L'annonce de VALORANT en automne dernier, sous le nom de Project A, a fait l'effet d'une bombe avec toutes les autres du géant de l'eSport Riot Games à l'occasion de la célébration des dix ans de League of Legends. L'ambition de ce FPS tactique était de rassembler "tous les joueurs de FPS sous une même bannière" en mêlant les mécaniques de Counter-Strike aux compétences utilisables d'Overwatch ou encore Rainbow Six Siege.

C'est aussi un jeu à but eSportif. Une annonce ambitieuse, mais crédible de la part d'un éditeur qui est à la tête du titre eSport numéro un dans le monde. Au moment de la sortie, de nombreux tournois amateurs à cashprize modestes s'organisent et les plus grandes organisations esportives lancent leur équipe, mais il est encore trop tôt pour que des tournois réguliers ambitieux ou des Majors ne s'organisent.

Après une beta fermée couronnée de succès avec trois millions de joueurs quotidiens, certains se sont inquiétés du court délai entre sa fermeture et la sortie officielle du jeu, qui n'a eu lieu que quelques jours après, le 2 juin. VALORANT est-il bien fini ? Le projet a-t-il eu le temps de mûrir quelques mois seulement après s'être dévoilé ?

Un gameplay qui ne pardonne pas

Revenons d'abord aux bases. VALORANT est un FPS tactique en free-to-play qui se joue en équipes de cinq. Deux équipes s'affrontent consécutivement en attaque puis en défense dans le but de gagner des points et de remporter la partie, qui dure entre vingt-cinq et quarante minutes. La team en attaque doit réussir à planter une bombe, appelée Spike, sur l'un des différents sites situés à l'autre bout de la carte et défendus par l'équipe adverse. L'autre moyen de remporter un round est d'éliminer toute l'équipe adverse.

Les défenseurs doivent empêcher la bombe d'être plantée ou, à défaut, d'exploser en la désamorçant dans un temps imparti. Les joueurs peuvent aussi remporter la défense en éliminant tous les adversaires. La première équipe à atteindre treize points remporte le match, et les deux équipes échangent de rôle à la moitié. Chaque round a une phase de préparation de trente secondes et une phase d'exécution d'une minute et quarante secondes.

A priori, VALORANT semble ne rien avoir inventé, puisque CS:GO se joue avec quasiment les mêmes règles. Mais l'originalité principale de ce FPS est l'ajout d'agents avec des compétences uniques. Un mélange des genres qui a été notamment influencé par les MOBA, qui ont inspiré la création de Rainbow Six Siege, et Team Fortress 2, qui a précédé la sortie d'Overwatch. Chaque agent dispose généralement de quatre compétences, qui servent des buts propres aux FPS comme prendre le contrôle d'une zone (zones de dégâts ou d'aveuglement pour des effets comparables à des grenades) ou prendre l'information sur les ennemis (caméra, flèche révélatrice etc), par exemple.

De plus, ces compétences sont seulement là pour complémenter les combats armés, et non pas pour les remplacer ou prendre le pas dessus. Le jeu ressemble donc beaucoup plus à CS:GO qu'à d'autres FPS hybrides. Même concernant les combats, les automatismes à acquérir sont ceux de CS (ne pas bouger en tirant sauf en s'accroupissant, où se placer...). Malgré tout, certains agents peuvent permettre de se concentrer un peu plus dessus que sur les duels, comme Cypher et Sage qui sont les plus utiles à l'arrière, contrairement aux duellistes qui sont redoutables en première ligne, à l'instar de la mascotte du jeu, Jett.

Concrètement, Cypher peut poser des pièges et une caméra pour dévoiler la position des ennemis, alors que Sage soigne et ressuscite ses alliés. Si ces deux agents sont les premiers à tomber, cela pénalise lourdement l'équipe pour le reste du round. Les joueurs peuvent donc choisir le style qui leur convient le mieux en fonction des agents, mais la précision reste une compétence à ne pas négliger pour remporter la victoire.

L'efficacité avant tout

À sa sortie, les critiques concernant VALORANT se sont concentrées sur ses graphismes jugés trop minimalistes. Riot Games assume ce choix en expliquant que tout a été pensé pour ne pas détourner l'attention des joueurs. VALORANT est un jeu compétitif avant tout. Cette décision s'adresse donc aux joueurs les plus compétitifs, pour qui le gameplay est la grande priorité.

En revanche, cette direction artistique jugée parfois sans saveur pourrait avoir un impact négatif sur l'audience des matchs compétitifs et attirer moins de joueurs qui ne sont pas le coeur de cible d'un jeu de tir tactique eSportif. C'est un parti-pris de Riot Games, qui prouve largement son efficacité en termes de clarté.

L'interface utilisateur a également été conçue sur mesure. Riot Games est parvenu à surmonter le défi d'afficher assez d'informations à l'écran pour ne pas perdre les joueurs, tout en gardant une interface la moins invasive possible. Il est donc possible de voir en un seul coup d'oeil l'emplacement des alliés, la disponibilité de nos compétences, le temps restant, les munitions... sans que cela ne prenne le pas sur la visibilité. Tout comme pour la limpidité des cartes, les avantages se ressentent surtout après plusieurs parties d'affilée.

