Décidément, après Astro Bot, le PSVR se dote de très bonnes petites exclus en cette fin d'année 2018. Et Déraciné en fait clairement partie. Ici, chez Gameblog, nous sommes soulagés : nous ne serons pas obligés d'élire Firewall ou WipEout (2017...) jeu de l'année 2018 !

En effet, il est des aventures qui marquent les joueurs et restent dans leurs mémoires des années durant, et nous sommes prêts à parier que Déraciné sera cité avec amour pendant longtemps encore par celles et ceux qui auront pu le terminer. From Software revient donc et frappe très fort avec ce jeu qui ne dénote absolument pas dans leur oeuvre globale, puisque Déraciné est une expérience coup de poing, malgré sa béatitude apparente.

Qui est-ce qu'on appelle ?

Dans Déraciné, vous jouez le rôle d'un nouvel esprit qui vient de s'éveiller, hors du temps. Ce dernier n'a pas de prise sur vous, et vous pouvez même, en échange d'un peu de vie, le remonter. Tout ceci grâce à deux anneaux que l'on va très vite se voir confier : un pour la gestion de la vie, l'autre du temps. Avec le bleu, on peut accéder à notre montre, qui va permettre de voyager dans le temps et d'obtenir des indices ; avec le rouge, on peut voler la vie, la stocker, pour l'insuffler ailleurs ou s'en servir pour remonter plus loin dans le temps. L'aventure s'ouvre bien évidemment avec un tutoriel qui va nous expliquer toutes ces bases de jouabilité, via des panneaux assez clairs. Les commandes restent assez simples, avec de la gestion d'inventaire ou de la préhension avec nos petites mains.

Très vite, on se retrouve propulsé dans un orphelinat, où la petite Yuliya, qui a conscience de votre existence, vous demande de lui montrer un signe de votre présence. Ce que vous pourrez faire avec vos nouveaux pouvoirs, en redonnant vie à une fleur fanée. Viendra ensuite le tour des autres résidents, tous attachants à leur manière, qui vont s'évertuer à donner un accueil plus que chaleureux à l'esprit. Les premiers chapitres - Déraciné est découpé en courts épisodes - sont un moment de bonheur ou l'on découvre la vie de notre petite troupe de héros, que l'on essaye nous-mêmes de rendre plus douce en retour. Mais l'ambiance légère des débuts cède ensuite place à quelque chose de bien plus sombre, lorsqu'une menace émerge des profondeurs du temps. Nous n'en dirons pas plus, mais les émotions transmises par Déraciné changent alors de registre pour proposer une aventure encore plus marquante aux joueurs, jusqu'à un final déroutant, qui ne tient qu'à un seul geste et d'une intelligence rare.

Fantômes contre fantômes

Déraciné possède clairement une histoire, un univers et une ambiance à part, prenants. La narration, comme on y est habitués dans les jeux From Software, reste plutôt cryptique. C'est en lisant les descriptions des objets que l'on va en apprendre plus sur leur origine, ou ce à quoi ils pourraient bien servir... Aussi, un peu comme dans Everybody's Gone to the Rapture, des souvenirs des enfants apparaissent dans le Manoir sous forme de fantômes, que l'on va pouvoir observer, pour trouver des pensées cachées qui vont nous donner des indices sur leurs préoccupations ou l'emplacement d'un objet perdu à retrouver. Cette narration reste très minimaliste, mais ultra efficace pour qui sait fouiner un peu partout et lire entre les lignes. Clairement, sur ce point, Déraciné est une réussite. Il sait se montrer troublant, émouvant, et parfois même cru et dur.

Tout cela d'autant plus que le reste de la direction artistique est aussi de très haute volée. Le design des personnages est bien plus fin que ce à quoi nous avait habitué From Software récemment, mais en voyant certains visages, on ne peut s'empêcher de penser au reste de l'oeuvre des équipes d'Idetaka Miyazaki. Pour ce qui est des décors et des costumes, là encore, impossible de ne pas évoquer Bloodborne - ça y est, comme ça, on a cité les deux ! - et l'ensemble fait preuve d'une grande finesse. Niveau sonore, sachez que le jeu est en français dans le texte, pas que dans le titre donc, et bénéficie même d'un doublage intégral de plutôt bonne facture dans notre bien belle langue. Et si jamais, au cas où, des sous-titres sont même disponibles pour suivre le tout plus sereinement. L'ensemble est accompagné de sonorités qui vont évoquer bien des choses à de nombreux joueurs, et de compositions musicales planantes et enivrantes, toujours dans le ton et justes par rapport à l'action. Bref, vous l'aurez compris : côté artistique, Déraciné est un vrai petit chef-d'oeuvre.

Sixième sens

Ce qui est bien dans tout ça, c'est que niveau jouabilité, Déraciné n'est pas en reste et propose quelque chose de plutôt bien ficelé. Dès le départ, notre progression est très libre. Seuls les portes fermées à clef et les chats, qui vous voient, vous empêchent de passer. Et nos amis félins vous le rendent bien, puisque vous ne pouvez pas les approcher et qu'ils vous bloquent bien souvent le passage depuis leur retraite de pacha qu'ils n'ont pas l'intention de briser pour vous. Et c'est à nous de nous débrouiller seul, de comprendre les mécaniques de résolution des casses-tête qui nous seront proposées, dans le but d'interagir avec les enfants.

