Mais Romancing SaGa, c'est quoi au juste ? La série débute en 1989 avec l'épisode Makai Toushi SaGa, censé être un pendant plus light à la série Final Fantasy sur la toute fraîchement arrivée Gameboy de Nintendo. Suivront deux autres épisodes, tous appelés d'ailleurs Final Fantasy Legend au pays de l'oncle Sam. La série s'oriente ensuite vers la Super Famicom mais n'aura pas, à cette époque, les honneurs d'une sortie américaine : Romancing SaGa aura également droit à trois épisodes, indépendants les uns des autres.

De l'éclipse aux ellipses

Six-cent ans avant le commencement de notre histoire, le monde est témoin de l'éclipse d'une étoile noire provoquant l'ouverture des Portes de l'Abysse et entraînant mort et désolation sur la planète. Trois siècles plus tard, le phénomène se produit de nouveau mais cette fois-ci, la Matriarche s'élève contre l'Archfiend et apporte la paix sur le monde. Une nouvelle éclipse s'apprête donc à frapper tandis que l'on présage de l'avènement d'un Enfant de la Destinée censé éradiquer le mal.

Une malédiction séculaire, une menace imminente, un enfant élu... Pas de doute : on nage bien en terrain connu. Après une introduction présentant le background du jeu, et si on n'opte pas pour Mikhail ou Katarina (j'y viendrai), on se retrouve dans une auberge où un groupe de cinq voyageurs décide de venir en aide à Monika, soeur du régent local en mauvaise posture. Et... c'est tout. On n'a pas vraiment d'explications sur ce qui pousse ces personnages à lui venir spontanément en aide, ni même concernant leur provenance, ce qu'ils s'apprêtaient à faire ou qui ils sont les uns pour les autres.

Les scènes s'enchaînent ensuite, avec quelques combats entre, et l'on est ballotté d'une ville à l'autre sans qu'il y ait vraiment de temps mort : les ellipses sont nombreuses, surtout au début du jeu. À la fois spatiales (on se retrouve souvent catapulté d'une ville à une autre) mais également temporelles, ces raccourcis déroutent le joueur, qui n'a pas encore eu le temps de s'attacher aux personnages. Heureusement, les dialogues sont de très bonne facture et permettent petit à petit de se faire une idée du caractère de chacun, même si leurs motivations demeurent assez floues tout au long de l'aventure (sauf pour Monika, Mikhail et Khalid, les personnages les plus caractérisés). Ah et au fait : dialogues de qualité oui, mais dialogues en anglais.

Octopath Wanderer

Dès le début de l'aventure, il nous est demandé de choisir notre personnage principal parmi les huit disponibles : Thomas, Monika, Khalid, Mikhail... De ce choix dépendra forcément le déroulé de l'intrigue et notamment du début de l'aventure. Ainsi, si l'on opte pour Julian, on se retrouve à protéger Monika tandis qu'avec Mikhail, le joueur doit mener une campagne militaire avec des affrontements entre bataillons, un peu à la manière des batailles des deux premiers Suikoden. En plus des huit protagonistes, il sera également possible de recruter d'autres personnages au gré de nos pérégrinations, en fonction des quêtes que l'on souhaitera mener, pour un total de six héros max dans l'équipe.

Ainsi, après deux premières heures très dirigistes, le titre s'ouvre complètement pour laisser libre cours à l'exploration du joueur. En ce sens, la structure générale de ce Romancing SaGa 3 s'apparente davantage à celle d'un jeu de rôle occidental qu'à celle d'un JRPG classique dans lequel l'aventure vient au joueur. Ce dernier doit donc chercher, se renseigner auprès des PNJ des différentes villes pour pouvoir avancer dans sa quête : chaque évocation d'un lieu rend disponible son exploration sur la carte. D'ailleurs, les personnages ne se déplacent pas sur celle-ci, comme sur la plupart des titres du genre à l'époque, mais désignent le lieu dans lequel ils souhaitent se rendre pour s'y téléporter automatiquement. Cela renforce ce sentiment d'ellipse évoqué plus tôt : l'exploration est réduite à celle des villes et des donjons.

Cette grande liberté de mouvements permise si tôt dans l'aventure s'accompagne de cette impression, assez persistante, de tourner en rond sans trop savoir quoi faire. Au fil des discussions avec les PNJ, le joueur accumule ainsi les mini-quêtes (dont les résumés sont accessibles via le menu) sans réellement savoir où commencer à chercher : il doit retrouver un amour perdu, se débarrasser d'une créature qui menace un village, mettre à mal une organisation criminelle ou bien apporter des marchandises d'une ville à l'autre pour quelques Aurums (la monnaie locale). Les enjeux ne sont jamais vraiment clairs et l'errance est au rendez-vous. Selon Akitoshi Kawazu, réalisateur du jeu original et de ce remaster, l'influence est à chercher du côté des vénérables séries Ultima et Wizardry, computer-RPG fondateurs du genre et qui placent la liberté du joueur au centre de l'expérience.

