Une mystérieuse épidémie qui frappe toute une ville, des malades isolés, un système hospitalier totalement dépassé, des médecins désespérés... Tester le remake de Resident Evil 3 en pleine pandémie de COVID-19 a une saveur particulière et certains textes ou dialogues ont une résonance qu'ils n'auraient certainement pas eu en temps normal. Mais ce n'est pas une mauvaise chose, au contraire. Cela donne en effet plus d'impact au scénario d'un jeu dont les grandes lignes sont bien connues des fans de la série depuis plus de 20 ans. Resident Evil 3 raconte donc les mésaventures de Jill Valentine, membre des S.T.A.R.S. de la police de Raccoon City encore traumatisée après l'incident du Manoir survenu quelques mois plus tôt (et raconté dans le premier Resident Evil).

24 heures avant que les événements racontés dans Resident Evil 2 ne débutent, Jill Valentine doit donc fuir la ville avec précipitation. Mais son plan va être immédiatement bouleversé par l'arrivée du Nemesis, monstre surpuissant créé par la malfaisante Umbrella Corporation pour éliminer tous les témoins encore vivants de l'incident sus-cité. Très vite, elle va également croiser la route de l'U.B.C.S., unité officiellement envoyée sur les lieux du drame par Umbrella pour porter secours et évacuer les survivants. C'est ce qui va lui permettre de faire la connaissance de Carlos Oliveira, membre de cette unité spéciale et second protagoniste du jeu. Même si l'histoire du jeu est globalement connue, Capcom a procédé, remake oblige, à quelques modifications. Certains moments marquants du titre ont été totalement transformés, d'autres ont été supprimés et des ajouts ont logiquement été faits. S'il y a des décisions prises par l'éditeur japonais qui ne feront certainement pas l'unanimité auprès des fans de longue date, d'autres choix sont bien sentis et font de Resident Evil 2 et 3 un véritable diptyque qui s'apprécie pleinement lorsqu'on traverse les deux jeux.

Dans l'ombre de Mr. X

Si le remake de Resident Evil 2 a marqué les esprits l'année dernière, c'est en partie grâce à l'utilisation qu'il faisait de Mr. X, colosse inarrêtable qui traquait Claire et Leon tout au long de leur aventure. La créature étant perçue comme une sorte de prototype de Nemesis en termes de capacités, l'idée d'un remake de Resident Evil 3 avait de quoi faire frissonner d'avance en imaginant la terreur que pourrait provoquer le fait d'être sans cesse poursuivi par une version modernisée du chasseur de S.T.A.R.S. Et si le comportement du monstre au début du jeu est effectivement prometteur (il est beaucoup plus agile, a plus de capacités, et peut rendre les zombies encore plus dangereux), son niveau de nuisance tout au long de l'aventure est pour le moins limité. Il ne poursuit finalement jamais très longtemps et il est en fait assez aisé de l'éviter. On en vient presque à regretter l'idée évoquée dans un article britannique, et rapidement démentie par Capcom, d'un Nemesis venant poursuivre le joueur jusque dans les salles de sauvegarde. Les joueurs de Resident Evil expérimentés auront tout intérêt à jouer directement dans le niveau de difficulté le plus élevé.

Au fond, les autres ennemis croisés par Jill et Carlos sont presque plus problématiques que le Nemesis. Un comble pour le remake de Resident Evil 3. Les différentes créatures sont sacrément résistantes, pour certaines habiles, et dans l'ensemble puissantes. Nombre d'entre elles sont capables de "one shotter" Jill ou Carlos. Et ce n'est pas une mauvaise chose. Au contraire, cela incite le joueur à rester sur ses gardes et à surveiller leur environnement. Ces différents ennemis sont par ailleurs à l'origine de plusieurs jumpscares plutôt bien sentis. Globalement, l'expérience proposée par Resident Evil 3 est clairement plaisante. On en attendait simplement davantage de la part du Nemesis et on espérait une aventure plus étoffée, avant moins de passages linéaires et plus d'énigmes par exemple. D'autant plus que la suppression des choix à faire en cours d'aventure et la présence d'une seule et unique fin limitent grandement la rejouabilité du jeu (pour qui n'est pas intéressé par le speedrun ou le fait de débloquer des armes et/ou équipements bonus). Dans les faits, le joueur qui joue en mode Normal se retrouve face à une campagne pouvant être terminée en sept heures, en faisant de nombreux allers-retours facultatifs pour récupérer tous les objets, et sans jamais vraiment rencontrer de grosses difficultés. Vendu en compilation avec Resident Evil 2, ce nouveau remake n'aurait certainement pas laissé avec cette impression de rester sur sa faim. Et ce, même si sa courte durée de vie était déjà reprochée à la version originale de Resident Evil 3 en son temps.

