Je ne peux pas. J'ai pas le temps. Je suis fatigué. Les salles, c'est cher. Les excuses que l'on trouve pour ne pas faire d'efforts sont innombrables et toutes aussi mauvaises les unes que les autres. Pourtant, par-delà la junk food et la flemmardise dans laquelle on peut se complaire, il y a une santé à entretenir. Prendre soin de sa forme physique, c'est important. Comment faire pour s'entretenir un minimum dans notre monde moderne ? Nintendo avait déjà apporté une réponse, couronnée de succès, avec Wii Fit en 2008 - puis sa version étendue, Wii Fit Plus un an plus tard. Plutôt que de continuer cette série qui aura vu naître l'Entraîneur et l'Entraîneuse, devenus personnages de Super Smash Bros., la firme de Kyoto a songé à une autre manière de nous aider à bouger nos fesses et redécouvrir certains de nos muscles : une distraction à base de RPG.

L'anneau unique

Votre premier effort avec Ring Fit Adventure ne viendra pas du transport du packaging. Vous pouvez oublier le très encombrant Wii Balance Board, si ce n'est pas déjà fait (rappel, c'est lui qui cale votre meuble branlant, là - de rien), et accueillir avec joie le Ring-Con, arceau flexible d'une grande résistance, et la sangle de jambe. Les deux accessoires, très légers, sont, avec votre petit corps, tout ce dont vous avez besoin pour interagir. Et les Joy-Con, bien entendu. Le droit se fiche dans le Ring-Con. Le gauche, dans ce strap que vous devez placer à mi-cuisse.

Cette combinaison permet de suivre avec une grande précision le moindre de vos mouvements, et même de mesurer vos pulsations cardiaques après l'effort, grâce à la petite caméra infra-rouge. Toujours soucieux de vous préserver, Nintendo n'a évidemment pas lésiné sur les messages de mise en garde, les incitations à prendre une pause, les conseils, les échauffements et les phases de récupération. Sans oublier que vous pouvez choisir avec quelle intensité et quelle fréquence vous allez vous dépenser, et moduler à votre guise. Tout le monde peut s'adonner à Ring Fit Adventure, y compris les accros à la dépense physique. D'autant plus que les explications restent très claires.

Ring, Ring, et encore Ring !

Une fois bien droit, le Ring-Con tenu tel un volant, au milieu d'un espace suffisamment important, hauteur comprise, l'expérience peut commencer. Comme vous avez déjà pu le voir, l'anneau aux poignées en mousse sert à accomplir toutes sortes d'exercices. Vous allez le presser, l'étirer, le secouer, le plaquer contre votre ventre un nombre de fois phénoménal - le logiciel gardera les statistiques dans votre profil. Mais pour faire quoi ? Le mode principal, c'est l'Aventure. Dans celle-ci, vous incarnez un(e) athlète qui doit aider Ring, un anneau doré très bavard, à traquer et vaincre le vilain très bodybuildé Drago et traverser une vingtaine de mondes où l'attendent de nombreux défis.

En clair, vous vous retrouvez sur des maps donnant accès à des niveaux où il faudra se dépenser sans (trop) compter avant de tarter le grand méchant. Les stages vous demandent généralement de trottiner et courir sur place - un mode silencieux autorise à simplement fléchir les genoux -, et de franchir différents obstacles à l'aide de Ring : on l'étire pour aspirer objets et pièces qui jonchent le parcours, on le penche vers le bras en le compressant pour planer, on appuie pour projeter des boulettes d'énergie qui peuvent casser des caisses, on l'accompagne de rotations pour pagayer. De temps à autres, est exigé de faire des squats pour gravir des marches ou faire de la balançoire, voire de contracter les abdos avec l'objet appuyé sur le ventre pour casser des rochers. Et puis vient le temps de se battre.