En formation

Lors de l'exploration d'un donjon (grotte, cachot, forêt de brigands...), les ennemis sont visibles aux yeux du joueur. Ou plutôt... ils apparaissent par intermittence. Étrange survivance de la version Super Famicom, les sprites des ennemis disparaissent quand le personnage se met à courir, ne laissant que leur ombre derrière eux. Cela rend chaque tentative d'esquive des ennemis plus amusante.

Les combats en eux-mêmes versent dans le classique : ennemis à gauche, groupe de cinq personnages max à droite. Le joueur désigne une commande pour chacun d'eux puis toutes les actions se déroulent. Une petite variation change la donne tout de même : les HP sont restaurés à la fin de chaque combat. Le joueur peut donc se lancer à corps perdu sur l'ennemi sans oublier pour autant que les LP (pour Life Points), eux, ne sont pas restaurés. Chaque fois que la santé d'un perso arrive à zéro, celui-ci perd un LP et continue d'en perdre si un ennemi s'acharne sur sa pauvre personne inconsciente. Si par malheur, le personnage n'a plus de LP, il disparaît de l'équipe et devra être de nouveau recruté ultérieurement. Les personnages peuvent regagner tous leurs LP à l'auberge (contrairement à Romancing SaGa 2) mais chaque exploration de donjon amène une petite dose de stress supplémentaire liée à ce système.

Dans le menu, le joueur peut opter pour une formation spécifique qui influera sur les statistiques en combat (la vitesse principalement). D'ailleurs, si chaque personnage dispose d'une arme de prédilection choisie au début de l'aventure (épée courte, sabre, bâton, arc...), il peut s'équiper de n'importe laquelle, sachant que c'est à l'usage qu'il augmentera son aptitude à la maîtriser et donc à faire des dégâts avec. Outre les attaques simples, les personnages puisent dans leurs MP pour se servir de magies pouvant être achetées à des magiciennes en ville mais également dans leurs SP pour les Skills. Ces aptitudes associées aux armes s'acquièrent en combat, lorsqu'au moment d'effectuer son attaque, un personnage "a l'idée" d'utiliser une nouvelle technique. Tout ceci est donc assez aléatoire et de façon générale, on peut regretter qu'il y ait un certain manque de visibilité quant à la courbe de progression des personnages, qui n'engrangent d'ailleurs pas d'XP et de niveaux comme dans nombre de RPGs de cette époque.

Tu veux voir mon 16-bit ?

Sorti en 1995, à l'heure où nos petits pixels allaient peu à peu se retirer au profit de gros polygones, le titre de Square s'en sortait déjà très bien et rivalisait même avec un certain Chrono Trigger, paru la même année. Ce remaster ne renverse pas la table et ne fait que polir le matériau d'origine : les couleurs sont relevées et les environnements retravaillés, de même que l'interface du menu et des fenêtres de dialogue, plus mobile-like. Des petits effets de lumière encadrent désormais les affrontements, rappelant la présentation des combats dans le récent Octopath Traveler.

Les musiques du jeu ont été retravaillées également, par le compositeur Kenji Ito lui-même, même si ça ne saute pas forcément aux oreilles. Découvrant pour la première fois les compositions d'Ito-san pour ce Romancing SaGa 3, je m'étonne que le bonhomme n'ait pas été davantage sollicité ces dernières années. Ses partitions rappellent celles de Yasunori Mitsuda (c'est un compliment, vraiment), en particulier les morceaux relatifs aux villes.

Le titre conserve donc tout son charme d'époque, même si on pourra regretter le manque de réelles nouveautés vis-à-vis de la version Super Famicom (pour nous autres Européens de malheur, tout est une nouveauté ceci dit). Notons la présence d'un incontournable New Game + ainsi que d'un donjon inédit, le Phantom Maze, assez difficile à dénicher d'ailleurs.

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L'AVIS DE LA RÉDAC'

D'AUTRES MEMBRES DE L'ÉQUIPE VOUS DONNENT LEUR AVIS...

DOPAMINE : Si on apprécie grandement de pouvoir profiter d'un RPG à une sauce bien rétro, cette édition (PS4 pour ma part) me semble bien paresseuse. Bien sûr le lifting graphique permet de mieux apprécier l'univers qui se dessine autour des personnages. Mais je reste sur ma faim lorsqu'il s'agit de le mettre en face d'autres portages. Pas de système de transition entre une version originale et liftée, pas de dialogues en français.

Romancing Saga 3 vous procurera des heures de plaisir malgré ses petits défauts... Sous réserve que vous soyez déjà un spécialiste du genre sinon ses tares se transformeront en éléments rédhibitoires. Vous ne serez pas pris par la main et il faut accepter de voyager pour le plaisir de monter en niveaux ses personnages. Le fait de récupérer tous les points de vie à l'issue de chaque combat vous pousse d'ailleurs à vous préparer correctement afin d'affronter les boss dans les meilleures conditions.

Bref, Romancing Saga 3 s'adresse à un public averti, mais celui-ci aura sans doute bien du mal à se décider d'emblée à un tarif de lancement plutôt élevé au regard de la prestation. D'autant qu'il sera sans doute proposé en pack avec son épisode précédent dans les prochains mois.