Les arguments en faveur et en défaveur de la
dématérialisation sont à présent connus par toute personne intéressée par le
sujet mais je suis souvent surpris de voir le poids qui leur est généralement
donné.

En effet, certains arguments comme l'impact écologique ne
sont souvent traités que comme des seconds couteaux par des gens qui sont
devenus les premiers « parents gamers » et qui devraient peut-être du
coup commencer à se préoccuper plus de laisser une planète propre à leurs
enfants plutôt qu'une collection de boites et de DVD
.

 

Le jeu vidéo parle écologie, à quand le jeu vidéo écologique ?

 

Après avoir vu encore récemment le film « Home » (
film écologique visionable gratuitement en HD ici : https://www.youtube.com/watch?v=NNGDj9IeAuI),
la fibre écologique en moi ne peut que vibrer à la pensée du bien que la
dématérialisation ferait à notre planète. En effet, la pollution engendrée par
les services dématérialisés est vraiment minime par rapport au coût  en matières premières d'un packaging de jeu et
d'un disque optique additionnés à la pollution du transport du produit de
l'usine aux stocks, des stocks vers chaque petit magasin puis des magasins à
votre salon. Bien des déchets et de la consommation de carburant pourraient être évités grâce à la dématérialisation.

 

Si la suppression totale de ces transports, entrepôts et
magasins serait une bouffée d'oxygène pour notre planète et nos enfants,
certains rétorqueront aussi que socialement, ce sont des emplois qui vont
disparaitre par la même occasion. Il faut tempérer ces propos en y opposant le
fait que la dématérialisation va aussi œuvrer pour la création de nouveaux
emplois. Certes, le nombre de personnes requises pour faire tourner un service
comme Steam est bien moins important que le nombre d'employés chez Micromaniapar exemple, mais il ne faut pas oublier un des autres arguments majeurs en
faveur de la dématérialisation : le retour en force du développement
Indépendant
. Et ce mouvement indie, lui aussi commence à générer de l'emploi
pour des gens en soif de créativité.

Outre ce bonus social, l'opportunité offerte par la
dématérialisation aux indies de produire des jeux à coût ultra réduit nous a
surtout permis à nous, joueurs, de découvrir des jeux originaux, différents, et
cela en grand nombre. A l'époque des supers productions vidéo ludiques où la
prise de risques coûte trop cher, l'économie que représente la
dématérialisation est la bienvenue.


World of goo, jeu indie à succès

 

Car oui, il ne faut pas oublier que la dématérialisation
c'est aussi une énorme économie qui à terme devrait permettre soit d'avoir unebaisse de prix des jeux, soit d'amener plus d'argent aux développeurs.
Développeurs, qui du coup se permettront des plus grosses prises de risques et pourront
cibler plus précisément certains marchés niches. Aujourd'hui, en effet, pour
être sûr d'être rentables, les développeurs visent de plus en plus le mass
market et le fameux casual player au détriment des autres.

En parlant d'économie, n'oublions pas aussi que la dématérialisation
pourrait devenir la solution à l'épineux problème du piratage
, un autre bonus
bienvenu. D'autant plus que depuis toujours une des raisons mise en avant pour
justifier le piratage a été de pouvoir « tester un jeu » avant de
l'acheter ou de pouvoir bénéficier d'un produit « import ». Hors,
avec un service dématérialisé tel que celui proposé par Microsoft avec le Xbox Live,
le joueur peut désormais tester chaque jeu proposé avant de l'acheter. Quant à
l'import, nul doute qu'il sera bien plus accessible dans le futur grâce à la
dématérialisation qu'il ne l'est aujourd'hui. Il faut dire que le simple achat d'un
jeu « classique » est devenu un jeu d'enfant grâce aux produits
dématérialisés : Envie d'un petit jeu multi sympa un dimanche parce que
des potes sont passés à l'improviste ? Pas de souci, en quelques minutes
vous pouvez en tester quelques uns puis en acheter un et en profiter
directement.


Le "Games on demand" sur le Xbox-live

 

Coté économique, il faut aussi parler de la concurrence, car
le dématérialisé a pour caractéristique d'être ouvert complètement sur
l'international, un jeu ne vous coutera pas plus cher à télécharger sur un
serveur islandais que sur un serveur qui serait à quelques centaines de mètres
de chez vous, fini donc de payer 10 euros plus cher votre jeu parce qu'un
revendeur a le monopole de la distribution sur votre région.

 

Bon, et les défauts alors ? Bien sûr, il y en a, mais à
mon avis ils sont minimes et à relativiser en vue des avantages.

Un des points négatifs souvent mis en avant est la
disparition du marché de l'occasion. Je pense que cet argument ne tient pas la
route car là où certains voient une disparition, je pense qu'en fait on va
plutôt assister à une transformation
. L'occasion permettait aux joueurs ne
souhaitant pas posséder un jeu à jamais de le revendre et donc de jouer pour
moins cher. C'est la location qui désormais permettra de jouer à un jeu en ne
le possédant qu'un laps de temps limité.
Location qui prend réellement son
essors depuis l'avènement du dématérialisé et de sites tel que Metaboli et qui
remplace avantageusement la location de disques optiques dont l'état pouvait
nous réserver de malheureuses surprises.