Mais tout n'est pas parfait. À trop vouloir mettre l'accent sur la compétitivité et ses valeurs, comme le fair play, Riot Games se livre déjà à une guerre sans merci contre les tricheurs. Mais développer et améliorer un logiciel anti-triche efficace est un défi, et il n'est pas vraiment réussi avec Vanguard, le logiciel que les joueurs doivent installer pour jouer à VALORANT. En effet, il est très invasif, même s'il a été amélioré depuis la beta, et entre en conflit avec d'autres logiciels anti-triche et d'autres processus. Des solutions doivent donc être trouvées pour optimiser le logiciel, sans pour autant sacrifier son efficacité.

Un potentiel compétitif indéniable

L'un des points forts les plus importants de VALORANT est sa haute courbe de progression. C'est une opinion que de nombreux professionnels et de haut niveau ont partagé : les joueurs auront la possibilité de progresser sur de très nombreuses heures de jeu, avec une profondeur de gameplay qui paraît suffisante. En plus de la difficulté inhérente à la précision de la visée, qui demande déjà un bon nombre d'heures d'entraînement, les cartes et les agents ajoutent des couches supplémentaires de compétences et de stratégies à maîtriser.

Si les cartes peuvent paraître quelconques au premier abord, elles regorgent de possibilités de tactiques et ont chacune leur propre style. Alors qu'Ascent propose un nombre incalculable de choke points et un mid très ouvert, Bind favorise le flanking, alors que Haven se compose de chemins courts qui favorisent l'agression.

L'économie prend une part importante dans les parties, à la manière de Counter-Strike : à chaque début de round, les joueurs doivent acheter leurs armes, mais aussi de l'armure et les compétences utilisables de l'agent choisi. Seule deux compétences ne s'achètent pas : la "signature", qui se recharge seule, et l'ultime, qui se débloque avec des éliminations et orbes disposés sur la carte. Un ultime peut autant n'être utilisé que deux fois dans une partie, que six ou sept fois par un joueur performant.

Quoiqu'il en soit, l'économie ajoute une couche de stratégie : le joueur doit décider soit de dépenser tout son argent dans un round, ou de faire des concessions et d'économiser pour éviter de tout perdre en cas de défaite sur la manche. En effet, le joueur est séparé de ses armes quand il est éliminé et regagne moins d'argent après un round perdu. Cela limite aussi l'utilisation de snipers dans la partie, qui font partie des armes les plus chères avec le minigun.

En plus de tout cela, les armes apportent elles aussi des compétences supplémentaires à maîtriser. Le jeu en compte dix-sept et chacune a ses spécificités. Selon vos agents et styles de jeu préférés, les préférences d'armes ne seront pas les mêmes.

Les joueurs les plus hardcores, qu'ils jouent en solo ou en équipe, auront donc un bon nombre d'heures à passer sur le jeu avant d'estimer en avoir fait le tour, sauf à défaut de nouveau contenu ajouté par Riot Games après sa sortie. L'éditeur semble déterminé à s'imposer un planning chargé pour maintenir le plus d'activité possible sur son FPS, mais le planning de sortie des nouvelles saisons, agents et cartes n'a pas encore été dévoilé.

Et le modèle économique ?

Le dernier point, qui est encore sujet à changements, est celui du modèle économique de Riot Games. L'éditeur se défend d'obliger les joueurs à payer pour atteindre un certain niveau : les achats effectués ne devraient servir qu'un but cosmétique.

Sans surprise, un Battle Pass a été introduit sur VALORANT. De la monnaie prévue pour les skins peut être directement achetée, en plus du Battle Pass amélioré qui offre cinq fois plus de récompenses. On le sait depuis Legends of Runeterra, Riot Games ne souhaite pas introduire de système de loot boxes sur ses nouveaux jeux, une pratique de plus en plus controversée depuis que plusieurs gouvernements se sont saisis de la question.

Pour celui-ci, donc, les skins peuvent être achetées avec des Points VALORANT lors de rotations dans la boutique. Certains coûtent plus chers que d'autres car ils ont différents niveaux d'effets (rechargement, élimination...) pour plus de personnalisation. À la sortie, ces skins coûtent pas moins de trente dollars et ne peuvent être améliorés qu'avec des points Radianite, qui doivent être eux-mêmes achetés ou obtenus par des niveaux de Battle Pass premium. La monnaie des points de Radianite sont critiqués par la communauté, puisqu'ils poussent à dépenser plus pour acheter ces niveaux de skins spéciales. En outre, ils sont offerts dans des niveaux de Battle Pass premium... sans que les skins correspondantes soient offertes. Les joueurs qui ne paient pas ces skins légendaires se retrouvent donc avec des récompenses qu'ils ne peuvent pas utiliser.

Quoiqu'il en soit, VALORANT n'en est encore, en réalité, qu'à ses balbutiements. Le lancement du jeu est un succès : Riot Games reste fidèle à son ADN en proposant un titre purement compétitif avec des bases solides et des atouts qui en font son originalité, dans le milieu ultra-concurrentiel des jeux FPS. Il reste à savoir comment il s'améliorera au fil des années, comment la scène compétitive se formera et quelle audience restera sur le jeu.