Certes, le choix de la Bolivie avait causé quelques soucis juridiques avec le pays en question, mais force est de constater que ce dernier avait fort à faire en matière d'exploration. Malgré les imperfections de l'IA, on avait vraiment la sensation d'avoir des environnements grouillants de vie, et proposant une certaine cohérence. Pour Breakpoint, le choix d'une île fictive n'est pas une mauvaise idée en soi, le coté utopie ayant tourné au cauchemar constituant un bon point de départ. Le problème, c'est que dès les premières minutes de jeu, on comprend qu'on ne va pas prendre autant de plaisir à explorer les environnements que dans le précédent volet. Pourtant, un travail de cohérence a été opéré : on sent que les artistes ont travaillé d'arrache-pied pour proposer des zones différentes, dotées d'une géographie et d'une topographie détaillées (de la montagne enneigée, des forets de pins, des marécages...).

Une île qui impressionne moins que la Bolivie malgré sa taille

Le lieu a pour avantage d'être véritablement immense : même en véhicule, il faut vraiment beaucoup de temps pour se rendre d'un point A à un point B, et il s'en dégage une véritable sensation de liberté. Le problème, c'est que si l'on met tout ceci bout à bout, on se retrouve avec une île finalement assez insipide, sans trace de vie (peu d'animaux, pas vraiment de civils...) et avec un charme à des années-lumières de celui de la Bolivie. C'est le premier point qui saute aux yeux et qui nous laisse plutôt circonspect. Pourquoi avoir fait ce choix ? Et surtout pourquoi briser dès la première heure de jeu le scénario sans raison ? Explications.

Dans Ghost Recon : Breakpoint, un navire de l'US Navy est envoyé par le fond dans le Pacifique, et le gouvernement américain décide à juste titre d'enquêter sur cet incident. On se retrouve par la suite dans la peau d'un commando qui est envoyé en hélicoptère pour survoler la fameuse île et très vite, notre groupe se retrouve décimé par une étrange menace (des drones). On se retrouve donc "seul contre tous" (avec notre équipe en coopération ou seul dans le mode solo) sur une île perdue au milieu de nulle part et dont on ne sait rien. Un aspect survie intéressant qui sera en réalité totalement bafoué en très peu de temps.

Un curieux mélange entre Destiny et The Division

En effet, au bout d'une trentaine de minutes, on comprend que pour accéder aux différentes missions, il va falloir passer par un hub instancié où l'on peut, en parlant à divers PNJ (des habitants et survivants de l'île) accéder aux différents modes de jeux (missions secondaires, PvP, missions principales, magasins). Contrairement à Wildlands, donc, où l'on pouvait de manière naturelle et simple choisir nos missions en parlant à des PNJ dans l'environnement, le jeu nous force à aller dans une zone connectée où des dizaines de joueurs se regroupent comme dans The Division ou Destiny. L'immersion est donc totalement détruite, et dès cet instant on comprend que le scénario laborieusement amené, n'a plus vraiment de sens. On remplit une mission tout en ayant hâte de découvrir la suite de nos aventures, et à la manière d'une coupure pub, on doit se rendre dans ce lieu hors du temps et de l'espace qui ne fait même pas sens avec le scénario.

Et comme les menus et sous-menus sont une véritable usine à gaz, on ne sait pas vraiment qui fait quoi dans notre équipe. Parfois, les cinématiques de dialogues se lancent pour tout le monde, parfois pour un seul joueur du groupe sans raison, et certains point de missions disparaissent sur la carte de la même façon. On se pose encore la même question : pourquoi ? Pourquoi avoir voulu apporter ce coté Destiny-like a un jeu qui n'est ni adapté en termes de mécaniques ni adapté en termes de scénario ?

Des mécaniques poussives

Breakpoint possède en plus la désagréable impression d'avoir voulu faire rentrer au pied de biche des mécaniques de The Division, comme le Hub communautaire ou la notion de "RPG" avec des ennemis qui sont parfois des sacs à PV histoire de gonfler artificiellement la difficulté, notamment vers la fin du jeu quand on commence à affronter les boss les plus sérieux.

Généralement, une mission se déroule de la même manière : vous parcourez des kilomètres en hélicoptère ou en voiture avec une chance sur deux de se retrouver bloqués dans le décor pour tirer sur des IA aux fraises, où la tactique n'a même pas sa place. Généralement pour s'en sortir il suffit de tirer sur tout le monde, là où Wildlands faisait un peu plus d'efforts. Le problème n'est pas uniquement mécanique, mais aussi technique. La conduite des véhicules est catastrophique et on se retrouve dans le décor à de nombreuses reprises, sans parler des nombreux bugs présents à pied, beaucoup trop nombreux malgré les phases de bêta. Enfin, on notera aussi les problèmes de doublage en français avec certains acteurs qui lisent carrément des didascalie (oui oui). Ça n'aide pas à s'intéresser au scénario qui tombe déjà bien à plat.

