Une fois de plus, ça se passe dans la forêt de Black Hills. Comme si les citoyens de Burkittsville n'avaient pas encore compris que la disparition d'une poignée d'étudiants téméraires quelques années plus tôt ne devait rien au hasard. C'est ainsi que Peter Shannon se retrouve désormais au centre d'intérêt des autorités locales. Le môme est dans ces bois. La nuit va bientôt tomber. Ellis, lui, a quelque chose à prouver. Ex-flic, il compte bien aider ses ex-collègues du mieux possible, cela contre l'avis de son ex-compagne. Beaucoup d'exs, beaucoup de tourments et une fâcheuse tendance à perdre la boule. Arrivera-t-il à retrouver le gamin ou deviendra-t-il lui aussi une victime de la sorcière qui hante cette région ?

Peur sur les bois

Avec un point de départ comme celui-là et quelques sous-entendus assez grossiers, on imagine déjà que la balade ne sera pas de tout repos. Et c'est vrai que Blair Witch, jeu d'horreur narratif en vue subjective puisant assez bien dans le folklore des pellicules 1999 et 2016, s'avère éprouvant. Ayant déjà prouver leur expérience dans le domaine, les parents de Layers of Fear parviennent à projeter dans la pièce où nous jouons - si possible dans le noir et un casque sur les oreilles pour profiter d'un son binaural (technique reproduisant une écoute 3D naturelle) des plus immersifs - comme un parfum d'angoisse qui se mue en une sorte de poisse tenace. On réalise assez vite que d'enquêteur on passe à proie, que s'il n'est pas question de survie, le rythme volontairement lent entretient une atmosphère dégueulasse à souhait. On suffoque, on blêmit, lorsque la pénombre ou le brouillard envahit l'écran, face à des décors qui semblent vouloir se refermer sur nous comme un cercueil, et de sonorités macabres. Avec son lot de jumpscares, bien entendu, de bizarreries, et d'effets gores. Bref, le respect à l'univers de Blair Witch est grand.

Alors regarde

Sans casser des briques techniquement, mais très habile artistiquement, le jeu arrive à nous immerger par une mise en scène très travaillée, des altérations de la réalité brutales. Et une tendance à composer efficacement avec l'absence de rencontres physiques grâce à un environnement ludique plutôt intéressant, qu'on aura envie d'éclairer le plus souvent possible, tant que la torche fonctionne. Il y a cette envie de célébrer la manière dont un jeu comme Firewatch génère toutes sortes d'émotions par les dialogues avec des personnes éloignées. Le téléphone (audio et SMS) et le talkie-walkie en notre possession, participent à la montée de la tension, aux rares moments d'apaisement, à la détresse, mais aussi à la résolution d'énigmes, classiques mais efficaces, au même titre que différents textes croisés ici et là. Les mécaniques de gameplay liées à un caméscope - coucou Outlast - font aussi largement douter. Et pour cause, cet accessoire dont le mode nuit va permettre de traverser, sous conditions, des sections dans lesquelles un regard direct peut signifier la mort, a un truc. À des moments opportuns, il faut visionner des enregistrements cryptiques. Une pause savamment placée et une porte fermée devient ouverte, une babiole importante apparaît comme par magie. L'idée est maligne, bien appliquée, et permet d'injecter un peu de réflexion à ce qui demeure avant tout une excursion sans véritable action - des "combats" ont bien lieu, face à des ombres vivaces contre lesquelles la solution viendra comme d'un but de Laurent Blanc - et comprenant assez peu de ruées désespérées.

Bullet, c'est dans la chaussette

Autre participant de ce jeu de piste cauchemardesque, Bullet. Ce berger allemand venu avec nous sur le terrain a besoin de nous autant que nous de lui. Le brave toutou ne supporte pas que nous ne lui prêtions pas attention. Et par moment, sa présence réconfortante nous faisant défaut, cela peut avoir une incidence sur notre santé mentale, déjà bien ravagée. Ceci étant dit, il sait se rendre indispensable à notre progression autant qu'à notre coeur. Grâce à lui, nous savons quand une présence hostile guette. Il lui arrive aussi d'indiquer le chemin par lui-même. Entre deux caresses qu'on lui prodigue, on a l'opportunité, via un système d'ordres assez clair, de l'envoyer chercher un indice, du concret, grâce à son odorat développé. Sans quelques bugs de pathfinding bloquant parfois la progression et obligeant à rappeler une sauvegarde passée, on verrait en lui un compagnon idéal. Sans oublier qu'à certains moments assez confus dans des lieux plus ouverts, nous avons beau compter sur lui, trouver l'objet qu'il nous faut paraît comme chercher une aiguille de Minipouss dans une botte de foin. Se retrouver à tourner pendant plusieurs dizaines de minutes avant que la solution ne surgisse peut arriver. La frustration s'installe. Mais l'envie d'aller au bout, de se voir contraint à des choix qui fendent le coeur (plusieurs dénouements sont possibles), reste. Quand bien même les pressentiments concernant la trame, ramenant au passé du héros comme à son avenir, se confirment et donnent l'impression d'un manque d'originalité et... de folie. Un comble, non ?