Metaboli, site de location de jeux vidéo

 

Pour conclure à propos de ce marché de l'occasion, notons
aussi que la motivation principale que les joueurs trouvent dedans, le gain
économique, est au final un des plus gros avantages du dématérialisé.
D'ailleurs, on l'a vu encore il y a peu avec les offres Steam, les
« vieux » jeux peuvent grâce à la dématérialisation trouver une vraie
seconde vie commerciale, pour le plaisir des joueurs et des développeurs.
Il
faut dire aussi que les boutiques en ligne peuvent se permettre de proposer un
nombre infini de jeux nouveaux ou anciens alors que les bacs des revendeurs
classiques eux ne pourront jamais en accueillir qu'un nombre très limité,
n'assurant de la visibilité qu'aux plus grosses productions.

Les anciens jeux trouvent parfois une seconde jeunesse à petits prix sur le steam store

 

Reste le plus gros argument contre la
dématérialisation : L'avantage de posséder un objet, l'amour de la boite
et de la collection.

C'est sûr, il n'y a pas le même plaisir à posséder un disque
optique que d'avoir un jeu installé sur son disque dur. Si tout le monde n'est
pas prêt à se séparer de cette envie de possession pour préserver notre
planète, il y a sûrement moyen de trouver une substitution qui pourrait
d'ailleurs également assurer la transition entre notre époque et le tout
dématérialisé.
Cette substitution pourrait simplement prendre la forme de
packagings collectors, boites remplies de goodies divers et qui abriteraient
aussi le code permettant le téléchargement du jeu. 

Reste la peur qu'ont certains qu'un jour, le service qui
leur a vendu leur jeu disparaisse et qu'ils perdent ce jeu donc. Difficile
d'aborder actuellement pleinement le débat sur ce problème car coté
dématérialisé, le problème ne s'est jamais encore présenté, par contre, le
problème de durée de vie des médias matériels est lui connu.

On ne parle pas ici
de vos disques optiques rayés par votre enfant mais plutôt de la disparition
des K7 à bandes magnétiques par exemple. En effet lire un jeu ou un film stocké
sur support magnétique aujourd'hui relève de plus en plus de l'exploit, d'abord
à cause de la durée de vie du format, mais vous pourriez rétorquer
qu'aujourd'hui la durée de vie d'un disque optique est largement plus grande,
mais surtout à cause de l'appareil qui permet de lire ce média. En effet,
posséder encore une K7 vidéo en état d'être lue est plus simple que d'avoir
encore un magnétoscope capable de la lire.

Et on en fait quoi maintenant de nos K7 vidéo ?

 

Avec le tout numérique, ce risque devient inexistant et seul
le logiciel en lui-même devient sensible à son « lecteur ». C'est un
peu ce qu'il se passe avec le PSN où vous pouvez trouver FFVII par exemple pour
votre PSP. Actuellement, il faut acheter à nouveau un jeu que l'on possédait
peut-être déjà, mais dans le futur, une fois que l'on aura acheté le jeu (ou
plutôt le droit de le télécharger) on pourra aussi bien y jouer sur sa console
de salon, sa console portable ou même un autre lecteur comme un PC
doté d'un
émulateur pour quand les consoles ne seront plus produites qui sait ?

 

Un autre problème technique est celui de la vitesse de
téléchargement très limitée encore chez certains providers. Vu à quel point
nous pouvons être en retard sur certains pays (comme la Suède ou le Danemark en Europe),
on pourrait simplement penser que si la demande grandit pour le dématérialisé
(et là on parle aussi de la « video
on demand
 »), les providers devront s'aligner pour offrir des débits
appropriés. En attendant ces changements, il
existe déjà des jeux jouables en streaming
qui se téléchargent en même
temps que vous y jouez comme World of Warcraftou encore la technique de Onlive qui lui ne vous envoie que le
flux vidéo
(le jeu est joué sur un serveur qui vous envoi l'image toute
calculée) !

Onlive permettrait de jouer à un jeu de plusieurs terra sur une connexion bas-débit

 

Le seul gros problème donc reste cette fameuse fermeture
possible d'un service, il faudra voir de ce coté si des solutions ne peuvent
pas être envisagées, si légalement l'utilisateur pourrait en être un minimum
protégé par exemple ?

 

Vous l'aurez compris, je suis un fervent défenseur de la
dématérialisation, et pour moi, plus la transition se fera vite et mieux ce
sera pour les joueurs et notre industrie, mais aussi et surtout pour notre
planète.

La plus grande inconnue est sûrement maintenant de savoir
dans combien de temps l'industrie basculera vraiment vers cette
dématérialisation. Si les chiffres progressent vite et bien du coté de Steam,
on note que le pouvoir des revendeurs reste énorme, il suffit de voir les
pressions que subissent les éditeurs qui sont forcés d'appliquer des prix
rédhibitoires aux jeux qu'ils publient sur des services dématérialisés (on
pense au « Games on demand » du Xbox-Live) sous peine de voir leur jeu
obtenir une mauvaise visibilité en rayon ou encore le boycott du même genre
dont a été victime la pauvre PSP GO
qui a le mérite d'ouvrir le chemin.

La très jolie PSP GO, le futur entre nos mains ?

 

Cette année ne sera sans doute pas encore  l'année charnière qui verra les services en
ligne prendre le dessus sur les revendeurs classiques, mais j'espère qu'elle verra
les joueurs marquer leur soutient au dématérialisé encore plus qu'en 2009  pour accélérer cette révolution en marche.