Un solo qui manque cruellement de tactique

Pour un jeu estampillé "Tom Clancy", l'absence de tactique est assez problématique. Vous pouvez certes avancer furtivement, mais comme l'ennemi ne vous repère pas à 20 mètres en terrain découvert (alors qu'il vous voit à 100 mètres dans des hautes herbes), ça biaise totalement le système d'approche et de stratégie. On ne ressent pas vraiment le manque de munitions, ni même le danger. Quelque chose ne va pas. Ces problèmes se retrouvent dans les animations, peu naturelles, et pourtant dieu sait que votre serviteur connait le maniement des armes. Encore une fois, Wildlands faisait mieux. Un downgrade a clairement eu lieu depuis notre preview de la Gamescom, puisque les animations étaient de meilleure qualité au mois d'août dernier.

Ubisoft à la recherche de votre or

Pour terminer sur les points noirs : Le système de micro-transactions est assez abusif. Dans Ghost Recon Wildlands il était par exemple possible de customiser dès le début du jeu son personnage avec des dizaines de tenues et accessoires. Surprise, dans ce deuxième volet, la customisation se retrouve amputée, seul un tiers est lootable pendant les missions, le reste s'achète via le cash shop. Si ce n'était que cosmétique, le souci serait moindre, mais il est également possible d'acheter des armes. Et comme l'équipement du solo est aussi le même en PVP, un joueur fortuné aura donc dès le début du jeu un avantage sur les autres. Il est aussi possible d'acheter tout un tas d'accessoires pour améliorer les statistiques de ses armes avec de l'argent réel. Attention toutefois, la plupart de ces équipements peuvent aussi se looter en jeu. On sent qu'Ubisoft a eu la main beaucoup plus lourde que pour Wildlands...

Un gros effort a en revanche été fait du coté de l'armement et des équipements militaires. Ubisoft a en effet travaillé en collaboration avec l'entreprise 5.11 Tactical, et ça se sent. La crédibilité est globalement omniprésente, aussi bien dans les armes que dans leurs accessoires ou le maniement global de l'arsenal. Pour ajouter un aspect survie/tactique, un système de soin à été revu et corrigé, et on doit désormais bander ses plaies, ce qui prend du temps. Vraiment très plaisant, ce système ajoute une dose d'adrénaline lors des combats.

Des nouveautés bienvenues et un multijoueur de qualité

Il est désormais possible de se spécialiser, notamment en médecine, ce qui permet d'avoir dans l'escouade un médecin de combat. Pour notre part, nous avons choisi "tireur d'élite" et une panthère (qui permet pour ce dernier de se dissimuler plus facilement dans l'environnements et d'être moins repérable).

Finalement, si vous voulez vivre une véritable expérience tactique, il faudra se tourner vers le mode Ghost Wars qui a d'indéniables qualités. Sur la papier il s'agit d'un basique 4 vs 4, mais dans les faits, c'est vraiment là que l'équipement divers et varié prend tout son sens. Quand l'IA aux fraises est absente, certaines mécaniques brillent enfin. La synergie et la coopération de l'escouade sont obligatoires et le résultat est beaucoup plus impressionnant qu'en solo. Et c'est bien dommage car le mode solo n'a pas que des inconvénients. Mais force est de constater que c'est Jon Bernthal qui porte le scénario à bout de bras, car autrement cela reste d'une platitude navrante. Des thématiques ressortent bien sûr, comme la politique et le coté cohabitation technologique, mais ce n'est pas assez pour rehausser l'intrigue qui vire souvent dans le nanardesque. Le coté dystrophique lié aux drones est certes très intéressant, mais ça reste assez sous-exploité dans l'ensemble.

On terminera sur la partie purement graphique du jeu : nous avons joué sur PC, et le jeu est bien optimisé si vous avez vos derniers drivers à jours. On vous conseille d'ailleurs de le faire sans tarder. Le jeu propose de beaux panoramas, mais oscille entre le beau et le laid. Parfois le popping de textures est un poil trop flagrant, mais ça reste très honnête dans l'ensemble, même s'il faudra faire avec un downgrade clair et net depuis les démos et vidéos de gameplay que l'on a pu voir dans le courant de l'année. Notamment au niveau des effets de lumières. Bref, un jeu en demi teinte qui fait cohabiter le bon et le mauvais et qui doit sûrement une partie de ses problèmes à un manque cruel de temps de développement.