Lara Croft, c'est un peu la superstar que les gamers, les vrais, les tatoués, aiment désormais bien rouler dans la boue. Et depuis un bout de temps. Il faut dire que l'entreprise de démolition menée par Core Design, entre 1998 (à partir de Tomb Raider III on va dire), et jusqu'en 2003 (l'Ange des Ténèbres) a été d'une efficacité redoutable. Incapable de se renouveler, le développeur anglais est resté engoncé dans un gameplay d'un autre temps, allant jusqu'à s'attirer les foudres d'un éditeur, Eidos, jusque là ma foi fort patient. Coupé le cordon ombilical : Lara traversera l'Atlantique pour s'en remettre à d'autres mains. Finalement l'idée était bonne. Après un Tomb Raider Legend certes un peu court mais qui avait le mérite de proposer une Lara enfin guérie de ses problèmes d'arthrite, Tomb Raider Anniversary devient tout simplement... le meilleur épisode de la série. Eh oui.

I like to move it, move it

Pour ceux qui n'ont pas bien suivi l'histoire, Tomb Raider Anniversary est un remake du tout premier Tomb Raider, sorti en 1996 sur PlayStation. Si l'idée est bonne, elle sent également très fort l'opportunisme. Parce que les communiqués de presse dithyrambiques, les "nous sommes très heureux de nous investir dans ce projet qui nous tiens à cœur comme jamais (achetez notre jeu !)", on connaît. Sauf que là, opportunisme ou pas, il faut bien se rendre à l'évidence : Crystal Dynamics a fait un boulot fantastique. Que ce soit sur PC - où le jeu est sublime - ou sur PS2, on touche ici à la quintessence du genre aventure-action. Plus fort encore : question maniabilité, la combinaison clavier + souris n'a rien à envier au paddle pour ce qui concerne la réactivité et la souplesse des commandes. Croyez-le ou non, Lara se manipule superbement à coups de Q, S, D, Z et clics droit ou gauche (on maudira juste certains mouvements de caméra). J'irai même presque jusqu'à dire que c'est mieux qu'au DualShock, mais là, on penserait que c'est de la provocation...

Remake my day

Le premier Tomb Raider a connu le succès en partie parce que c'était un des premiers jeux en 3D d'envergure (à l'époque on se paluchait devant des persos constitués de quelques centaines de polygones, alors imaginez, tout un monde) mais aussi, et surtout, parce qu'il proposait une ambiance unique, qu'il invitait, au gré des foulées de Lara, à de véritables contemplations. Une atmosphère d'aventures, de découvertes, qui fera défaut à tous les autres épisodes, toujours trop portés sur l'action (Tomb Raider : la Révélation Finale tentera de renouer avec cet esprit, mais sans convaincre vraiment). C'est donc avec un frémissement d'appréhension que l'on voit Lara débarquer au Pérou... Une double porte immense s'ouvre, des loups se jettent sur un sherpa qui ne verra que crocs et sang avant de s'abattre face contre terre... Voilà, Lara est revenue sur la terre de ses origines, elle laisse ses 9mm exprimer sa rage, prend du plaisir à entendre crisser sous ses pas une neige jusqu'alors vierge du passage de tout être humain... Le joueur émerveillé reconnaît les lieux tout en s'étonnant des nombreux changements qui y ont été opérés. Tout ici est plus grand, plus détaillé, plus écrasant... L'occasion de découvrir de nouveaux mécanismes, de nouvelles pièces, de nouveaux trésors et de se frotter à des problèmes qui, malgré l'impression de déjà-vu qu'ils procurent souvent, réclament de nouvelles formes d'appréhension. Des tréfonds de la cordillère des Andes aux niveaux inspirés de la Grèce antique, de l'Egypte éternelle aux vastes réseaux organiques d'une Atlantide corrompue, Lara redevient, en même temps que transformée, la pilleuse d'antan.

Dieu que c'est beau (a-ya a-ya a-ya)...

En plus de sa jouabilité revue et corrigée - une amélioration encore de ce que l'on connaissait dans Tomb Raider Legend, avec grappin qui sert à courir sur les murs ou possibilité de tenir en équilibre sur le sommet étroit de poteaux -, de son respect d'une ambiance qui laisse la part belle aux silences et de ses puzzles ô combien améliorés, Tomb Raider Anniversary se paie le luxe de l'excellence graphique. Retrouver le Sphinx, la statue de Midas (dans son entièreté cette fois ; ce n'est plus seulement une main échouée près d'une paire de pieds aux jambes brisées), le Colysée, le tombeau de Qualopec... Voilà autant de moments qui procureront au joueur sensible des bouffées de grandeur. Les décors ne sont pas simplement beaux : ils se révèlent majestueux. Crystal Dynamics réussit le tour de force de nous faire ressentir, dix ans après, des sensations que l'on pensait enfouies sous des strates de souvenirs tout au long de cette aventure d'une vingtaine d'heures. Bien sûr tout n'est pas parfait, et on peut pester devant ces passages à recommencer des dizaines de fois - il y en a quelques-uns - ou s'indigner des réactions dignes de protozoaires des différents animaux croisés dans le jeu. Magnanimes, nous estimerons que c'est là un tribut d'authenticité à un titre qui, en son temps et désormais aujourd'hui encore, reste un éternel classique.