Belle histoire que celle de Supermassive Games. Cantonnés à la réalisation de jeux PS Move pour Sony après la création du studio à Guilford, dans le sud de l'Angleterre, ils frappaient un grand coup en 2015 avec la sortie d'Until Dawn. En dépit d'une communication assez faible pour ce dernier jeu annoncé à la Gamescom 2012, il faisait malgré tout sensation et terminait en tête des ventes la semaine de sa sortie, le tout en étant sur toutes les lèvres des adolescents dans les cours d'école de notre beau pays.

Nonobstant quelques défauts évidents, Until Dawn n'en restait pas moins bourré de qualités, et avait donné naissance à quelques petits frères en VR, comme Rush of Blood ou The Inpatient, le studio connaissant alors aussi une plus ou moins - plutôt moins - bonne fortune avec Bravo Team et Hidden Agenda. Et aujourd'hui, c'est avec une nouvelle gamme épisodique que nous les retrouvons : The Dark Pictures Anthology, dont le premier épisode - indépendant, avec une conclusion qui n'appelle pas à une suite, et un prix de lancement abordable - se nomme Man of Medan. Sept autres pourraient voir le jour, tous les 6 mois, et Sony n'est plus éditeur ici, puisque Bandai Namco a repris le flambeau. Du coup, Man of Medan n'est pas une exclusivité PlayStation et sort sur toutes les machines du moment, sauf la Switch. Nous, on s'y est frottés avec une version digitale de 50 Go sur notre PS4 PRO rutilante, de quoi se faire un avis bien tranché !

From Dusk Till Dawn

Sachez avant toute chose qu'on retrouve l'ambiance un peu nanardesque de teenage slasher movie auquel on avait déjà eu droit par le passé, avec un côté résolument désuet, mais qui parvient malgré tout à faire mouche et à nous intriguer. Passé une courte introduction ou l'on va découvrir le funeste destin de marines américain au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, décimés par un mystérieux péril sur leur bateau au beau milieu de l'océan, une ellipse nous ramènera en 2019 ou l'on fera connaissance avec notre bande de cinq héros, la vingtaine - pas comme les acteurs qui les incarnent - avec des traits de caractère bien marqués, mais classiques : Alex, un étudiant en médecine en plein questionnement et Julia, sa petite amie aussi téméraire que capricieuse, mais aussi Brad, le frère nerd d'Alex, qui possède des tuyaux sur la position d'une épave vierge de toute exploration et enfin Conrad, le frère boute-en-train de Julia. Et pour mener tout ce beau monde sur le lieu de la plongée, la sublime Fliss, capitaine de bateau au caractère bien trempé. Ce n'est pas la galerie de personnages la plus originale du monde, mais globalement cela fonctionne et on se prend d'amitié pour eux - malgré l'apparente "débilité" de certains.

Bien entendu, tout ne se passera pas comme prévu, et des pirates - méchants et pas très futés - vont venir mettre leur grain de sel en débarquant toujours comme un cheveu sur la soupe, mais aussi et surtout l'épave du vaisseau entraperçu en introduction, flottant toujours sur les mers tel un bon vieux navire fantôme des familles, et ce dernier sera bien évidemment habité par de nombreux jumpscares, des passages bien flippants et des saletés de spectres qui nous jouent parfois des tours bien mortels. Un narrateur interviendra entre les chapitres avec son ton bien cynique, et au bout, ce sera à nous de nous faire notre propre vérité. A noter tout de même, quelques libertés scénaristiques qui brisent la logique entre réel et surnaturel, et une fin qui peut paraître tronquée la première fois. A vous de voir si vous serez capable d'endurer un second run au rythme forcément très lent pour changer le destin de vos héros. Peut-être que la coopération sera une bonne excuse ? En tous cas, Man of Medan propose une histoire prenante, pas exempte de défauts, aux variations limitées, mais qui sait nous tenir en haleine.

Cast of Medan

Et ce d'autant plus que si les personnages n'ont pas une attitude parfaite, ils sont campés par des acteurs en chair et en pixel plutôt convaincants. Si la grande partie du casting est composée de "second couteaux" ou d'acteurs en devenir, habitués des seconds rôles, force est de constater que la plupart s'en sortent très bien. Pour le narrateur, on dit adieu au charismatique Peter Stormare aperçu dans Until Dawn, remplacé ici par l'inquiétant Pip Torrens avec ses faux airs de Robert Patrick. Quelques têtes plus connues sont de la partie, comme celle de Shawn Ashmore, vu au cinéma dans plusieurs films X-Men et sur votre Xbox One ou il prêtait déjà ses traits à un héros de jeu vidéo dans Quantum Break, ou encore celle de la divine Ayisha Issa.

