Allez, petit historique rapide. Operation Flashpoint, sur PC, c'était du lourd, du radical, du sévèrement burné, pour les gamers désireux de goûter à autre chose qu'à un énième FPS à base de rail gun ou de fusil plasma. La prudence ou la mort, voilà qui résumait la philosophie des jeux signés Bohemia Interactive. En 2007, coup de théâtre : Bohemia perd la licence, développe Armed Assault, et c'est Codemasters qui hérite du bébé. La double peine, aux yeux de certains amateurs : non seulement le développeur historique se fait la malle, mais en plus Operation Flashpoint se voit désormais adapté sur consoles ! Hérésie... Red River nous prouve qu'avec un peu d'application, ça n'est pas si grave.

« Vous avez laissé vos couilles à la maison ? »

Première bonne impression : l'habillage du jeu. L'intro, en particulier, qui s'inspire de faits réels, se révèle d'une efficacité redoutable. Passons sur l'idéologie véhiculée par le jeu, avec nos fiers U.S. Marines partant cette fois dézinguer du tadjik entre Chine et Russie - d'ailleurs on flingue aussi des chinois, et en nombre -, pour nous concentrer sur le contenu du titre. Le mode Campagne, d'abord, propose une dizaine de missions. C'est peu, mais quand on connaît le gameplay de Red River, résolument diabolique, il faut relativiser. Pour peu que vous osiez vous frotter au mode Expert, qui limite les informations visibles à l'écran ou, fou que vous êtes, au mode Hardcore, qui vire carrément les checkpoints (plus simplement, on peut appeler ça du suicide), il y a peu de chances pour que vous terminiez une mission en moins d'une heure, en moyenne. Ici, l'ode au bourrinage se termine toujours de façon violente, et « l'esprit » du jeu appelle à une certaine mesure dans sa progression. En parallèle à la Campagne, divers types de missions dédiés au jeu en ligne - jusqu'à 4 joueurs - répondent également présents : Sauvetage (récupération de pilotes crashés en territoire ennemi), Tonnerre (protection de convoi ; vous pouvez l'arrêter à tout moment s'il y a danger), Coup de balai (élimination de forces insurgées) et Dernier rempart (défense de position), qui proposent deux maps différentes à chaque fois. Des modes pas très finauds, dans l'ensemble - et un peu d'infiltration, non ?... Bon, tant pis - mais qui ont le mérite d'exister. Et puis je parie mon testicule droit qu'on aura bientôt droit à divers DLC...

« Vous tirez vraiment comme des pines ! »

Dans Red River, votre sergent-chef s'appelle Knox. Et il n'a pas sa langue dans sa poche (la VF est plutôt bonne d'ailleurs, c'est à souligner). Un putain de bon soldat qui vous donnera des ordres comme s'il s'adressait à une sous-merde, mais dans le seul et unique but de vous sauver la peau. Car celle-ci, sur le terrain, ne vaut pas tripette. Comme dans Dragon Rising, une seule balle peut vous mettre au tapis, ce qui ne manquera pas de blanchir la jointure de vos doigts lorsque, crispé, vous rassemblerez vos forces pour casser en morceaux votre paddle (ce dont les plus frêles d'entre vous sont de toute façon incapables, bande de mauviettes). Miracle d'équilibre, au niveau du gameplay, le jeu se révèle toutefois cette fois bien moins frustrant - on s'énerve surtout sur soi-même -, les développeurs ayant compris qu'un jeu même « réaliste » devait faire certaines concessions. Les ennemis à plusieurs centaines de mètres ne vous touchent ainsi plus aussi facilement - adieu vision bionique - et l'I.A. de vos alliés a réellement été retravaillée. La roue d'ordres - entre déplacements, tactiques, sécurisation de bâtiment, etc. - se révèle plus pratique que jamais en solo, et vos équipiers font preuve d'une réelle efficacité dans la plupart des situations. Evidemment, on a toujours affaire, parfois, à des aberrations (vous lancerez régulièrement de subtils : « Putain, mais mets-toi à couvert, connard ! »), mais toutes proportions gardées, le résultat est probant. Un allié qui passe devant vous vous le signale (« Cessez le feu ! »), on peut jouer un cache-cache meurtrier palpitant avec des ennemis en évoluant dans un village de quelques maisons seulement, la possibilité de donner des ordres aussi bien individuels que collectifs à ses trois équipiers permet d'aborder de façon assez pointue les situations les plus diverses, etc. Evidemment, rien ne vaut le jeu multi, en ligne, avec conversation entre les membres de l'escouade. Une option que je n'ai pu essayer avant la sortie officielle du titre, serveurs déserts oblige, mais nul besoin d'être la pythie de Delphes réincarnée pour apprécier les bénéfices d'une action concertée dans un jeu de ce genre.

« Fermez vos gueules maintenant ! »

Irritant, parfois même injuste, Operation Flashpoint : Red River a l'immense avantage d'être, certainement, le premier jeu du genre FPS « extrême » à se révéler réellement convaincant sur Xbox 360 et PS3 (le PC est plus gâté de ce côté-là). Un diamant à polir : l'absence de saut, les commentaires qui se répètent ad nauseam tant qu'une situation n'est pas réglée, les alliés que l'on soigne sans voir sur eux aucune blessure physique, l'appui aérien ou au mortier un peu gadget, l'absence de civils qui donnerait plus de corps aux missions, les véhicules toujours aussi peu convenablement intégrés au gameplay... sont autant d'éléments qui mériteraient d'être améliorés. Mais quel trip ! Raser un muret en contournant un ennemi pour le prendre par surprise, se faire toucher par une rafale et, dans une visée réflexe, abattre son assaillant, prendre le temps d'examiner son environnement, jumelles à la main, avant d'avancer en terrain découvert... Voilà ce qui fait de Red River sinon un grand jeu, en tout cas un titre qu'il convient d'aborder avec un respect mêlé de crainte. Car oui, vous allez en baver. Mais comme le savent si bien les adeptes de coups de cravache sur les fesses, gémissant, le sexe dressé, derrière leur masque en cuir, c'est aussi ça qui est bon...