Dans Pokémon, l'objet "Corde Sortie" permet de sortir d'une caverne sans avoir a se retaper tout le chemin jusqu'à l'entrée. Dans la vraie vie, la corde Pokémon commençait à s'user, le pokéfan se retapant plus ou moins le même genre d'aventure depuis un moment. D'entrée, soyons clairs : la paire Pokémon Noir & Blanc ne révolutionne pas l'univers de Bulbizarre et cie mais elle s'affranchit de certaines lourdeurs de la série, fait passer la saga de l'enfance à l'adolescence en quelque sorte (à l'instar du protagoniste désormais ado), pour finalement amorcer un retour aux sources assez bénéfique. Dans cet ordre d'idée, un paradoxe : Pikachu ne fait désormais plus partie de l'aventure et c'est une très bonne chose...

Le bestiaire inédit d'Unys

Rassurez-vous, la souris électrique est aussi chère à mon coeur qu'au vôtre. Si son absence me réjouit, c'est qu'elle englobe quelque chose de plus grand. Après les excès de collectionnite des derniers épisodes, Pokémon semble vouloir retrouver ses valeurs de vrai RPG, avec un Pokédex qui affichera "seulement" un peu plus de 150 Pokémon, comme à l'origine, dans les versions Verte, Bleue, Rouge. Tous inédits, ces Pokémon possèdent un design presque aussi frais que la première génération. Découvrir ces bestioles dans les hautes herbes procure une sensation que l'on croyait perdue en même temps que notre enfance. Certes, il est toujours possible de récupérer son équipe des dernières versions, composées de Tortipouss, Lugia ou autre Leveinard, mais dans ce cas, il suffira seulement de transferts et non pas d'échanges, qui seront définitifs. Une fois importé dans votre version Noire ou Blanche, votre Pokémon issu d'Or ou d'Argent ne pourra pas revenir dans la version dont il est issu. Mais si l'on décide de récupérer ses anciens Pokémon, ce sera par pure affection pour nos Pokémon d'antan (ou goût de la surpuissance...), et certainement pas par dépit ou frustration de nouveaux Pokémon sans charisme. Cette cinquième génération est en effet amusante, classe, mignonne, à l'image des trois Pokémon de départ : Gruikui, Vipélierre et Moustillon.

Une quête initiatique...

C'est votre personnage et ses deux meilleurs amis (Bianca et Tcheren) qui se verront offrir ces trois adorables bestioles, comme d'hab', ainsi que le fameux Pokédex, au début de l'aventure... laquelle, toujours comme d'hab', met un peu de temps à démarrer. Il faut laisser le temps aux novices (et aux plus jeunes) de se familiariser avec l'univers. Si, comme nous le verrons, celui-ci a changé dans son aspect, il en est de même pour ses codes. Les pokéballs contenant ces Pokémon de départ vous seront offertes dans un paquet cadeau posé dans votre chambre. Fini le labo de l'inévitable professeur de chaque Pokémon, le parrain de votre aventure. Et pour la première fois il s'agira à présent d'une marraine, le professeur Keteeleria.

... dans un monde globalisé

La prof' vous offrira le C-Gear, l'objet qui cristallise l'un des points essentiels de ces nouvelles versions Pokémon : la communication. En local (infrarouge et connexion sans fil) ou via WIFI, ces nouveaux épisodes sont clairement tournés vers l'échange à grande échelle et l'interactivité. L'essence de Pokémon en somme, portée par les technologies d'aujourd'hui. Oui, monsieur. Ainsi, il sera par exemple possible d'utiliser le site internet officiel Pokémon Global Link pour obtenir de nouveaux éléments en jeu (bestioles, baies, objets). Via la section "Dreamland" du site, sur lequel vous pourrez vous inscrire, les Pokémon que vous aurez laissés s'endormir dans votre DS rêveront, et récupéreront à leur réveil le fruit de leurs aventures rêvées... sur internet ! Peut-être ces songes auront-ils lieu lors d'une nuit d'été, le cycle des saisons (comme le cycle jour / nuit désormais habituel) étant présent dans cette version. Certains Pokémon n'arboreront donc pas la même robe, selon qu'il pleuve, qu'il neige ou que le soleil brille à donf'. Le C-Gear permet également, associé au Vokit, de communiquer avec d'autres dresseurs que l'on verra sur son écran de DSi, grâce à la caméra et au micro de cette dernière. Des conversations jusqu'à quatre sont donc possibles mais ne vous attendez pas à un live débridé : les réponses sont d'abord enregistrées, puis envoyées à leur destinataire.

Ultra Janken !