Le jeu d'acteur est plutôt convainquant, même si quelques expressions faciles sont bien déformées en mode ahegao (attention : ne cherchez pas la définition de ce mot au travail !) et s'inscrivent bien dans la nanarditude du titre au final. La version française est plutôt de bonne facture, avec des textes et des voix dans notre belle langue. Les doublages sont globalement bien réalisés et exécutés, avec des voix connues, mais quelques problèmes de mixage, avec des voix parfois lointaines qui ne couvrent pas le reste de la partie sonore, problème déjà existant dans... Until Dawn. Le reste de la bande est pour sa part bien angoissant comme il faut et soulignera bien l'action et les moments de tension. Du côté de sa réalisation artistique, Man of Medan est plutôt convainquant, pour peu que l'on ne soit pas un esthète cinéphile.

Point & click & watch

En termes de jouabilité, on reste sur quelque chose d'assez classique dans la gamme des jeux narratifs. Avec des caméras plus ou moins fixes, on va faire évoluer nos héros de façon un peu pataude, les déplacements étant plutôt lents et lourds, et quelques problèmes de direction faisant leur apparition lors des changements d'angle de vue. Les animations sont plutôt réussies mais posent problème quand le héros se coince dans un mur ou est bloqué par un autre, notamment en coopération. A noter quelques passages sous l'eau plutôt classes. On va donc explorer les lieux à la recherche de moult secrets, que l'on pourra saisir pour les observer, avec bien souvent des informations supplémentaires sur les événements qui se sont déroulés, ou même des prémonitions comme dans Until Dawn. Des QTE divers et variés feront aussi leur apparition dans les moments les plus chauds. Mais ce qui sera le plus intéressant sera bien évidemment de tester l'influence des dialogues sur les relations entre personnages, mais aussi sur leur destin. Une formule classique donc, connue, avec ses défauts et ses qualités.

C'est avec ses modes multijoueur que Man of Medan va se distinguer un peu de la concurrence. Bien sur, il est possible de parcourir l'aventure en solo, mais si des amis sont de passage, on pourra user du mode "soirée télé" qui propose à chacun des 5 joueurs présents d'incarner un des héros de l'aventure tout en apposant sa pâte sur le résultat final avec ses propres choix. Prévoyez tout de même une longue soirée et des amis endurants, le jeu se bouclant en cinq heures environ si l'on fouille tous les recoins à la recherche de secrets. Mais le plus original dans tout ça sera le mode à deux en ligne : un peu à la manière de A Way Out, et forcément avec un ami - pas de matchmaking ici - on vivra deux scènes différentes en parallèle avec le point de vue de deux héros différents, chacun faisant ses choix de son côté et vivant une aventure différente.

Plus on est de fous...

Si l'aventure n'atteint pas forcément la finesse et l'intelligence d'A Way Out, on est sur une formule assez convaincante. Évidemment, quelques-unes des scènes inédites du point de vue du second joueur sont moins travaillées que dans l'aventure solo, on y observe tout de même de nouvelles clefs de compréhension de l'histoire qui pourraient permettre une bien meilleure issue dès la première partie, ainsi que quelques détails plutôt cools. Et si vous avez la chance de voir les deux écrans en même temps (en jouant en LAN par exemple) vous pourrez non seulement effectuer des comparaisons techniques selon le type de PS4, mais aussi profiter de l'aventure dans sa globalité, sans vous contenter des commentaires de votre binôme qui vous décrira ce qu'il voit. Si vous avez déjà bouclé l'aventure en solo, on vous conseillera d'ailleurs la place de l'invité, qui aura droit à plus de scènes inédites. Néanmoins, gardez en tête que certaines scènes parallèles sont tout de même jouées en différé dans la partie solo.

Man of Medan est donc un divertissement convainquant, et cela souligné par des graphismes très beaux, mais pas exempts de défauts. Les modélisations 3D sont assez bluffantes, notamment pour tous les visages. Les éclairages ne sont pas en reste, en proposant un rendu très réaliste et des effets visuels, des reflets réussis. Malheureusement, même sur PS4 PRO, le jeu n'est pas ultra fluide et quelques saccades font régulièrement leur apparition. Aussi, quelques textures s'affichent avec quelques millisecondes de retard - suffisamment pour que cela se voie - et les yeux des héros scintillent un peu trop dans le noir. Sur une PS4 classique ou slim, ces effets sont amplifiés et le nombre d'images par seconde est moins important. On en prend donc plein les mirettes, pour peu que l'on soit capable de passer outre ces quelques bugs dans la matrice. Man of Medan propose donc un bilan très positif, et ce sur presque tous les points. A dans 6 mois pour le prochain épisode ?