjà résolu un problème un peu scientifique, mais quand on le comprend, c'est comme si des pièces de puzzle s'assemblaient logiquement pour former un tout. On jouerait donc en fait les expériences de Tim ? Mais n'est-on pas carrément dans l'esprit de Tim ? Je vous rappelle qu'à la fin du jeu, une muraille se forme dans son esprit. Or on voit cette muraille se matérialiser devant nous.

Avez-vous écouté le podcast n°9 (il me semble) sur l'art et le jeu vidéo ? Pendant 20 minutes, On nous y expliquait que c'était impossible et que de toute façon On n'en n'avait rien à foutre. Mais On nous y disait quelque chose d'intéressant : c'est un jeu, donc ce n'est pas de l'art. Un film peut être une œuvre d'art, non ? Alors pourquoi y rajouter la notion d'interactivité serait incompatible avec la notion d'art ? Parce qu'aucun jeu ne l'avait exploitée auparavant. Au contraire, le fait que l'on doive jouer impliquait des séquences où l'on devait effectuer une action déjà préconçue. C'est d'ailleurs pourquoi on construisait tout le jeu pour amener le joueur à cette séquence, ce qui nuisait forcément à la qualité du reste. De plus, comme le joueur devait effectuer des actions préconçues, il n'avait jamais aucun choix .Dans Braid, on n'a aucun choix à faire, mais l'omniprésence de la narration à la 3ème personne le justifie en quelque sorte : on joue l'histoire que quelqu'un d'autre raconte. On ne choisit rien, on joue, c'est lui qui choisit pour nous. Mais ce que je trouve important et que j'ai donc démontré tout au long de cet article, c'est que même les séquences de jeu sont pleines de sens, et plus uniquement la narration. Si l'on reprend la critique émise par nos chers rédacteurs, je pense que Braid peut être considérée comme l'une des premières œuvres d'art vidéoludiques (je n'ai pas encore joué à The Last Guardian, ni à beaucoup d'autres jeux un peu trop vieux pour moi mais que je suis en train de redécouvrir.

Voilà. C'est tout ce que j'avais à dire sur Braid. Vous avez remarqué que je n'ai parlé ni de la musique, ni des graphismes, etc. J'ai juste voulu vous proposer mon analyse de Braid. C'est pour cela que j'ai publié ce texte sous forme d'article et non de test : ce n'en est pas un, et je ne voulais pas qu'il soit classifié comme tel. C'est vrai, j'ai choisi un sujet plutôt facile pour ce premier article, mais, ne vous inquiétez pas, je ferai plus dans l'original pour les prochains. Cependant, Braid est surement l'un des jeux les intéressants auxquels il m'ait été donné de jouer. Merci de m'avoir lu jusque-là, je sais que c'était un peu long, j'espère qu'au moins c'était intéressant, et à bien ... Attendez ... Oh non ! Revoilà Kevin.

« Casse toi pauvre con. Bon j'ai regardé un peu tout ton article et ... qu'est-ce que tu as fumé ??? J'étais trop LOL !!! Tu crois sérieusement que ton Jonathan Blow a pensé à tous ces trucs de merde ? T'es vraiment ouf toi. »

Désolé pour cet intermède très peu poétique. Pourtant, Kevin a tout de même pris la peine de lire mon article et a posé une question assez intéressante. Pendant longtemps, en cours de français, je me demandais sans cesse si l'auteur avait pensé à tout ce que l'on relevait. Un autre c'est chargé de poser la question pour moi. D'une : je pense qu'il ne faut pas sous-estimer Jonathan Blow, et les 3 ans qu'il a passé à le développer. Et puis, surtout, même si il n'y a pas pensé ... Qu'est-ce que ca change ?

(J'ai une invitation TF2 sur les bras. Donnez-moi le prototype de la fonction myLife en C et elle est à vous. C'est facile alors ne répondez pas si vous avez déjà TF2)