En effet, à l'heure des suites à répétitions, des spin-offs, des préquelles et des anglicismes peu élégants qui vont avec, on aurait tendance à se dire qu'il faut couver, garder rare ce qui est beau et bon afin de ne pas l'avilir. Quel plaisir de constater qu'en Pologne, chez les développeurs de The Witcher, ce souci semble au coeur des préoccupations. Ainsi, Thronebreaker : The Witcher Tales, bien plus modeste dans son envergure que la série dont il est issu, développe et étoffe avec beaucoup plus d'amplitude qu'on aurait pu l'envisager l'univers du Sorceleur, avec pour base le Gwent, formidable à-côté du récit de The Witcher 3, proposé depuis indépendamment dans un jeu vidéo du même nom gratuit.

La bataille, meilleur jeu de cartes

Le sentiment de vraie bataille proposé par le Gwent, par sa mise en scène et ses règles, est constitutif de son charme. Le plaisir du stratège se mérite, se découvre après deux ou trois parties où l'on aura rien compris. Surtout pas compris dans un premier temps que tout le sel du Gwent tient dans le fait qu'il faut parfois savoir perdre une bataille pour gagner la guerre. Une expression qui synthétise parfaitement ce qu'est ce jeu de cartes, squelette du récit de la reine guerrière Meve et qui évolue ici par rapport au jeu free to play.

En effet, le Gwent de Thronebreaker, constitutif du récit, prend parfois des atours de puzzle, quand il faudra se défaire d'un adversaire ou d'une situation fâcheuse à travers le bon coup de carte, la bonne stratégie. Car le récit de Thronebreaker s'articule autour du parcours de la légendaire reine de Lyrie et de Riv. Celui-ci est jalonné de batailles, mais également de rencontre et de décisions à prendre en tant que régente. Un élément fondamental du titre qui ne se repose pas seulement sur un jeu de cartes aux mécaniques prenantes mais bien sûr une écriture de haute volée à laquelle on avait déjà eu droit à travers les meilleures quêtes de The Witcher 3. Intégralement doublé en français, et avec soin en plus, Thronebreaker se raconte à travers des illustrations animées de grande qualité qui plongent davantage dans le récit, qu'on aura loisir d'explorer encore un peu plus en discutant avec nos compagnons d'infortune dans le campement à dresser n'importe où, d'abord utile pour gérer son deck de cartes et l'étoffer grâce aux ressources glanées dans l'environnement de jeu..

Cartes sur table

Mécanismes de jeu de cartes intéressants, évolution de ces derniers avec la disparition d'une ligne en jeu et apparition de héros aux capacités bien utiles dans un coin de l'écran, direction artistique et écriture formidables : il n'en reste pas moins que la scénarisation du Gwent se fait aussi parfois dans la douleur ou plutôt... la mollesse.

En effet, pour donner corps à son épopée, Meve incarne à elle seule son armée à l'écran et on la dirige sur les divers terrains qui nous sont proposés. CD Projekt RED a choisi une vue et une progression sur une mappemonde qui n'est pas sans rappeler Heroes of Might & Magic et évoque bien des succès rétro sur PC. Certaines et certains y verront sans aucun doute une raison supplémentaire de tomber sous le charme du jeu, mais il est impossible d'éluder la lenteur et l'ennui que constituent les déplacements sur ces cartes en vue isométrique. D'autant que les batailles ne s'enchaînent pas forcément à un rythme soutenu, en tout cas pour celles de l'intrigue principale qu'on est forcément toujours au niveau de mener, au contraire des affrontements de chemins de traverse qui demanderont soit de se renforcer ou soit de se creuser (vraiment) les méninges pour progresser. Enfin, et même si c'est bien entendu le lot de tous les univers complexes et passionnants, la plongée dans ce nouveau jeu de l'univers d'abord imaginé par Andrzej Sapkowski est un peu âpre si vous n'êtes ni familier de la saga, ni du Gwent. Malgré tout, une fois un peu plus à l'aise, le jeu en vaut la chandelle.