GreedFall séduit d'abord par son univers et son contexte, proposant un monde à l'esthétique inspirée de l'Europe du XVIIè siècle, avec ses maisons à colombages, ses impressionnants voiliers, ses élégants tricornes portés par votre personnage, homme ou femme, dont vous choisirez également les traits et les attributs en tout début de partie. Dans tous les cas, on incarne De Sardet, légat de la congrégation des marchands, à la découverte de l'île de Teer Fradae, terre peuplée de créatures fantastiques et terreau de tous les conflits entre les puissances en place et les autochtones. S'il faut affronter monstres et brigands dans la pure tradition du genre avec épées et sorts, épaulé par ses compagnons d'aventure, il est également question de jouer les diplomates entre les différentes autorités. Un univers cohérent et original qui dégage des questions pertinentes et qui résonnent avec la réalité, actuelle ou passée, à travers des réflexions sur la colonisation, la foi, l'écologie. Sans aucun doute la principale qualité du jeu.

Grands enjeux, contrées morcelées

Pour donner vie et une certaine ampleur à son monde, GreedFall ne propose pas un monde ouvert mais plutôt diverses zones de taille variables, en ville, dans la nature, dans lesquelles il est question de suivre une trame principale et autres quêtes annexes. Si les dialogues, portés par une interprétation réussie, sont convaincants et qu'ils sous-tendent vers des enjeux d'envergure relatifs à vos choix, il se dégage malheureusement assez rapidement le sentiment de prendre part à une aventure assez téléphonée, dans laquelle vos positions auront finalement peu d'influence sur le déroulé du récit qui ronronne très vite et dans lequel l'imbrication de sous-intrigues est à double tranchant. D'une part, les tenants vers le dénouement d'un scénario mystérieux une bonne partie du chemin, invitant à toujours plus de curiosité et à de bonnes surprises, mais de l'autre, l'implication générale peut s'avérer amoindrie par ce genre de procédé. Ce sentiment est accentué par les nombreux allers-retours d'une citée à une autre mais également par le manque de personnalité de nos accompagnants, assez effacés par rapport à leur utilité en tant que telle dans la progression du récit et l'appréhension du monde. Sans aucun doute, la technique n'aide pas non plus à rendre plus charismatiques ces protagonistes.

La voie du milieu

Car en effet, sur le plan technique, GreedFall marque le pas au regard de ses ambitions. Murs invisibles, raideur des animations, visages peu engageants, par bien des aspects : le titre développé par Spiders paraît daté. Mais pour autant, ce RPG offre aussi des panoramas et des environnements qui invitent bien souvent à la contemplation, et tout est agencé d'une manière où l'on ne sent pas trahi par une promesse déçue. Dès le début du jeu, on comprend qu'il ne pourra pas prétendre aux prouesses technologiques observées ailleurs et à l'immersion qui en découle mais, comme tout semble pensé pour s'adapter de la manière la plus confortable dans des limites définies d'emblée, à travers une écriture et un univers intrigants, il est facile de se laisser séduire par l'ensemble sans occulter les nombreux défauts, régulièrement enthousiasmé par touches subtiles mais réelles.

Il en va de même pour les combats. Si d'abord la possibilité au cours du jeu de pouvoir mêler les différentes capacités propres aux trois classes proposées ("guerrier", "technique" et "magique") semble être une bonne façon de donner de la profondeur aux affrontements - d'autant qu'il est possible grâce à un artefact de réattribuer tous les points de compétence en cours de partie-, dans les faits, les affrontements, plutôt satisfaisants par leur dynamisme, n'offrent cependant pas la subtilité espérée par un tel système. Et l'on se retrouve vite à tabasser sans grande stratégie. On apprécie cependant la gestion de l'inventaire intuitive et plus globalement, le soin général porté à chaque aspect de ce jeu de rôles, dans les limites évoquées plus haut. Car c'est bien les amoureux du genre que GreedFall vise en premier lieu, en reprenant ça et là des aspects ayant fait leurs preuves ailleurs, sans pour autant malheureusement réussir à transcender sa proposition de jeu et son récit. Il n'en demeure pas moins un titre dont la direction artistique, l'écriture, mais aussi les musiques orchestrales qui ponctuent l'aventure le rendent séduisant. Mais pas assez pour en faire un incontournable. En attendant, peut-être, une suite qui saura profiter des bonnes bases posées pour changer cet état de fait....