Quelques grammes de fitness dans un monde de brutes

Les affrontements qui ponctuent votre progression vous voient faire face à des créatures grotesques, à la sauce RPG. Pour les défaire, il est question de réaliser des mouvements plus ou moins énergiques et maintenus, faisant travailler différentes partie de votre corps. On remarque que les monstres ont parfois une couleur. Cela démontre une faiblesse face aux activités liées aux bras (rouge), jambes (bleu), tronc (jaune) et postures de Yoga (vert). Oui, il y a un peu de stratégie dans ces rixes jouées en tour par tour. Et une assignation des gestes (la panoplie reste quoi qu'il arrive limité) à bien réfléchir suivant la puissance et le nombre de cibles. Si la méthode pour se prévenir d'un "décès" malencontreux reste la contraction des abdominaux face au Ring-Con en cas d'agression, avec l'absorption de boissons régénérantes, il arrivera que certains boss, qui ont souvent trop de points de vie, offrent un peu de variété, obligeant à de l'esquive ou du shoot plutôt sportif et grimaçant à la force des bras.

On pourrait imaginer un enchaînement de circuits et rien de plus. Sauf que les mondes traversés disposent aussi de mini-jeux notés et plutôt rigolos, de quêtes annexes, de boutiques et même de passages secrets. On ne manque pas d'activités et de moyens de gagner, ou dépenser, argent et expérience. Améliorer son équipement, créer ses smoothies avec les ingrédients ramasser, capitaliser sur son expérience en débloquant un arbre de compétences. On se croirait vraiment dans un petit RPG. Light, il est vrai. Mais efficace et amusant. Car on peut le dire : après plus d'une semaine passée dessus, à raison de plus de 30 minutes par jours, la diversion marche parfaitement. L'envie de progresser dans un univers décalé, une sorte de Shônen fantasy du fitness qui ne manque pas d'humour, où l'on croise des personnages délurés et avance sous les encouragements et avertissements bienveillants d'un acolyte en forme de cercle sur-motivé, n'est jamais entravée. Du moins si l'on évolue au rythme adéquat. L'idée qu'on pensait saugrenue se révèle finalement efficiente. Lorsque l'on joue, à travers des exercices jamais trop allongés, on ne pense pas que l'on fait du sport en solitaire et que l'on fait bosser ses muscles. La monotonie inhérente à la pratique se trouve cassée - tant qu'on ne réfléchit pas trop à la redondance des environnements et des tâches - forcément - ou la navigation au cerceau un peu rébarbative.

Et inconscient et subconscient, et deux conscients et...

En bref, Ring Fit Adventure est un coach idéal. Car une fois lancé, on éprouve réellement l'envie de continuer et terminer l'histoire. Ce qui pourrait prendre plusieurs semaines si l'on veut éviter d'en faire trop. Pour un résultat qui risque de se voir. Déjà, au bout de neuf jours (au moment où sont écrites ces lignes), l'assiduité semble avoir payé, par ici, avec des courbatures qui n'osent plus la ramener et quelques centaines de grammes évaporées. Ce qui motive un quadragénaire plus sportif depuis longtemps à ne rien lâcher.

Quand bien même la partie scénarisée ne serait pas votre tasse de thé, il s'avère toujours possible de revenir à quelque chose de moins fantaisiste, plus concret. On trouve ainsi un mode mode simple et des exercices sans habillage. La douzaine de mini-jeux contextualisés de la campagne solo là aussi pour se fixer des défis, en compagnie d'une quinzaine d'entraînements précis pour cibler les zones sur lesquelles vous désirez vous concentrer. Avec des classements en ligne pour partager. Et on n'oublie pas la création d'un véritable programme à la carte, des notifications pouvant se voir activées histoire de vous rappeler qu'on ne rigole pas avec la régularité. Et si le téléviseur se trouve squatté ou que vous ne pouvez même y aller en table-top, le mode Multitâche permet, console éteinte, de continuer à s'amuser à presser et étirer le cerceau de manière libre, avec décomptes et récompenses à la clé. Après, il faut y penser et en avoir envie. Et si des amis passent et veulent se marrer et partager des odeurs d'aisselles et autres gouttes de sueur ? Voilà peut-être l'un des gros défauts de Ring Fit Adventure. On peut toujours se passer le Ring-Con, mais il n'existe pas de vrai multi façonné pour la convivialité et la compétition. Pour la suite ?