La réponse est probablement non. Jusqu'à preuve du contraire, bien entendu, puisqu'après tout, Halo premier du nom, sur Xbox, a su montrer que les FPS pouvaient être d'envergure et jouables sur console sans clavier ni souris. Un exploit renouvelable avec le genre de la stratégie temps réel ? Nettement plus difficile...

D'autres ont essayé

Et continuent, en ce moment, d'essayer... car la stratégie temps réel est un genre qui ne manque pas d'attraits, et qu'il n'y a pas que les shooters dans la vie. Endwar a choisi de se passer complètement de la manette en prenant le parti de la voix et d'un game design réadapté, Stormrise proposera prochainement une interface d'un nouveau genre pour tenter de garder le dynamisme et la richesse du genre tout en plaçant le joueur au cœur de la bataille. Halo Wars, lui, a choisit le centrisme, en quelques sortes. Des canons du genre, il conserve la vue du dessus, les bases produisant des unités, le curseur pour principale interface entre le joueur et ce qui se passe à l'écran, la mini-carte dans un coin, etc. Mais avec des ajustements dans le game design, et dans l'ergonomie, quitte à sacrifier de la profondeur et de la nervosité.

Simplifier, sans dénaturer

Beaucoup de bonnes idées font de Halo Wars un titre très jouable à la manette, sans l'éloigner trop de cette formule canonique du genre, telle qu'on la connaît sur PC. Le curseur est fixe, au centre de l'écran, c'est la caméra qui bouge. Il "accroche" et suit les unités en mouvement automatiquement, à moins qu'on ne le déplace ailleurs, et ce simple confort est réglé à merveille. Les bases ne s'érigent qu'à des lieux prédéterminés, en deux clics. Les ressources sont générées par un bâtiment prévu à cet effet, l'énergie aussi, les premières permettant de construire et d'entraîner, la seconde d'avancer le long d'un arbre technologique, par paliers (les Tiers). L'ensemble est géré par une interface radiale qui apparaît au moment opportun et permet de produire ou lancer des recherches rapidement et facilement. De petits raccourcis simples permettent de gagner en temps et efficacité, comme un double clic sur le stick analogique gauche pour décider d'un point global vers lequel les unités nouvellement produites se dirigeront, un bouton de tranche pour sélectionner toutes les unités, l'autre pour sélectionner toutes celles visibles à l'écran, ou encore le maintien d'une gâchette pour scroller quatre fois plus vite en cas d'urgence. Tous les pouvoirs secondaires des unités se gèrent en cliquant simplement sur Y, contextuellement, et les groupes mixtes d'unités sélectionnés peuvent encore être "sous-parcourus" par type d'unité grâce à une gâchette, en séquence. Enfin, la croix digitale permet de passer instantanément d'une base à une autre, au lieu du dernier message d'importance ("unités sous le feu ennemi !"), ou d'accéder aux "pouvoirs" apportés par les soutiens orbitaux (bombardements, lasers orbitaux, zone de guérison, etc.). Il manque bien quelques petites choses comme une vraie gestion des groupes efficace pour coordonner des actions facilement, ou, plus simplement encore, un double clic sur A (le bouton de sélection) pour choisir toutes les unités de ce même type. Mais globalement, l'ergonomie est vraiment réussie. Et c'est aussi grâce au reste du Game Design, bien entendu...

Point trop n'en faut

Unités terrestres ou aériennes simples et pas trop nombreuses, juste ce qu'il faut, cartes adaptées, erreurs stratégiques aux conséquences minimisées... du point de vue de l'habitué du genre, Halo Wars est une version volontairement simplifiée de STR classique, dont il semble évident qu'elle n'a pas vraiment cherché à remettre en cause les bases. Pendant la campagne solo, préquelle des événements de la trilogie avec le Master Chief, ça ne se sent pas trop. La quinzaine de missions sait se renouveler, certaines étant très bien trouvées (le scarab en construction, le remorquage de la charge nucléaire), et si l'histoire n'est pas prête de laisser un souvenir impérissable aux amateurs de Halo comme aux autres, elle est agréablement contée par des cinématiques prérendues très soignées, à défaut d'être bien doublées. La campagne ne retiendra en tout cas pas longtemps les ardeurs des bons généraux qui la boucleront relativement vite. Du coup, c'est côté multi que le bât blesse : outre le fait qu'il faut apprendre à maîtriser le camp Covenant sans le bénéfice d'une campagne solo pour nous y aider (mais ça, passe encore, il a au moins le mérite d'être radicalement différent à jouer et très réussi, et il reste toujours le mode escarmouche contre l'IA), on en vient finalement à n'utiliser que "sélectionner toutes les unités" puis "attaquer" un truc en particulier. La subtilité et la stratégie s'avèrent vite limités, et le plaisir aussi, par conséquence. On peut aussi pester contre un pathfinding parfois à la rue, qui voit les unités trop nombreuses choisir des chemins absurdes, voire létaux, ce qui est d'autant plus pénible qu'on ne peut pas micro-manager rapidement et facilement, malgré les qualités de l'ergonomie manette.

On ne peut donc pas dire de Halo Wars qu'il réitère l'exploit de son aîné Halo à amener un genre traditionnellement PC vers une légitimité console quasi impeccable. Reste que le travail des développeurs d'Ensemble, jouant sur un côté accessible et simple, ne pourrait être retenu contre eux si on imagine logiquement que ce choix est censé attirer des fans habitués aux jeux de tir de la série pour leur proposer une vision différente de leur univers adoré. Proprement réalisé et offrant en outre un mode coopératif (même campagne, partage des ressources), Halo Wars n'a pas à rougir face aux tentatives d'autres : il est sans doute ce qui s'est fait de plus jouable sur consoles en STR dits "classiques", c'est à dire en vue de dessus, avec ressources à accumuler et bases productrices d'unités. Pour le joueur qui n'a pas déjà savouré les canons PC du genre, c'est une bonne entrée en matière - dommage que le scénario ne soit pas plus motivant, et l'ensemble un peu trop léger.