Après une petite heure de jeu, mes premières impressions étaient plutôt enthousiastes. Après des jours passés dessus, l'enthousiasme s'est envolé pour céder sa place à la frustration d'un game design bourré de bonnes idées, mais bancal à trop d'égards. Difficile cependant de ne pas saluer, au moins dans un premier temps, des idées qui auraient vraiment pu changer le monde de la Stratégie Temps Réel sur console.

Whip Select...

La stratégie temps réel "traditionnelle" demande précision, rapidité, et jugeotte. C'est aussi pourquoi, en termes d'interface, difficile de lui trouver mieux qu'un clavier et une souris. Alors pour supplanter le couple magique et adapter le genre à la manette, The Creative Assembly a pondu une idée simple, permettant de se déplacer très vite d'une unité à une autre : le whip select. Couplé avec la représentation à l'écran de toutes vos unités par une icône, le principe fait usage du stick analogique droit pour naviguer quasi instantanément de l'une à l'autre. On l'oriente dans la direction de l'icône de l'unité voulue, on relâche, et hop. Plus l'unité est proche, plus son icône est grosse. Quoiqu'il arrive, la caméra est toujours fixée sur une unité, ou un nœud de ressources. Le système est complété par un curseur qu'on dirige, à la manière de celui d'un Full Spectrum Warrior, avec le stick analogique gauche pour indiquer où on souhaite envoyer l'unité sélectionnée (à laquelle la caméra est attachée à ce moment donné), ou, en le plaçant sur l'icône d'une unité non sélectionnée, pour lui donner un ordre dit indirect (avec le bouton X), ou encore lui demander de nous rejoindre (bouton Y). L'essentiel du système tient donc là-dessus, et permet de se trouver toujours au cœur de la bataille, de se passer du brouillard de guerre, et de bénéficier de cartes avec une réelle verticalité, usant de tunnels, parkings à niveaux, toitures de buildings et diverses couvertures, pour surprendre l'ennemi ou protéger ses troupes.

... not perfect

Sur le papier, le système est ingénieux. Techniquement, il fonctionne même très bien. Le problème : le game design. Quand on commence, avec quelques unités, et passé un temps certain pour s'adapter aux contrôles, on y arrive. Rapidement, le nombre d'unités (dans un camp comme dans l'autre), devient trop important pour qu'on ne perde pas beaucoup de temps en naviguant de l'une à l'autre, et ce même si on peut grouper jusqu'à 3 unités ensemble. Autre souci : si la vue de caméra toujours au ras des unités renforce diablement l'immersion, elle empêche le stratège d'avoir une vue d'ensemble potable de la bataille, sans utiliser d'unités aériennes spécifiquement à cette fin. Il y a bien en appuyant sur Select une vue tactique, mais elle manque de clarté et d'ergonomie, et ne permet pas de manœuvrer nos unités. C'est un premier coup vicieux pour l'aspect stratégique des batailles, et ce ne sera pas le seul.

Stratégie, ça rime avec précis

Qui dit stratégie temps réel dit aussi coordination d'action, prises par le flanc, ou à revers, etc. Problème : on ne peut jamais regarder que dans une seule direction à la fois, et cette direction ne peut changer qu'en trimballant le curseur vers les bords de l'écran pour déplacer la caméra dans cette direction. Le curseur est assez lent, et par conséquent, même si les icônes sont dotées d'un magnétisme pour simplifier la sélection, le système s'avère trop imprécis et trop lent pour réellement permettre des action bien coordonnées. Imaginons par exemple une situation très simple : une intersection de rues, où se trouve un point d'intérêt à conquérir. Une unité à l'extrémité de chaque rue. Pour les faire converger sur le point d'intérêt à même allure et ainsi le prendre en tenailles en une action coordonnée, deux solutions. Sélectionner une des unités, lui dire d'aller vers la cible, puis d'un coup de whip select passer à l'autre et donner le même ordre, en espérant ne pas perdre trop de temps à placer le curseur sur l'icône cible où au moins à proximité de l'intersection. Autre solution : avec l'une des unités sélectionnées, donner à l'autre un ordre indirect (pression sur x, déplacement de curseur jusqu'à la cible, validation de l'ordre), puis appuyer sur A une seconde fois pour envoyer l'unité courante au même endroit. La seconde solution est évidement la plus rapide ; mais avec plus de deux unités, impossible de ne pas perdre du temps d'une manière ou d'une autre en donnant les ordres. En outre, on ne peut donner d'ordres indirects depuis un nœud de ressources. Bref : l'ensemble du système montre très vite ses limites à cause du nombre imposant d'unités, ou d'erreurs de design. Et ce n'est malheureusement pas le seul écueil de l'ensemble.

