Plus que jamais, c'est avec un jeu comme Assassin's Creed 2 qu'on se rend compte à quel point le temps peut passer vite dans le monde du jeu vidéo. Deux ans à peine depuis le premier, certes, mais deux ans de jeux dont certains ont creusé un tel fossé en termes de narration, comme de prouesses techniques, que rester dans la course peut parfois s'avérer bien plus difficile qu'on ne l'aurait cru. En commençant ainsi, certains penseront savoir où je veux en venir : un Assassin's Creed 2 qui aurait déjà vieilli. Ce n'est pourtant pas le cas ; tout du moins les choses ne sont-elles pas si simples. Mais s'il propose indubitablement une formule considérablement enrichie, bourrée de nouveautés, par rapport à 2007, le trip prend moins... aux tripes.

Tout est question d'époque

Les chevaliers, les croisades, Jérusalem... 2007. L'Italie de la Renaissance, les conspirations de familles, l'essor des Arts et des Sciences... 2009. Personnages et toiles de fond différentes, générations de jeux différentes, mais toujours une même mission : placer le joueur au sein d'un univers restitué avec une fidélité historique et graphique de grande envergure, pour lui faire jouer le rôle d'un être d'exception. Et, lorsque dans la peau d'Ezio, ce nouveau héros issu de la noblesse Florentine qui deviendra un Assassin poursuivant l'œuvre de son père et de son ordre dans le crédo de sa société secrète, on parcourt les rues de Florence, Venise, Rome, ou d'autres bourgades de Toscane, incontestablement, Assassin's Creed 2 sait charmer et immerger le joueur, mieux encore que dans l'original. Les villes semblent plus vastes, plus peuplées, elles sont plus riches architecturalement et donc visuellement, et renferment bien plus de trésors et d'histoires à vivre que celles d'Assassin's Creed. Mais en parallèle, le joueur averti qui a pu goûter à d'autres réalisations d'envergure sur consoles HD ne peut s'empêcher, déjà, de noter des points faibles...

Dans le jeu vidéo, on vieillit vite

Ces faiblesses sont d'abord d'ordre technique. Les visages dans les quelques cinématiques, dont l'animation, et dans une moindre mesure l'aspect, font peine à voir ; la campagne de Toscane, qui semble désespérément pauvre visuellement en dehors des hameaux qui la constellent, les limites d'affichage parfois très gênantes qu'on aurait pu oublier hier, comme un cheval qui apparaît soudainement à deux mètres de soi parce qu'il n'a pas été chargé à temps par la console, ou plus simplement des arbres, structures, et brins d'herbe dont on remarque trop qu'ils s'affinent à notre approche... Si dans les villes, AC2 est tout simplement magnifique, en dehors, le moteur graphique autrefois sidérant semble aujourd'hui montrer des limites qu'on pardonnait hier. Côté maniabilité, peu d'avancées perceptibles : le bon système de contrôle du premier reprend du service, mais une fois encore, quelques écueils d'animation et de détection des collisions sont devenues aujourd'hui plus gênantes qu'auparavant, même si l'ensemble reste coulé, autant dans les combats que dans la course et la varappe. Reste sans aucun doute le plus important : les mécaniques du jeu et la variété de ce qu'il propose aux joueurs de faire. Et une fois encore, je serais tenté de dire qu'il y a de l'excellent... et du moins bon.

Une richesse d'apparat ?

Assassin's Creed II est bourré de nouveautés. Littéralement. Certaines particulièrement cruciales à une nouvelle formule bien mieux pensée sous certains aspects, mais qui s'adresse tout de même aux fans d'hier. Les fans d'exploration, qui sont aisément motivés par la collectionnite, ceux qui adorent se plonger dans un trip qu'ils s'édifient souvent tous seuls, en faisant fi des raccourcis faciles de systèmes de jeu aux limites aisément exploitables, bref, ceux qui ont été conquis par le premier et lui ont pardonné ses défauts. Disons qu'Assassin's Creed II a su développer l'aspect bac à sable en le teintant d'une larme de RPG, et en se rapprochant un peu d'un Grand Theft Auto. Tout d'abord, il y a le système économique : compléter les étapes de l'histoire principale, pickpocketer les passants, trouver des coffres ou des gondoles renfermant quelque richesse, réaliser des missions secondaires facultatives, poursuivre et rattraper un voleur qui cèdera son butin sans rechigner, ou prélever l'impôt de son propre village et le faire fructifier en réinvestissant pour en élever la valeur, il y a de nombreuses façons de gagner du florin. Et de le dépenser. En rénovant sa villa de famille, on l'a dit, mais aussi en achetant des armes, armures, peintures, cartes aux trésor, accessoires divers et remèdes bien utiles quand on se blesse en mission. En se payant les services des membres de guildes, aussi, tels que voleurs, mercenaires, ou courtisanes, pour distraire ou combattre des gardes qui protègent l'accès à une page de codex (un des nouveaux objets à collectionner avec récompense ultime à la clef) ou à une cible, ou plus simplement en lançant une poignée de pièces par terre pour attirer l'attention des badauds ou semer la pagaille. Ou encore, en soudoyant un héraut hurlant dans les rues que l'Assassin est en ville, afin qu'il se taise et qu'on puisse déambuler plus anonymement.

Car un deuxième système a fait son apparition : la notoriété. Chaque assassinat, chaque incident notoire fait grimper la notoriété d'Ezio, jusqu'à ce que sa présence en ville soit avérée pour les gardes, qui le rechercheront alors activement. Du coup, on passera le temps qu'il faut à tenter de faire baisser cette notoriété pour redevenir anonyme, en arrachant les affiches de recherche, et en assassinant les témoins importants. Seulement voilà : on répète bien souvent ces opérations, comme on répétait certaines autres dans l'original, et ceux qui n'étaient pas parvenus à s'en accommoder auparavant, risquent de ressentir encore ce syndrome, même s'il a su se faire bien plus discret.

