Si en son temps, The Secret of Monkey Island n'avait pas inventé l'aventure point'n'click, il a néanmoins grandement tiré le genre vers le haut. Son gameplay simple mais fichtrement efficace et parfaitement carré, accompagné d'un scénario barré, subtilement teinté d'anachronismes aussi drôles qu'absurdes mais surtout fort d'une qualité d'écriture et de personnages hauts en couleur qui l'ont rendu légendaire. On aurait pu croire que le temps et les avancées technologiques l'auraient rendu obsolète, mais c'est tout le contraire. Non seulement il a encore sa place dans le monde actuel du jeu vidéo, mais il continue en plus de sortir du lot. En jouant à ce remake dans lequel rien n'a changé (même les animations ont gardé leur côté saccadé), mis à part les graphismes qui ont été refaits en HD, ainsi que l'intégration de doublages (anglais uniquement) et la réorchestration des musiques, on se rend compte que le titre a conservé tout son génie. Monkey Island se consomme avec le même plaisir et le même enthousiasme que suscités par un film de Chaplin que l'on aurait colorisé.

Un véritable classique

Pour autant, comme toutes les œuvres majeures, le jeu n'est pas parfait. On s'aperçoit de certaines erreurs que l'on considère maintenant basiques et que Ron Gilbert ne referait probablement plus de nos jours, notamment sur quelques allers/retours qui viennent par moment casser le rythme, déjà lent à la base. Mais même en l'état, il reste encore un exemple à suivre pour tous les gamedesigners de la planète. Sa mise en scène est un modèle du genre. L'univers bâti est incroyablement attachant. Que ce soit le héros, Guybrush, jeune apprenti pirate en quête de gloire qui se retrouve à pourchasser son antagoniste, un pirate fantôme du nom de LeChuck, où n'importe quel personnage secondaire, tous sont dotés d'une véritable personnalité. En jouant sur la caricature et les clichés, Monkey Island s'est construit une des meilleures galeries de personnages jamais vues, tout média confondu. Chaque nouvelle rencontre avec Stan, le vendeur de bateau qui joue les marchands de tapis, Lady Vaudou dont les prédictions sont dignes d'une série Z, les cannibales nutritionnistes ou Herman Toothrot, le Robinson Crusoé sénile, les rend plus attachants qu'à la précédente. Les nombreux dialogues que l'on a avec eux sont une véritable source de plaisir tant l'écriture est talentueuse. L'univers ainsi créé, bien que délirant et improbable, est tellement bien construit qu'il en devient crédible. Une sorte d'Alice au Pays des Merveilles vidéo-ludique, dans lequel on est aspiré, et dont on n'a plus envie de sortir. Rares sont les jeux vidéo devant lesquels on a les yeux écarquillés comme un enfant qui regarde un Disney, et Monkey Island fait encore partie de ceux là.

Je joue donc je réfléchis

Le tout est appuyé par des énigmes franchement ardues qui mettent les neurones à rude épreuve mais ne sont jamais énervantes. Pour les plus impatients, un système d'indice a été intégré, ce qui évite la frustration de rester bloqué trop longtemps sur un puzzle qui nous échappe. À noter aussi que si la nouvelle interface n'est pas optimale pour l'utilisation et surtout la combinaison des différents objets, elle fait tout de même l'affaire et rend le titre parfaitement jouable au paddle.

De 7 à 77 ans

The Secret of Monkey Island est un titre que l'on se doit de posséder, ne serait-ce que pour parfaire sa culture vidéo-ludique. Les plus jeunes d'entre-vous pourront découvrir un monument qui fait partie de la courte liste des titres qui reviennent systématiquement dans les conversations nostalgiques. Lors des réunions entre geeks, ils comprendront enfin les références aux singes à trois têtes, au poulet-poulie et aux joutes verbales entre pirates (dont MTV Yo Mama a tout piqué !). Ils pourront par la même occasion se payer le luxe d'un voyage dans le passé, grâce au système permettant de basculer en temps réel sur la version avec les graphismes de l'époque, d'une simple pression de bouton. Quant aux vieux de la vieille dont je fais partie, pour ne pas dire les vieux cons, ils seront émerveillés de voir à quel point le titre n'a pas pris une ride. Les répliques font toujours mouche, les mécaniques de jeu fonctionnent encore et l'inventivité des diverses énigmes auxquelles on est confrontés épate encore

Bref, pour les jeunes comme les vieux, les profanes de l'aventure comme les spécialistes, et même les pince-sans-rire, c'est une occasion en or de découvrir ou redécouvrir un monument non seulement du jeu vidéo, mais de l'humour et du divertissement. Et surtout, ce remake est la preuve définitive que dans le jeu vidéo comme ailleurs, la créativité surpassera toujours la technique.