On ne court pas avant d'apprendre à marcher

Les développeurs ont voulu faire de Stormrise un jeu trop rapide, trop confiants en leur ergonomie, sans doute. Si côté level design, on peut féliciter leur créativité (il est retors à souhait), il en va tout autrement côté équilibrage / allure des affrontements, et IA. Deux éléments cruciaux dans un bon jeu de stratégie. Pour le premier, les combats s'avèrent particulièrement rapides. Tant et si bien que lorsqu'ils éclatent, il arrive souvent qu'ils soient réglés avant qu'on ait eu le temps de mobiliser une réponse effective, qu'il s'agisse d'une retraite, d'un renfort, ou de l'utilisation d'une capacité spéciale (lesquelles ne semblent pas se déclencher systématiquement dès qu'un groupe est mixte, ce qui s'avère des plus gênant). C'est particulièrement vrai avec les unités les moins armurées, telles que l'infanterie. Il n'est pas rare d'entendre "unité perdue !" sans avoir même eu le temps de savoir qu'elle était attaquée. Et, côté IA, il ne faut pas compter sur la machine pour contourner vos positions, même après s'être fait ramasser une première fois : elle continuera souvent à envoyer unités sur unités se faire hacher jusqu'à ce que la position s'affaiblisse, car Stormrise se résume assez vite, en solo, à cette seule stratégie. Accumuler suffisamment de ressources en capturant des nœuds pour pouvoir cracher de l'unité en continu et les envoyer à la bataille comme un gros bourrin, même si une douzaine y passe, puisque les ressources sont inépuisables et qu'avec trois nœuds capturés, on peut facilement produire à la même vitesse qu'on sacrifie. Et comme l'IA de vos unités n'est pas plus réussie que celle de l'ennemi, ça vaut presque mieux : elles ne battent même pas en retraite si on leur tire dessus.

Un coup pour rien

Côté solo, le scénario de la campagne, aux personnages caricaturaux et aux retournements de situation clichés, n'apporte pas l'intérêt qui manque à la mécanique de jeu. Reste donc uniquement le multijoueurs pour avoir un tant soit peu la sensation de contrôler ce qu'on fait et le déroulement des batailles, face à un adversaire égal... mais ça ne supprime pas tous les problèmes du gameplay, loin s'en faut. Par exemple, il est tellement plus rentable d'ériger des tourelles de défense sur les nœuds de ressource que de les protéger avec des unités (tellement ces tourelles sont puissantes), que les parties s'éternisant un peu trop deviennent insolubles et lassantes. On y trouve néanmoins un intérêt bien supérieur à celui du solo.

C'est vraiment dommage. Je continue de penser que l'idée de base de Stormrise n'est pas mauvaise, mais tout ce qui a été construit autour manque cruellement de discernement - ou de finition. L'ergonomie pourtant futée s'avère complètement inadaptée pour le game design adopté, trop axé sur la quantité d'unité et des affrontements éclairs. Avec une approche différente, plus mesurée et plus consciente des faiblesses du système, The Creative Assembly aurait vraiment pu réussir son coup.