Déplacer ou noyer le problème ?

Dans le premier, on collectionnait les drapeaux... pour un pauvre succès. Cette fois, il y aura des plumes, des statues, etc... chacun avec une utilité plus prononcée. On cherche aussi les tombeaux des assassins, d'abord pour leurs niveaux "fermés" qui constituent une véritable expérience différente grâce à des parcours titillant l'adresse et le sens de l'observation des joueurs, et parfois leur jugeote. À la clef, des sceaux d'ancêtres Assassins qui une fois réunis, permettront d'obtenir l'armure ultime : celle d'Altaïr. On collectionne enfin les pages de codex à faire déchiffrer à Leonardo Da Vinci, pour augmenter sa jauge de santé, mais aussi obtenir de nouveaux gadgets particulièrement croustillants. On recherche enfin les glyphes disséminés sur les monuments fidèlement reproduits, qui lancent des séquences d'énigmes et de puzzles pas bien compliquées mais agréables à résoudre. Au fur et à mesure, on rassemble ainsi des morceaux de "La Vérité", un regard sur la métahistoire qui entoure tout ceci et semble d'ailleurs partir un peu dans tous les sens dans cette suite. Je ne la raconterai pas car elle constitue tout de même l'intérêt narratif principal d'AC II, mais sachez que l'essentiel de ce scénario est conté cette fois au travers de ces nouveaux leviers, et que la conspiration générale qui sous-tend l'affrontement entre Templiers et Assassins s'éclaire peu à peu... mais avec des scènes hors de l'Animus nettement plus rares. C'est presque dommage, à mon sens, d'autant qu'enrichies en termes de gameplay, elles constituaient un contre-point intéressant au reste... et ce n'est pas la seule chose qui s'efface par rapport au premier.

Beaucoup de choses en plus, et quelques trucs en moins

Cette fois, la structure narrative propose des missions-clefs, à accepter ou refuser afin de progresser à son rythme ou fort de certaines améliorations qu'on jugera utiles pour telle ou telle mission, le jeu allant parfois jusqu'à en proposer 3 ou 4 en même temps, à compléter dans l'ordre de notre choix. En parallèle, on gagne de nouveaux types de missions secondaires : expéditions punitives à la demande de citoyens (souvent des femmes de maris volages), courses, courriers à remettre rapidement ou assassinats facultatifs. Bien souvent, ces missions manquent encore un peu de variété... malgré quelques tentatives vraiment agréables (un assassinat sans utiliser d'armes par exemple, etc.). Il y a donc bien plus de choses à faire, c'est incontestable, et tant mieux, mais pourquoi en avoir oublié certaines autres ? Par exemple, finies les missions où l'on aide des citoyens malmenés, et si elles étaient peut-être lassantes à force dans l'original, dommage de ne pas les avoir réintégrées pour varier un peu plus encore cette suite. Mais ce qui manque le plus, surtout pendant la première moitié du jeu, c'est l'aspect construction des assassinats. Les phases d'enquête ont presque disparu, pour être remplacées par des saynètes narratives où on nous dit ce qu'il faut faire d'une manière plus expéditive, et la subtilité dans les assassinats semble elle aussi avoir maigri au passage : on règlera ainsi le compte de la majeure partie de nos cibles sans avoir à se creuser particulièrement la tête, ni pour l'atteindre, ni pour la tuer. Dommage.

Vers un Assassin 3

Avec mes nombreuses critiques, certains se demandent sans doute comment je peux mettre quatre étoiles. C'est très simple : mieux vaut prévenir que guérir, d'une part, car la situation de 2009 n'est pas celle de 2007 et beaucoup de joueurs se méfient, à raison, d'AC II. Mais moi, j'adhère encore et toujours. La quantité colossale d'améliorations, notamment de l'IA des gardes, et des outils visuels pour que le joueur comprenne mieux quand il se fait repérer et pourquoi, les mécaniques supplémentaires qui donnent bien plus régulièrement des récompenses au joueur pour ses efforts d'exploration ou autres, l'univers qui sait aussi charmer par son originalité que sa fidélité historique pour les grands monuments et ses petits résumés sur des personnages d'époque, la collectionnite qui marche à fond sur moi, les petits détails en sus comme les quelques QTE dans les cinématiques pour une surprise de plus (ne ratez pas le tout premier !), et les reliquats du trip d'origine, toujours vivace dans mes souvenirs de joueur. Tout cela m'aura donné une véritable satisfaction et des difficultés à lâcher la manette. Et puis il y a des surprises, parfois dans des objets sympas (la Cape des Medicis), parfois dans des scènes particulières (la fuite en chariot de Florence). Certains lui reprocheront toujours un combat sans grand challenge (jamais deux gardes ne vous attaqueront en même temps), mais moi, jouer un bretteur invincible et classe, j'adore.

Incontestablement, Assassin's Creed II n'est pas parfait, et à vouloir en ajouter autant par rapport à l'ancien (à la demande des joueurs), il s'égare presque en oubliant au passage quelques-unes des forces de l'original. Mais si vous avez ne serait-ce qu'apprécié le premier, cette suite ne pourra que vous plaire. Les développeurs d'Ubi n'ont pas menti en disant qu'ils avaient rajouté plein de trucs pour enrichir la formule. Alors bien entendu, tout engage à ce qu'un troisième volet naisse, d'abord narrativement, mais aussi et surtout pour que peut-être, il sache rassembler détracteurs et fans et mettre enfin tout le monde d'accord. Et personnellement, je serai de ceux qui l'attendront, encore, avec beaucoup d'impatience - et peut-être moins d'indulgence...