On parlait évidemment de robes ici, comme on évoque celles des chevaux. Cependant, des robes, faites de tissus, pourront également habiller vos Pokémon, aux côtés de lunettes, chapeaux, etc. En effet, ils pourront participer à la "Comédie Musicale Pokémon", spécialement conçue pour mettre en avant les compétences chorégraphiques et artistiques de vos Pokémon. Ce genre d'activités annexes rigolottes ne sauraient remplacer le coeur de Pokémon : la capture et le combat. Ses bases sont rôdées : 17 types d'éléments (Plante, Roche, Feu, Psy, Combat...) s'opposent, dans un pierre-feuille-ciseaux géant, dans lequel un type a toujours l'avantage sur un autre et vice versa (Eau terrasse Feu, Normal est faible face à Combat, Electrique à l'ascendant sur Vol...). Certains des Pokémon ayant pour subtilité d'avoir des mélanges de types comme Plante / Poison, Combat / Roche, etc., un classique de la saga. Mais la grosse nouveauté des joutes de Blanc & Noir, c'est évidemment le combat en trio. Trois Pokémon peuvent désormais se faire face, de deux manières distinctes : soit dans un face-à-face conventionnel, soit en se remplaçant les uns les autres (combat rotatif), au choix du dresseur. L'apport stratégique de ces nouvelles combinaisons est vraiment agréable dans ces deux opus Blanc et Noir, qui se révèlent plus corsés que leurs aînés. L'équilibrage a été remanié, les adversaires (en particulier les boss) sont plus malins qu'auparavant. On a affaire à un RPG de grande qualité, à l'ancienne, typiquement japonais. C'est du tour par tour classique, certes, mais tout comme les échecs, Pokémon repose sur un gameplay accessible et simple de prime abord, qui regorge de subtilités dès lors que l'on maîtrise le jeu à un certain niveau.

La petite révolution 3D

Une autre grande innovation présente dans ces nouveaux épisodes, c'est bien évidemment la présence d'éléments en 3D. Rassurez-vous, on ne touche pas aux sprites de nos bestioles préférées, M. Masuda ayant d'ailleurs expliqué il y a peu qu'un passage en 3D entraînerait forcément une perte de personnalité dans l'aspect des Pokémon, le dessin 2D étant selon lui le meilleur moyen de conserver toute l'originalité de chaque créature. Cependant, on aurait apprécié que les Pokémons affichés de dos, au premier plan d'un combat, le soient dans une meilleure résolution plutôt qu'une version zoomée à l'aspect assez grossier, façon "bouillie de pixels". La 3D, par contre, a été intégrée avec parcimonie dans les décors, et vivifie l'univers d'une manière assez spectaculaire. La mise en scène est donc souvent inédite, permettant des effets bienvenus, donnant compte de l'immensité d'une ville par exemple, par des jeux de perspectives bien pensés, soignés. Le caractère épique de l'aventure n'en est que renforcé. Les Pokémon ont quant à eux gagné en mouvement et bon sang, il était temps ! Désormais ceux-ci s'animent lors des combats, certes en effectuant des gestes en boucle, mais cette nouveauté apporte bien plus de vie à l'ensemble et offre donc plus d'immersion aux joueurs. Même les cris des Pokémon ont été repensés, ils ne ressemblent plus à un vague son synthétique Game Boy mais presque à un semblant de cri animal !

La Pokénarration passe au niveau supérieur

Enfin, nous terminerons cette critique en abordant deux points, l'un extrêmement positif et l'autre un tantinet décevant. A l'évidence, dans l'inconscient collectif, la machine de guerre marketing Pokémon prend le pas sur ce qu'est intrinsèquement le jeu. Une réaction somme toute normale, Pokémon Black & White ayant encore pulvérisés tous les records lors de leur sortie japonaise. Mais ceux qui s'essayeront à ces nouveaux opus découvriront peut-être l'humour, la qualité d'écriture, de cette aventure certes assez simple mais rudement bien menée. Les dialogues développent plusieurs niveaux de lecture, sont souvent référencés et la qualité de la traduction française est donc à saluer. Dans la limite de ce qu'il est possible de dire dans un titre Pokémon, un jeu s'adressant en priorité à un jeune public, le résultat est remarquable. Les musiques sont également un bon point de cette aventure, certains thèmes classiques étant remaniés avec brio, tous entraînants et apportant leur lot d'instants Kodak dès lors que la nouvelle mise en scène 3D suit.

La déception vient du mode Hey Link que l'on espérait vraiment coopératif, à la Dragon Quest IX, et qui s'avère finalement assez limité. Il permet certes de glaner quelques bonus mais pas de vivre une véritable aventure à deux. Mais bon, en solo, l'épopée est déjà tellement énorme et le titre possède une telle durée vie, même une fois l'intrigue du jeu bouclée, que l'on ne se plaindra pas outre mesure.

Je ne vous ferai pas le coup du "jeu de la maturité" mais à l'évidence la saga Pokémon a évolué avec Pokémon Version Noire et Pokémon Version Blanche. Il était grand temps et on s'en réjouit. A l'instar de son protagoniste toujours muet mais désormais adolescent, la narration de Pokémon se veut plus profonde, plus réfléchie (pas besoin non plus de relire les écrits d'Hegel sur le concept de liberté, on reste dans une histoire très simple mais jamais niaise, très souvent drôle). Faut-il préciser que décider d'orientations nouvelles peut s'avérer un casse-tête pour les développeurs, surtout avec un Pokémon qui se vend déjà, sans rien faire, par millions ? Revenir à un Pokédex plus condensé, peaufiner l'animation des Pokémon qui le composent, insérer avec parcimonie la 3D, sont d'excellents remèdes pour renouveler et rendre sa fraîcheur à la série. Comme en plus, l'aspect communautaire est encore plus poussé et que le système de jeu est parfaitement équilibré et toujours super efficace, Pokémon Version Noire et Pokémon Version Blanche redonnent indéniablement des couleurs à la saga des monstres de poche.