Les versions étant similaires, les tests le sont également.

Le cerveau est un outil étonnant au fonctionnement mystérieux. Je suis toujours surpris de voir comment il peut "oublier" certains aspects négatifs pour se concentrer sur les bons souvenirs d'une expérience. Prenez Fallout 1 et Fallout 2 par exemple, il y avait pas mal de problèmes avec et on souffrait en y jouant. Si, soyez honnêtes, un peu. Mais au final, la souffrance était contrebalancée par le génie de l'ensemble. On se souvient de la fin Fallout 1, mais on oublie que le temps limité pour la première partie de la quête a fait s'arracher les cheveux à de nombreux joueurs. On se remémore l'humour de Fallout 2, mais on ne se rappelle plus trop bien de l'histoire principale, qui franchement ne casse pas cinq pattes à un canard mutant. C'est comme ça, le cerveau pardonne ce qui est mauvais et les bons moments ressurgissent plus facilement. Et un jeu comme Fallout 3 a dû se construire par-dessus ce genre de légende. Difficile.

Mouais

Le problème de Fallout 3, c'est son côté "mouais". Le scénario était "mouais". Le moteur graphique était "mouais". L'humour était "mouais". L'ambiance était pas mal avec une grosse partie d'exploration. Le joueur curieux découvrait des lieux intrigants, porteurs d'histoire, parfois avec un "H" au début et parfois avec "s" à la fin. Passé cela, Bethesda ne fournissait malheureusement pas l'écriture, le background, les explications que l'on attendait. Ni en qualité, ni en quantité. Même si le titre se montrait correct au final, il y avait comme un sentiment d'inachevé. Qu'en est-il alors de Fallout New Vegas, développé cette fois par Obsidian ? Est-ce du 3.5 comme on l'a entendu ? Commençons par dire que je n'ai pas fini le jeu, impossible malgré un marathon de trois jours non-stop, sans douche, en négligeant ma fille et en zappant l'anniversaire de ma femme. Mais j'en ai vu assez pour rechigner à écrire ce test : j'ai juste envie d'y retourner. Rahhh. Bon, soyons raisonnable, il faut travailler : je vais vous expliquer les détails.

Oh non pas lui...

Le premier sentiment par rapport à Fallout New Vegas est mauvais. Et c'est bien normal, car on se retrouve face au moteur de Bethesda : ses textures dépassées (encore plus que lorsque Fallout 3 est sorti, forcément), son interface aussi peu pratique pour la console que pour le PC, ses modèles affreux, ses animations faites par Marcel, technicien de surface qui s'y connait beaucoup plus en balais, ses bugs à foison... Bref, ça fait mal. Le cerveau balance tous les mauvais souvenirs en bloc. Surtout que peu d'efforts ont été faits pour améliorer les choses. Techniquement parlant, pour un jeu, passer de Bethesda à Obsidian, c'est ce qu'on appelle tomber de Charybde en Scylla. Du coup, il faut encore supporter pas mal d'horreurs, dont quelques bugs vraiment graves pouvant mener à des abus. Les devs ont quand même tweaké des trucs ici et là : la visée et le tir hors VATS ont été perfectionnés par exemple, et on fait largement moins de pauses qu'avant (c'est réservé aux situations spéciales ou de grand danger). Moins de ralentis, plus d'action, moi je suis pour. Puisque de toute manière, le système de combat bâtard n'est pas satisfaisant à la base, autant perdre le moins de temps avec.

Hardcore pour les nuls

Parmi les gros chantiers, on trouve l'artisanat, totalement revu pour se concentrer sur les consommables (soins, bouffe, munitions). On peut découvrir quelques autres "blueprints", des plans pour fabriquer des objets spéciaux, mais c'est très rare. Plus d'armes qui ne servent à rien, donc ! Cependant, le jeu est tellement facile et fournit tellement de stocks, partout, que l'artisanat n'est plus bien utile au final. Surtout qu'il n'est absolument pas pratique, entre l'inventaire de la mort toujours surchargé et les ateliers mal placés : ce n'est pas le passe-temps le plus agréable du monde. Tout ce que je peux vous conseiller, c'est de jouer en ultra difficile pour vous obliger à utiliser plus souvent vos ressources, et d'activer l'option Hardcore. Il s'agit en fait d'un mode réaliste qui vous demandera de boire, manger et dormir sous peine de pénalités. Sachant que dormir fait passer du temps, donc augmente vos besoins en nourriture. Que manger donne soif et que boire, en général, aggrave votre irradiation. C'est rigolo, mais au bout du compte, tout cela reste du gadget, car on en bave pas beaucoup plus, sauf si vous aimez la gestion d'inventaire.