Survival Action

Niveau prise en main, les joueurs qui ont joué à Resident Evil 2 se retrouvent logiquement face à un titre très proche de ce dernier. Quelques modifications ont cependant été apportées. Le bouton d'esquive, qui avait fait son apparition dans le Resident Evil 3 original est ici de retour et est relativement utile. Une esquive déclenchée au bon moment permet à Jill d'avoir une fenêtre de contre-attaque en bullet time et à Carlos de mettre un coup de poing dévastateur à un ennemi. Le timing de cette action est cependant pointilleux et il n'est pas rare de se jeter dans la gueule du loup après avoir mal géré une esquive. Une autre modification apportée au gameplay concerne le fidèle couteau. Alors qu'il pouvait se briser, et nécessiter d'en trouver d'autres dans Resident Evil 2, il est cette fois indestructible. Lorsque la situation n'est pas trop chaotique, il peut être judicieux d'achever des zombies au sol à l'aide du couteau pour économiser des munitions. Les développeurs de Capcom avaient prévenu que Resident Evil 3 serait plus orienté action que son prédécesseur. Cela se ressent principalement dans les phases avec Carlos. Au fond, Resident Evil 3 reste cependant un Survival Horror dans son gameplay, et les séquences d'action pure, dont une qui fait penser au mode Horde de Gears of War, ne sont pas les plus agréables du jeu car la prise en main du jeu n'est pas particulièrement adaptée à cette action débridée.

Du point de vue de la réalisation, la qualité du RE Engine n'est plus à prouver et le jeu est vraiment agréable à l'oeil. Les environnements sont aussi réussis qu'ils l'étaient dans Resident Evil 2, avec des choix de design qui rappellent les années 90, et le travail sur la lumière est de qualité (mention spéciale aux néons encore en état de fonctionnement dans Raccoon City). On aurait simplement espéré pouvoir explorer encore plus la ville. Pour ce qui du design des personnages principaux, une nouvelle comédienne prête ses traits à Jill Valentine et cette dernière ressemble beaucoup à Milla Jovovich, ce qui est particulièrement perturbant lorsqu'on se souvient des films Resident Evil. Même si l'on se fait à cette nouvelle apparence, Julia Voth, la comédienne qui servait de modèle à Jill depuis de nombreuses années, est clairement regrettée. Carlos ressemble désormais de son côté à une sorte de Roman Reigns hirsute, et cela lui va plutôt bien. De son côté, le Nemesis est plus impressionnant et malsain que jamais. Une touche de "réalisme" dans ses traits le rend encore plus dérangeant. Et outre les considérations sur la qualité des visages des personnages humains, qui sont le reflet des goûts de chacun, les visages paraissent plus réussis qu'ils ne l'étaient dans Resident Evil 2. La vallée dérangeante est ici évitée et certains visages sont criants de réalisme. Tout cela donne de quoi rêver à l'apparence que pourront avoir les Resident Evil sur la prochaine génération de consoles.

Résistance difficile

En parallèle à la campagne de Resident Evil 3, les joueurs qui se procurent le jeu obtiennent accès à Resident Evil Resistance, le nouveau mode/jeu multijoueur se déroulant dans l'univers de Resident Evil. Il est ici question de parties à cinq dans lesquelles quatre survivants sont opposés à un Mastermind. Ce dernier est un représentant d'Umbrella qui mène une expérience sur les quatre autres et ces derniers doivent tenter de s'échapper en parvenant à sortir de trois zones. Les parties se déroulent donc en trois étapes au cours desquelles le Mastermind doit placer des pièges et des monstres afin d'empêcher les survivants de passer à l'étape suivante avant la fin du temps imparti (ou de s'enfuir définitivement lorsque la partie en arrive à la troisième étape). Le Mastermind dispose d'un deck de cartes aux valeurs différentes qui se renouvelle en permanence (les pièges et ennemis ne coûtent pas tous le même prix) ainsi qu'un "boss" qu'il peut envoyer sur le terrain une fois sa jauge remplie. S'il surveille ses cobayes en passant par les caméras de surveillance de la map, le Mastermind peut également décider de diriger directement un zombie et son "boss."

