Les versions étant très similaires, les tests le sont aussi.

À la manière des histoires de Nico Bellic (Grand Theft Auto IV) et de Johnny Klebitz (Grand Theft Auto IV : The Lost and Damned), celle de Luis Lopez parle de loyauté. Un thème décidément récurrent chez les auteurs de Grand Theft Auto, et on le comprend : en matière de crime comme de justice, de business comme d'intimité, difficile de ne pas tout rapporter à une question de confiance. Celle qu'accorde Luis Lopez à Tony "Gay" Prince, le patron des deux boîtes les plus branchées de Liberty City, le Hercules et Maisonette 9, est sur le point d'être mise à rude épreuve au moment où l'on entre dans l'univers de ces deux hommes, que tout semble à première vue opposer... et pourtant.

"The world is built upon bad ideas, man !"

L'un est gay et s'habille en costumes chics, l'autre est un hétéro portoricain pur jus en jean-baskets. L'un est le roi de la nuit, cerveau derrière un succès qui n'a pas encore été démenti, l'autre un second couteau qui ne veut pas faire de vagues, et qui tente de filer droit depuis son dernier passage en taule. Le premier est Tony, le second Luis, et ce sont des associés improbables, mais qui sont faits pour être complémentaires, pour le meilleur... et pour le pire. Ce qu'on nous propose de jouer d'ailleurs, c'est sans doute le moment où le pire survient... lorsque Tony, en pleine crise de la quarantaine, finit par s'associer avec des mafieux qui ont bien l'intention de profiter de son statut de "tapette" pour lui extorquer le maximum. Dès le début, le ton est donné ; lorsque Ricco débarque pour exiger ses sous, Luis n'aura pas d'autre choix que celui de suivre Tony dans sa dégringolade vers l'endettement, la drogue et plus de problèmes encore.

Grandeur et décadence

Si GTA IV conte donc l'histoire d'un ascenseur social grippé, et The Lost and Damned d'un groupe dont les liens finissent par éclater, The Ballad of Gay Tony, pour sa part, raconte comment un homme va passer de la lumière et des paillettes aux ténèbres et à la poudre. La poudre qu'il se colle dans le nez, ou celle qu'il devra faire parler d'ailleurs, par l'intermédiaire de Luis en l'occurrence, qui n'aura, lentement mais sûrement, d'autre choix que celui de s'acoquiner avec des personnages peu recommandables pour des boulots qui le sont tout autant : Rocco et sa mafia italienne, Bulgarin et la russe, Mori (le frangin de Brucie) Kibbutz, ou encore Yusuf, qui est peut-être le seul personnage de toute cette clique à aimer sincèrement Lopez. En mélangeant cette situation et ces personnages au monde de la Jet Set et de la nuit d'une Liberty City résolument décadente, on obtient une série de missions mémorables, beaucoup plus en phase avec les extravagances d'un Vice City que l'hyper-violence d'un Lost and Damned. L'originalité de l'ambiance de ce dernier était un changement agréable, mais The Ballad of Gay Tony revient sur un registre que Rockstar maîtrise apparemment bien plus. Plus subtile, mieux dosée, et forte de moments mémorables, l'histoire de Lopez parvient à tenir en haleine de bout en bout.

L'envers du décor

Je ne voudrais pas vous spoiler le meilleur des 26 missions de cette extension, mais croyez-moi sur parole : elles sauront faire vibrer les amoureux de GTA. Ce qu'il faut savoir cependant, outre l'arrivée attendue de nouveaux joujous desquels on retiendra surtout le shotgun à cartouches explosives et les bombes adhésives à déclenchement à distance, c'est que le seul retour du parachute et du base-jumping offre à certains moments une dimension épique qui vaut à elle seule la redécouverte de Liberty City. Ce n'est bien entendu pas la seule bonne surprise de tBoGT, puisqu'outre ces 15 mini-challenge de base-jump, il propose également de nouvelles courses, du golf en tête à tête, mais surtout la gestion de club... qui, un peu comme dans la réalité, s'avère bien moins agréable et excitante qu'on ne pourrait l'imaginer. Surveiller Maisonette 9, virer les mecs trop bourrés, avoir un oeil sur la circulation de la drogue, ou encore couvrir la sortie d'un rappeur célèbre de la boîte gay le Hercules, en empêchant les paparazzi d'obtenir le cliché incriminant, ce n'est pas ce qu'il y a de plus glamour. Il est plus amusant de se livrer au jeu de danse, pour décrocher la chorégraphie collective et, peut-être, un peu d'action avec une fille séduite par la dextérité de vos hanches... ou encore, à défaut, de s'adonner à un jeu de boisson à base de champagne (de préférence après la danse). À part la danse, le golf et le base jump, autant l'avouer : rien de super passionnant côté activités annexes, donc.

La boucle est bouclée

Parmi les quelques autres nouveautés de cette extension, citons des statistiques de mission avec objectifs (on peut rejouer chaque mission une fois la campagne bouclée, pour améliorer ses scores et remplir les objectifs secondaires, avec une connexion sur le "Rockstar Social Club"), et des modes multijoueurs faisant usage du parachute, ainsi que d'autres petits apports récapitulés ici-même, mais qui ne bouleversent en rien l'expérience déjà concluante de GTA en ligne. Des espèces de mini-missions annexes avec les cousins Enrique et Armando, sous forme de guerre des gangs pour le marché de la drogue, ainsi que des combats illégaux à la Fight Club auxquels participer ou sur lesquels parier proposent aussi une aération agréable, et un peu d'action rapide, tandis que de nouveaux morceaux de musiques tout aussi cultes que d'habitude (avec Vice City Radio, comment pourrait-il en être autrement ?) enrobent le tout d'une ambiance sonore fichtrement adaptée.

Avec des dialogues encore plus affûtés qu'à l'ordinaire, admirablement servis par un casting de doubleurs émérites, une histoire parfaitement ficelée, égrainée au fil de missions souvent mémorables, et quelques intrigues annexes (Arnaud le français et Margaud la psycho sont géniaux, celle de la mère de Luis un peu moins), The Ballad of Gay Tony clôt la trilogie d'histoires en beauté. Délicat, un peu court quoique bien rythmé, cet épisode ne souffre à l'arrivée que d'une gestion de club finalement décevante, mais compensée par le kiff du base-jumping et l'arsenal bouffi de puissance. Rockstar nous conte une brillante histoire de loyauté masculine en évitant soigneusement de rater son traitement de l'homosexualité, bien rare en jeu vidéo. Et dans notre univers pétri de clichés, c'est une sacrée performance.