Au début de chaque chapitre, on a un objectif, on erre pour voir ce qui peut se tramer dans l'orphelinat, puis on explore la grande bâtisse à la recherche de nouvelles pièces ouvertes, ou de petits tours à jouer aux enfants pour les aider et les persuader de notre présence, afin d'être accepté par tous. En effet, contrairement à Punch Line, où il fallait faire peur à nos camarades et changer l'histoire en déplaçant des objets ou en écrivant des messages, ici les enfants de l'orphelinat sont conscients de notre présence, on vit et on interagit avec eux, et ils font de leur mieux pour tenter de nous accueillir. Dans une moindre mesure, on reconnaît bien là des mécaniques de progression plutôt familières.

Fantômes en fête

Le tout est jouable uniquement avec deux PS Move, qui vont venir modéliser nos deux petites mains d'esprit. Les déplacements se font uniquement via des téléportations, en visant des points d'intérêt prédéfinis. C'est assez efficace, même si les premières fois que l'on va tourner autour d'un objet pour l'examiner vont paraître parfois bizarres... mais après tout, pourquoi pas : on joue un esprit, qui n'a donc pas de corps. On se plaît vraiment dans notre petit rôle de fantôme, à réfléchir à ce qui pourrait être utile à notre progression. Là encore, Déraciné reste très juste en donnant à de tout petits gestes d'esprit une portée très symbolique. Et si les énigmes ne se montrent pas d'une difficulté extrême, et que certains objets apparaissent parfois de façon un peu facile, miraculeuse et opportune, il faudra tout de même parfois bien réfléchir et bien explorer partout pour en voir le bout. Aussi, on se dit que la réalité virtuelle apporte une vraie plus-value au jeu, qui se serait probablement vu sans elle affublé de la douce étiquette de simulateur de marche. Déraciné, de par sa direction artistique, n'en serait pas moins resté dans le très haut du panier de la catégorie.

La durée de vie de l'ensemble reste très raisonnable puisque si terminer l'aventure avec une soluce se fera certes en un éclair (disons deux ou trois heures), un joueur qui explorera comme moi le moindre recoin, tout en ne voyant pas tout de suite les solutions, pourra pousser le temps passé à se creuser les méninges jusqu'à un bon six ou sept heures, ce qui est plus que respectable au vu du prix de lancement. En revanche, on pourra se poser la question de la pertinence de la rejouabilité. Si l'on pourra s'amuser à chercher tous les signes avant-coureurs de la catastrophe annoncée, notre seconde partie sera sensiblement la même. La quête des huit pièces cachées ne nous occupera pas plus longtemps que cela, et ce ne sont pas les Trophées, tout pétés, qui vont venir améliorer la chose. Avec uniquement de l'or et de l'argent, le platine devrait tomber presque systématiquement chez les joueurs qui iront au bout de l'aventure. D'ailleurs, pour ne pas les citer encore une fois, impossible de ne pas penser aux autres jeux From Software quand on observe les petites icônes de nos hauts-faits en jeu, qui présentent un design très similaire. Bref, impossible de ne pas penser qu'un problème de rythme se poserait lors de notre seconde partie.

Histoires de fantômes chinois

Vous l'aurez compris, malgré quelques facilités dans sa jouabilité, avec son ambiance aux petits oignons, Déraciné est une grande réussite. Et cela ne s'arrête pas là puisque le jeu va être soutenu par une technique plus que réussie. Déjà, l'immersion apportée par la réalité virtuelle est juste démentielle. On a vraiment l'impression que les personnages nous parlent et nous regardent, ce qui ajoute beaucoup d'intensité aux moments les plus dramatiques de l'histoire. Déraciné gagne énormément en sensations grâce à la réalité virtuelle, et on croirait presque évoluer dans un monde réel, régit par ses propres règles, et plus vivant - ou plutôt mort - que jamais. L'histoire et l'univers s'en retrouvent transcendés, et vont laisser une trace indélébile dans la mémoire de nombreux joueurs.

Hormis quelques écrans de loading qui ne sont, eux, pas en réalité virtuelle, le jeu bénéficie donc fortement de cet apport. Et ce d'autant plus que les graphismes se montrent plus que séduisants avec une certaine finesse, et aussi beaucoup de netteté de près. La fluidité reste quant à elle exemplaire. Déraciné entre donc directement dans la cour des grands, et nous propose véritablement d'observer un autre versant de l'oeuvre d'Idetaka Miyazaki, plus posé, mais toujours avec cette narration faite de non-dits, où l'on reconnaît aisément sa patte et son style. Franchement, on à vraiment hâte maintenant de voir ce qu'il vont nous proposer avec Sekiro : Shadows Dies Twice !