Les survivants jouent quant à eux via un gameplay classique fait d'armes et autres objets de soin. En plus de se défaire des ennemis à l'aide d'armes, ils doivent également trouver des objets pour activer des mécanismes et passer à l'étape suivante. Chacun des survivants dispose par ailleurs de capacités actives et passives qui lui sont propres, qui nécessitent un temps de chargement entre chaque utilisation et qui viendront logiquement lui rendre service en cours de partie (un des personnages peut frapper les ennemis à mains nues, une autre peut désactiver temporairement les caméras de surveillance, tandis qu'un autre peut éblouir les boss, etc.). Le concept est clairement original et intéressant, surtout lorsque les cinq joueurs se connaissent et peuvent communiquer ensemble/se troller. Mais comme indiqué dans nos précédents previews, Resistance souffre pour l'instant d'un problème d'équilibrage en faveur du Mastermind. Si les survivants peuvent passer les deux premières étapes sans trop de peine, gagner la partie est extrêmement compliqué. Généralement, les cas dans lesquels les survivants parviennent à gagner sont des parties au cours desquelles le Mastermind n'a pas encore beaucoup joué et découvre le jeu et ses maps.

Les différents Mastermind sont débloqués successivement en augmentant de niveau avec chacun d'entre eux (le deuxième Mastermind est par exemple débloqué en atteignant le niveau 5 avec Annette Birkin). Pour ce qui est des Survivants, ils ont tous des capacités de base, et ces dernières peuvent être changées là encore en augmentant de niveau et/ou en les achetant avec de la monnaie virtuelle gagnée en cours de partie. Pour le plus grand plaisir de chacun, ou pas, ces compétences, ainsi que des modifications cosmétiques des personnages, peuvent être obtenues via un système de loot box. Surprise, les joueurs impatients peuvent se procurer des boosters, avec des euros bien réels, qui augmentent temporairement les sommes gagnées en cours de partie. À l'heure où sont écrites ces lignes, posséder Resident Evil 3 est présenté comme étant le seul moyen de jouer à Resident Evil Resistance. Sachant que le jeu multijoueur dispose de ses propres loader et liste de Trophées ainsi que d'un système de monétisation bien présent, il fait clairement penser à un jeu Free-to-Play. Il ne serait donc pas étonnant que Capcom permette de le télécharger individuellement une fois que la phase de promotion de Resident Evil 3 sera terminée. Il sera intéressant de voir si Resistance va réussir à se créer une communauté de joueurs fidèles. Les survivants deviendront de plus en plus efficaces au fil du temps. Mais est-ce que le jeu parviendra à faire son trou face à de très nombreux et très populaires jeux en ligne ? Difficile à dire.

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L'AVIS DE LA RÉDAC'

D'AUTRES MEMBRES DE L'ÉQUIPE VOUS DONNENT LEUR AVIS...

PLUME : Fan absolu de l'original, j'avais, au regard du travail merveilleux accompli par Capcom sur Resident Evil 2 l'an dernier, beaucoup d'espoir que celui-ci transcende l'expérience qui m'avait chamboulé en 1999 et même la série dans son ensemble. J'imaginais que ce que Mr. X m'avait fait subir ne serait rien comparé à ce que me préparait Nemesis. Je me voyais trembler à chaque bruit suspect, me faire dessus en l'entendant éructer son légendaire "STAAAAAAAAAAAAAARS", être pétrifié fréquemment par une apparition surprise. Quelle déception : d'une part la présence du colosse se révèle bien trop réduite et plutôt sage, et il est, dans les affrontements, d'une simplicité déconcertante à défaire. Où sont les sentiments d'oppression, de suffocation et d'urgence permanentes ? S'il n'y avait que ça... Au global, la campagne de Jill souffre d'une progression bien trop linéaire et simpliste, d'un manque navrant de puzzles et de composantes qui auraient pu rajouter de la tension, de la profondeur et quelques heures de jeu. Bref, c'est magnifique, pas forcément déplaisant, mais laisse de mon côté la sensation d'un DLC vendu plein pot. Tristounet.