Nos amis les bêtes de somme

Ah, j'ai failli oublier : en mode hardcore, les compagnons pourront mourir définitivement. Ce qui peut arriver fréquemment, vu que l'IA n'a pas vraiment subit de lifting non plus avec Fallout New Vegas. Ça serait dommage de les perdre. Déjà, on n'est pas dans un jeu Bioware : les compagnons sont parfois difficiles à trouver (pour ceux qui n'ont pas regardé ces saletés de journaux de dev). Ensuite parce qu'ils donnent des perks (des avantages uniques) supplémentaires en vous suivant. Et surtout, parce qu'ils ont des backgrounds intéressants. Certains sont assez mystérieux, d'autres offrent des séries de quêtes très claires. Si vous les évitiez dans Fallout 3, vous les aimerez dans New Vegas ! N'ayez pas trop peur, ils s'en sortent quand même assez bien, donc ne désactivez pas le mode hardcore pour si peu. En cas de drame, il suffit de recharger la partie et de ne pas les laisser faire n'importe quoi non plus !

Cherche oreilles de remplacement

Petit aparté en attendant que Gameblog ait des encadrés un jour : la VF est une catastrophe. La qualité des voix est inégale (et ils n'ont aucune voix de vieux ?). Idem pour la localisation qui semble parfois bonne, mais souffre d'erreurs impardonnables qui cassent l'immersion. Ainsi, dans le menu de configuration des touches, "back" devient "retour" au lieu de "reculer". Un PNJ vous dira "bienvenue" à la place de "de rien" (traduction de "you're welcome"). Ou encore un livre comme "Patriot's cookbook" ("le petit guide du patriote", par exemple) est traduit "le livre de cuisine des patriotes". Une honte. J'ai tenu quelques heures pour ma conscience professionnelle avant de passer en anglais. Vous pouvez jouer en VF, mais vous allez pleurer des larmes de sang. Acides. Radioactives. Qui puent la patate.

Passé cet intertitre, tout va bien !

Voilà, vous être paré pour affronter les Terres Dévastées du Mojave. Désolé j'ai été un peu technique et pas spécialement rassurant jusqu'ici, mais comme dans une bonne dissertation de niveau seconde, j'ai préféré garder le meilleur pour la fin. Vous êtes donc un courrier, du Mojave Express, et vous venez de vous faire buter d'une balle dans la tête. Rassurez-vous, on y survit très bien. Même pas une petite perte de mémoire, Obsidian ne vous fera pas ce coup-là. En revanche, on vous a volé votre colis et mine de rien, vous êtes un professionnel doublé d'un revanchard : pas question de laisser vos assassins incompétents s'en tirer aussi facilement ! Une fois remis sur pied par le doc de la ville de Greenspring, vous voilà libre de suivre les premières pistes... ou de partir n'importe où. Personnellement, j'ai choisi la première solution. J'ai donc rencontré le gang des Poudriers, ainsi que les soldats de la Nouvelle République de Californie, qui tentent de contrôler la partie à l'Ouest du Colorado. Puis plus tard les légions de César, installées, elles, sur la berge Est.

Mon Dieu, c'est plein de contenu

Ces deux factions sont les principaux acteurs de l'histoire de Fallout New Vegas, avec la ville elle-même au centre. On connaît la NRC depuis les premiers Fallout. Ce gouvernement militaire et bureaucratique n'est pas très apprécié des locaux, qui subissent les taxes et les soldats un peu frustes. Mais il y a pire : le malade qui se prend pour César et qui risque de débouler à tout instant pour crucifier les barbares qu'ils sont. Ses armées sont très conséquentes et bien entrainées, alors que La NRC perd du terrain par manque de troupes. Ce face à face dure depuis un moment, et vise le contrôle du célèbre barrage Hoover. Et entre ces deux géants : M. House, le boss de New Vegas, mais aussi les familles qui dirigent Le Strip, et les gangs comme les Grands Khans, les Boomers, les Poudriers, les super mutants... Sans oublier différentes villes indépendantes, certains intérêts économiques, une poignée de soldats de la confrérie de l'acier et les adeptes de l'apocalypse. J'en oublie ? Peut-être.

