Les MMO étant sujets à des changements rapides et importants, nous nous abstenons d'attribuer une appréciation chiffrée à leur sortie.

Vous avez la nostalgie de vos parties de gendarmes et voleurs ? D'une époque si douce où Guignol était vraiment trop cool ? Réveillez-vous ! Nous sommes en 2010. C'est milices contre gangs organisés de nos jours. Avec armement lourd des deux côtés. On appelle ça le progrès. Ça n'empêche pas Guignol de pointer le bout de son nez dans votre MMO pour vous voler vos illusions...

San Paro, ton univers impitoyââââble !

Les intentions de David Jones, qui a quand même Crackdown comme titre "récent" à son palmarès de développeur, sont louables : faire de APB un MMO résolument contemporain, sans elfe, sans pouvoirs magiques, sans princesses à sauver. Tout se déroule à San Paro, une ville qui ferait passer les quartiers chauds de Los Angeles pour des parcs pour enfants. Milices et bandes organisées s'y battent en permanence pour son contrôle, avec un mépris total des pauvres civils. On tire d'abord, on avise ensuite. Pour faire illusion, les miliciens peuvent quand même "arrêter" un criminel. Et l'abattre après. Pour rire.

Tâches de rousseur et couettes

Commençons par le commencement : la création de votre personnage. Après avoir choisi entre milice et criminels (Enforcers et Criminals en VO), vous avez accès à un éditeur de personnage des plus complets. La modélisation va jusqu'à l'apparence des veines de votre avatar, toujours amusant pour faire un grosbill bodybuildé. Malheureusement, comme souvent avec les MMO, tout ça ne sert guère en jeu, où coiffure et vêtements seront bien plus visibles que vos tatouages. À condition d'en porter, des vêtements ! Car ici, nous sommes dans le monde du bling-bling : les fringues n'influent pas sur les capacités de votre personnage. Du coup, hop, je me fais une babe qui va aller détrousser les passants en string. Pour les tatouages, il faut attendre un peu d'avoir plus d'expérience... Vous croiserez donc de tout dans les rues de San Pedro, en fonction des goûts et du talent des joueurs. J'y reviendrais...

Des rouages bien huilés

Une fois votre avatar à votre goût, il est temps de débarquer dans San Paro. En commençant par le quartier didacticiel de préférence. Là, vous découvrirez les rouages du gameplay d'APB. Ce dernier se décompose très facilement : réception d'une mission, acquisition d'un véhicule (le vôtre via un distributeur spécial, ou réquisition / vol direct dans la rue) et direction plein gaz vers le lieu de l'action. La suite dépend de votre mission, mais fonctionne toujours selon deux mécaniques simples : tuer vos opposants pour défendre / prendre un objectif (phase de TPS classique) ou réaliser une action (taguer / repeindre un mur, voler un objet, poser une écoute, etc.) où votre personnage va juste mimer un truc bizarre pendant qu'un timer défile à l'écran. Le but étant de serrer les fesses en espérant que personne de la faction adverse ne vous tombe dessus pendant ce temps-là.

Inégalités entre quartiers

San Paro se divise en quartiers, ou "districts" en anglais. Le "social district" est un quartier réservé à la customisation (avatar, achat d'armes, voiture, etc.) où la violence est impossible. Pour se fritter dans la joie et l'allégresse, il faut être dans le Waterfront District ou le Financial District, les deux maps "action" d'APB. Et là, les amateurs de guerre à grande échelle vont tiquer : chaque quartier "action" est limité à environ 40 joueurs par faction. Plus il y a de joueurs, plus il y a d'instances de ces quartiers. Et dans ces zones, on ne peut jouer qu'avec ou contre les personnes concernées par la mission en cours. Le maximum théorique est de 20 personnes (5 groupes de 4 personnes maximum) par faction. Ça donne des situations un peu stupides où après 30 minutes d'échanges de rafales, on se retrouve face à des joueurs redevenus "neutres" car la mission est gagnée ou perdue. On ne peut alors plus tirer dessus car leur nom n'est plus rouge. Sans parler des bugs dans la circulation des "civils" qui restent souvent plantés au milieu de la route et du fait que les autres joueurs font leurs missions dans leur coin. Passer devant un carrefour avec une grosse fusillade sans pouvoir aider sa propre faction, c'est plutôt frustrant. Dans le genre immersion ratée, c'est du très haut de gamme...

