Paper Beast commence là où on ne l'attend pas. C'est-à-dire dans un système informatique et quantique nommé "Quasar Computer". On croirait presque s'être trompé de jeu puisqu'à cet instant, rien ne mentionne Paper Beast. Nous sommes alors invités à nous connecter à notre espace de travail virtuel et à répondre à quelques questions. Pour patienter, l'interface virtuelle nous propose de lancer une application musicale du nom de SwirlyBeat. C'est alors que les premières notes d'une chanson de hard-rock japonais, Speedy Wonder du groupe TsuShiMaMiRe, se déclenchent pour un petit spectacle d'ouverture haut en couleurs.

Un autre monde

Dans la famille des introductions étranges, Paper Beast est peut-être le roi. Après presque 3 minutes dansantes, l'initialisation du logiciel se termine et nous accédons au "vrai" jeu. Nous voilà maintenant entourés de rideaux rouges qu'il faut arracher pour dévoiler un décor désertique et des massifs d'un bleu électrique. Pour agir dans ce monde, on a le choix entre la manette ou 2 PlayStation Move. Pour saisir les objets et les (plus petites) créatures, on dispose d'un long pointeur, sorte de canne à pêche à l'accroche assistée et le déplacement se fait obligatoirement par téléportation. Un choix aussi étrange que le concept du jeu lui-même, ce qui limite très fortement le plaisir d'immersion. On aurait aimé pouvoir s'y déplacer librement et ainsi profiter pleinement de tous ces jolis panoramas que le titre nous met sous les yeux. Ici, on est malheureusement condamnés à des points de vue fixes. Les seuls moments en déplacement fluide surviennent lorsque nous sommes transportés par un moyen de locomotion volant, le même que dans le récent Separation (un autre jeu PSVR), et c'est alors que l'immersion prend son envol.

Cela dit, bien des choses peuvent s'animer devant nous, à commencer par les "animaux" mais aussi quelques plantes ou arbres tous faits de papier ; des origamis en l'occurrence. Certaines bestioles ont leurs occupations et d'autres traversent le désert, notamment en quête d'eau. La proximité de ces bêtes, rendue possible par la réalité virtuelle, est probablement la plus grande qualité de Paper Beast, surtout que certaines viennent directement à notre rencontre, nous fixant du regard, non sans générer parfois une légère angoisse. Certaines d'entre elles sont même recouvertes d'une fourrure de papier avec des centaines de bandelettes qui s'agitent devant nous. Le sentiment de présence de ces êtres est encore une fois saisissant et on se dit que Paper Beast ne pourrait pas être aussi intéressant sans sa composante VR. Le jeu est d'ailleurs très beau pour un titre en réalité virtuelle, hormis les papiers peints plaqués sur le ciel, qui restent fixes quel que soit l'endroit où l'on se trouve. On aurait aimé notamment qu'une ou plusieurs couches de ciel viennent se superposer afin de créer un sentiment de relief lors des déplacements...

From Dust...

Mais que fait-on ici ? Difficile à dire. Nous errons à travers désert, grottes et lacs, accompagnant certains animaux qu'il faut parfois aider à avancer. Pour ce faire, certains d'entre eux ont une capacité particulière qu'il est possible d'exploiter. Les tortues génèrent par exemple du sable, permettant de terraformer l'environnement afin de dévier notamment un cours d'eau. Certains joueurs reconnaîtront là une mécanique de From Dust réutilisée de façon intéressante, d'autant plus que la physique de l'eau est tout à fait réaliste, pour ne pas dire captivante.

Trois éléments manipulables, une étoile de glace, un cube de lave et un autre ressemblant à un Rubik's cube, sont présents à des endroits bien définis et permettent respectivement de geler l'eau, de faire fondre la glace ou de créer un champ magnétique repoussant l'eau. On passe ainsi de «"tableau en tableau" en faisant progresser certains animaux ou en s'aidant de ces derniers pour avancer soi-même. Il est d'ailleurs possible de manipuler certains d'entre eux en leur mettant quelques éléments sous le museau. Enfin, il existe également des animaux hostiles qui n'hésiteront pas à attaquer ceux qui vous accompagnent et qu'il faudra donc défendre. En réalité, on ne peut pas à proprement parler d'énigmes mais certaines séquences demandent quand même un minimum de réflexion et quelques fois, de la patience, puisque la progression est parfois conditionnée par la vitesse de déplacement des espèces.

... Till Dawn

L'aventure de Paper Beast se termine en 4 à 5 heures de jeu, après plusieurs séquences mémorables, parfois émouvantes. Un mode bac à sable vient allonger un peu cette durée de vie, pourtant déjà honorable. Dans celui-ci, il est possible de faire apparaître n'importe quelle créature et de jouer avec les éléments pour former l'environnement, faire jaillir de l'eau, faire tomber la pluie ou déplacer le soleil. On peut aussi modifier l'échelle pour rendre le monde plus petit et se prendre un peu plus pour Dieu. En outre, il est possible de sauvegarder notre "création" pour à tout moment revenir observer la vie qui suit son cours.

Même si son mode de déplacement nous a particulièrement déçus, on ressort en fin de compte satisfaits du voyage grâce à toutes ces créatures attachantes qu'on côtoie au cours de l'aventure, mais aussi grâce à sa bande-son de qualité, qui tient d'ailleurs une place importante dans le récit ; il est rare qu'un jeu nous donne comme consigne de jouer avec un casque audio et de monter le son suffisamment fort afin d'entendre le bruit du vent au loin. D'ailleurs, le mouvement de l'air au contact de nos oreilles s'entend lorsqu'on tourne la tête, de la même façon que les frottements de nos habits dans Half-Life : Alyx. Un petit ajout qui renforce délicieusement l'immersion.

Tout compte fait, Paper Beast est un bon jeu, mais pourrait être bien meilleur si le studio Pixel Reef permettait au joueur de s'y déplacer aussi fluidement que l'eau qui ruisselle en ces terres.