Laissez-moi consulter mon agenda...

Les factions sont la grande force de Fallout New Vegas. Et le jeu vous obligera à rencontrer les plus importantes d'entre elles pour vous forger une opinion avant que l'affrontement entre la NRC et les Légions de César ne prenne place. Car Obsidian vous a concocté une fin à la Fallout, avec une explication de ce qui arrive aux factions dans le futur, selon vos actes et vos choix. Forcément, les quêtes se multiplient, vous faisant gagner des points de renommée pour les uns, vous rendant l'ennemi des autres. Et autant vous dire que vous allez vouloir tout faire et tout voir avant de déclencher la fin ! L'ensemble forme un tout intense, ultra cohérent et passionnant : du super bon boulot. Comme je l'ai dit, bien que proche, je n'ai pas encore vu le dénouement, on ne peut qu'espérer qu'il n'a pas été rushé et amputé à la manière la fin de Knights of The old Republic II ! Allez, j'ai foi. En plus, la rejouabilité est assurée ! Je me demande si, lorsqu'on s'allie à César, on peut le trahir à la fin ? Dira-t-il "Tu quoque mi fili" ?

De bonnes retombées

Bon scénar, check. Et bonne ambiance ? Oui, là où Bethesda aussi avait réussi à insuffler l'âme Fallout, Obsidian ne manque pas d'idées dans les lieux, les dialogues, les situations. Oh, il faut bien avouer que l'allongement de la série provoque une surenchère dans l'étrange qui fait parfois hausser les sourcils, mais l'équilibre reste stable : on ne tombe ni dans la répétition, ni dans le farfelu. Bon OK, c'est un peu borderline... En tout cas, il règne cette atmosphère unique en son genre où il n'y a pas de bons et de méchants, mais que des fous, des lâches, des naïfs, des désespérés, des calculateurs, des drogués, des losers, des vénaux... Oh, et quelques types honnêtes et honorables aussi. À vous de choisir qui vous serez : les légions de César sont peut être des esclavagistes impitoyables, mais au moins ils ont une discipline : ils ne se vautrent pas dans le jeu, l'alcool, et les prostituées entre deux arnaques. Car oui, on peut se vautrer dans une prostituée. Attention tout de même, avec Obsidian, jouer les méchants est rarement cool et pas spécialement rigolo.

What is your favorite humor ?

Côté humour, puisqu'on en parle, Obsidian a choisi par défaut le sarcasme sombre du Fallout 1, suivant l'exemple de Bethesda pour Fallout 3. Je dis "par défaut" car les petits malins proposent aussi une série de rencontres humoristiques décalées ou bizarres pour faire honneur aux délires de Fallout 2. Il vous suffira de sélectionner un perk spécial à la création de personnage pour les activer. Hélas, n'étant pas trop sorti des sentiers battus, je n'en ai vu qu'un pour l'instant. Et euh... j'ai même pas bien compris de quoi il s'agissait. Serait-je dépassé par les références ? Difficile donc de dire si ça vaut le coup ou pas. Tout dépend de votre style : sérieux ou déjanté. Mais qui ne le prendra pas, ce perk franchement ?

Le bilan est assez clair : Fallout New Vegas est tout ce que Fallout 3 aurait dû être. Côté liberté et scénario en tout cas, car pour la technique, il faut prier pour que leurs collègues d'id Software refilent un moteur crédible à Bethesda un jour et que ces derniers arrêtent de programmer une bonne fois pour toutes. Obsidian n'a pas pu faire de miracles sur ce point, et cela pourrit même leurs idées de gameplay sur l'artisanat. À l'instar de Fallout 1 & 2 qui ont vu leurs défauts respectifs - eux aussi avaient un inventaire daubique ! - atténués par le génie des créateurs, le travail d'Obsidian nous fait heureusement oublier ces détails, ne laissant comme seul vrai problème qu'une difficulté décidément trop triviale. C'est dur d'équilibrer un tel jeu !