Et pourtant, la vie est belle !

Doté d'un moteur 3D plutôt réussi, APB n'a pas de réel défaut en terme de réalisation, à part des temps de chargement assez longs quand on change de quartier (ce qui influe aussi sur les chargements en jeu de certaines textures). Les graphismes sont fins, les personnages assez réussis malgré des animations parfois rigides et l'ambiance générale est sans conteste très "GTAesque" : musique à fond quand on vole une voiture, autres membres de votre groupe qui peuvent se mettre aux fenêtres pour canarder dans tous les sens (très fun les premières fois), etc. Du reste, le son est un point fort du titre. Les bruitages sont bons, et le système gère votre proximité avec chaque source de manière très fine. Y compris pour parler avec d'autres personnes pas forcément dans votre groupe. Du bon boulot.

Mais le dada de Realtime Worlds, c'est la customisation. Car outre des armes de plus en plus puissantes, monter en niveau débloque de plus en plus d'éléments pour différencier votre voiture et votre avatar : nouvelles couleurs, nouvelles formes dans l'éditeur de logos, etc. Du coup, certains passent plus de temps à créer dans le Social District qu'à faire la guerre. Et le résultat est parfois bluffant... ou très (très) laid. Le goût reste une notion très personnelle ! On trouve même dans le jeu un séquenceur pour réaliser ses propres musiques. C'est Faskil qui va être content. Très sincèrement, je n'avais jamais vu des outils de ce calibre directement "in game" ! Malheureusement, l'ergonomie générale est souvent bancale, même pour les menus de base. Si l'habillage est réussi, ça manque vraiment de finition sur ce point. Rien qu'équiper une arme ou recharger les bonnes munitions devient vite pénible. Dessiner un chef-d'oeuvre vous demandera du temps et pas mal de patience !

Et là, c'est le drame

Résumons : APB est un "presque-MMO" qui mélange action et conduite, où le but est de ramasser un max d'argent à chaque mission, pour ensuite le dépenser en armes et objets de customisation divers et variés. Sans oublier en nouvelles voitures, évidemment. Monter de "rank" permet de débloquer de nouvelles armes / voitures / fringues, qu'il faudra acheter. Pas de classes de personnages, pas d'items importants à part les armes. Je vous épargne le système de carte / GPS et autres trivialités pour parler du plus important, le fun ! Car si au bout de 10 minutes, on rigole bien en salivant sur le potentiel d'APB, la lune de miel ne dure pas très longtemps. Au bout de 5h, on commence à se dire que le point B de cette mission est quand même un peu loin. Au bout de 10h, c'est le choc : on nous aurait menti ? Quand la magie de la découverte s'évapore, APB dévoile un odieux visage fait de grind et de missions répétitives. Car une fois le maquillage nettoyé, on comprend ce qu'est réellement APB : un jeu d'action à la troisième personne très moyen, associé à des phases de conduite qui n'ont rien d'exceptionnel. Rajoutez à ça l'équilibrage horriblement raté pour le moment et vous aurez une grosse déception sur les bras. Et croyez-moi, ça m'attriste. Je commence à me lasser à faire des tests de MMO à côté de la plaque qui ont tendance à fermer 1 ou 2 ans plus tard...

La rupture

Tout ça mérite des explications. Commençons par la partie TPS : les combats sont horriblement déséquilibrés et sans aucune stratégie. En cas de 1v1 avec des joueurs pas trop manchots, c'est simple : celui qui à la plus grosse (arme) gagne. Gagner ou perdre un gunfight n'apporte aucune sensation : les impacts ne sont pas localisés, les fights sont mous au possible. Les "tués" réapparaissent généralement à une centaine de mètres de l'action, et retentent leur chance tant que le chrono le leur permet (toutes les missions du genre sont en temps limité) pendant que les autres campent tranquillement. Un système de recharge d'énergie automatique, maintenant bien connu du monde des FPS, favorise bêtement cette stratégie. On se planque, on recommence, jusqu'à ce que l'équipe la mieux équipée gagne. Le feeling est tout simplement raté, de la grenade au fusil de snipe. Et j'insiste sur le fait que l'équilibrage, malgré la volonté de faire combattre des équipes de rang similaires, est une catastrophe. L'absence de barre de santé n'arrange rien. Contre un gros calibre, le temps que votre écran s'assombrisse pour vous prévenir que c'est mal barré et vous serez déjà mort. C'est simple, par rapport à n'importe quel FPS multi de dernière génération, APB est un (gros) pas en arrière.

Côté conduite, le constat est également décevant. À part quelques courses poursuites en JcJ avec son gang aux fenêtres, le but est généralement d'arriver dans les temps sur le point à attaquer ou défendre. Sauf qu'un peu trop souvent, vous serez de l'autre côté de la ville, ce qui au mieux vous fait rater une partie de l'action (les missions sont souvent découpées en chapitres) et au pire, vous fera perdre la mission sans avoir eu le temps de faire quoi que ce soit. La conduite elle-même n'est pas très intéressante vu le comportement insipide de la plupart des voitures, histoire de vous motiver à débloquer les bolides hors de prix des niveaux supérieurs. J'avoue cependant qu'arriver sur une bande d'ennemis à fond la caisse et faire un strike en pleine rue s'avère très jouissif. Idem quand on arrive à faire exploser une bande complète d'adversaires encore dans leur véhicule. Mais même si certaines missions sont potentiellement plus prenantes que d'autres, avec une espèce de CTF à base de valise à protéger par exemple, le gameplay dans son état actuel ruine toute chance de fun à moyen terme. La monotonie des missions cache mal le vide de San Paro, avec ses buildings où 1% des portes fonctionnent et où la circulation bug au moindre accroc.

C'est toujours une question d'argent

APB se tire en plus une balle dans le pied avec son système de paiement et de publicité. Tout d'abord, un système de pub audio (!) est prévu. Directement intégré dans le système de communication vocal entre joueurs, APB détectera si personne ne parle et en profitera pour vous balancer ses pubs. On nous promet que ça ne sera "pas trop fréquent" (toutes les 3 heures, uniquement à l'entrée du Social District). Encore heureux... Pour le moment, je n'ai pas encore eu la "chance" d'expérimenter la chose. Si le titre ne décolle pas, on peut parier que les annonceurs ne suivront pas non plus. Mais pour moi, c'est clairement la pire idée depuis les maps payantes en DLC...

Mais je n'ai pas encore parlé du système d'abonnement. Pour l'achat du jeu (environ 50 euros) vous avez droit à 50 heures de jeu dans les quartiers d'action. Pour 20 heures supplémentaires, ça sera environ 7 euros, merci bien. Et 10 roros pour le pass de 30 jours (équivalent aux autres MMO classiques). Selon vos habitudes de jeu, le pass horaire peut donc être intéressant.

Ça ne s'arrête pas là : un système d'échange de points contre argent réel est aussi en place au sein d'APB. Les RTW (Points Realtime Worlds) permettent l'achat d'objets et de temps de jeu. Les tarifs vont de 4,5 euros pour 200 points à 58,5 euros pour 2600 points. L'intérêt pour les joueurs les plus doués sera de vendre leurs créations (musiques, fringues custom, etc.) contre des RTW et payer ainsi leur temps de jeu par exemple (20 heures coûtent 280 RTW). Les mauvaises langues notent aussi que si les abonnements ne décollent pas, le cashshop classique des MMO Free2Play est déjà en place... Tout ça n'est pas si choquant, si ce n'est que David Jones a promis un MMO "sans abonnement" pendant des lustres. La réalité des coûts d'un tel titre a dû le rattraper... Mais le vrai problème, c'est que la qualité actuelle d'APB ne justifie tout simplement pas ces tarifs.

Balle perdue

APB est un MMO frustrant à plus d'un titre. Bien réalisé, avec une bande-son très réussie (et customisable avec vos propres MP3), il s'avère trop creux côté gameplay pour maintenir l'intérêt longtemps. Si la personnalisation est au coeur de la conception du titre de Realtime Worlds, elle ne peut en rien combler le manque de variété des missions et des mécaniques de jeu mal pensées. Et ça agace. Car APB fait partie de ces titres qu'on a envie d'aimer et à qui on pardonne ses faiblesses pendant quelques heures, grâce à quelques moments fantastiques. Mais à moyen terme, une fois cette phase de découverte passée, j'ai bien peur que la plupart des joueurs ne désertent San Paro, sans regarder derrière eux...