Killzone 2 et moi, on n'a pas vraiment commencé de la bonne façon. Tout de suite, à fond, en difficile ; mauvaise idée. J'aurais du y aller plus doucement, car c'est toujours pénible de se prendre des grosses baffes. Qu'à cela ne tienne, j'ai repris à zéro, plus doucement, et c'est allé bien mieux...

Helghastéropode

Killzone 2 propose une expérience finalement assez différente de celles de ses pairs. Oppressant, dur, violent, avare en respirations et en environnements ouverts, la campagne de Killzone 2, quasi-entièrement située sur la planète Helghan, monde de l'ennemi Helghast, est un défi ludique, mais aussi psychologique. Une descente sur une terre aride balayée par des vents de rouille, dont les villes crasseuses et étroites ressemblent plus à des bidonvilles accusant la tyrannie du dictateur Visari, qu'à un camp Pierre & Vacances. Les développeurs ont visiblement tout fait pour instituer ce sentiment de claustrophobie, de tension, afin que le joueur sente à chaque instant qu'il s'enfonce en territoire ennemi, péniblement, un pas à la fois. La progression se fait ainsi plutôt lente. Impossible de foncer tête baissée en comptant sur un coup de chance. Gagner du terrain face aux vagues de soldats Helghast, plutôt très bons tireurs et très bien coordonnés, est difficile, et on peut passer de longs moments épinglé derrière une couverture de fortune pendant que les balles fusent de partout, sans trop savoir comment s'en sortir, ou jusqu'à ce qu'une grenade bien placée ne nous oblige finalement à sortir de notre trou. On meurt, souvent, et l'assistance régulière d'un autre membre du peloton auquel on appartient ne change que très rarement la donne (ces équipiers, eux, ne sont pas aussi futés que les ennemis, malheureusement). Résultat, pour ma part, je n'ai pas pu finir le jeu sans prendre de grosses pauses ; difficile à avaler d'un coup.

Dans les faits, rien d'original

Ce parti pris plaira sans aucun doute à ceux qui attendent un FPS avec des poils. Pour ma part, je préfère les histoires aux rythmes plus balancés, et qui savent nous faire avancer avec de la nouveauté régulièrement injectée, à la Call of Duty 4. Oh mais rassurez-vous, Killzone 2 aussi introduit régulièrement de la nouveauté, bien sûr : de nouvelles armes, évidemment, quelques scènes épiques aux commandes d'autre chose que son propre fusil (même s'il faudra être patient, c'est plutôt vers la fin), une scène sur un train, des mini-boss, etc. Mais c'est l'ambiance, elle, qui ne change pas, ou très peu. Dans un Call of Duty 4, on passait avec plaisir de l'enfer du moyen-orient aux assauts nocturnes et discrets en Europe de l'Est. On nous faisait vivre quelques scènes, uniquement pour l'ambiance. Ici, le choix des développeurs est celui d'un rollercoaster qui file toujours tout droit. La maniabilité, excellente, reste cependant austère, sans les assistances à la visée répandues depuis Halo. Tout, depuis la direction artistique jusqu'au gameplay, sert ce parti pris : "Soldat, t'es là pour en chier, t'es en territoire hostile, et on n'a pas de temps à perdre". Avec une seule arme à la fois (en plus du pistolet et du couteau, bien insuffisants), il faut savoir choisir, gérer ses munitions. Et quand on commence à en manquer et qu'il y a encore trois ou quatre yeux rouges prêts à vous plomber si vous tentez une échappée à découvert vers un rack d'armes, on réfléchit à deux fois avant de tenter le coup. Ça éclate dès le départ, et jusqu'à la fin... mais sans réelle surprise.

Ce qu'il fait, il le fait excellemment

Seulement voilà : ce que Killzone 2 a choisi de faire, ludiquement et en termes d'ambiance, il le fait foutrement bien. Côté réalisation, inutile de chipoter ou de reparler de cette obscure polémique : c'est d'une beauté technique et artistique à couper le souffle, Guerrilla a rempli son contrat. Il y en aura toujours pour tergiverser des lustres afin de savoir si c'est vraiment le plus beau jeu de toute l'histoire de l'humanité de l'univers, mais si une liste existe, il y figure clairement dans les premières places. Les armes sont réalistes (à l'exception d'une arme énergétique Helghast un peu bienvenue, d'ailleurs), violentes, se jouent en finesse et en conjonction avec le système de couverture non seulement réussi (car simple et parfaitement huilé) mais surtout indispensable pour avancer. D'une manière générale, chaque Helghast qui tombe est une fierté pour le joueur, car ils sont lourdement armurés et très très coriaces. Ces fusillades brillantes (surtout grâce à l'IA ennemie) constituent clairement le point fort du jeu, et ce n'est paradoxalement que lorsqu'il tente d'autres petites choses qu'il en devient un peu moins jouissif, tombant parfois dans du cliché vidéoludique certes bien réalisé, mais un peu agaçant (je garde par exemple un souvenir déçu du boss mécanique volant - comprendront ceux qui le joueront). Autre cliché agaçant, le script : le peloton regroupant Sev (celui qu'on incarne), et ses compagnons Garza, Rico, Dante et Shawn Natko qui sont autant de soldats stéréotypés dont le vocabulaire ne serait rien sans "Putain", "Bordel", "J'recharge" et "Allez, allez, allez !". Mais pas avec le second degré savoureux des clichés d'un Gears 2. Le scénario, lui, tient sur une feuille encore plus petite : les Helghasts ont mis la main sur une arme nucléaire dont ils ne doivent absolument pas récupérer les codes, sans quoi les gentils perdront, alors les gentils partent à l'assaut de leur planète, pour leur botter les fesses directement chez eux, juste après avoir repoussé l'invasion des méchants (dans le premier). Et globalement, les cinématiques utilisant le moteur du jeu ont beau être, elles aussi, sublimes, suivre l'histoire ne sera probablement pas le moteur principal de votre envie de progresser. Et si vous n'êtes pas un habitué du genre... commencez en facile.

L'importance du multi

Si personnellement, la campagne solo de Killzone 2 me laissera le souvenir d'un voyage tendu comme un string et syncopé comme un matin de gueule de bois, dans une ambiance dépressive beaucoup trop réussie pour moi (mais ça prouve que les développeurs ont atteint leurs ambitions), elle a quoiqu'il arrive le mérite de ne pas faire de concessions, on l'aura compris. En bonus, on pourra y dénicher valises d'informations et insignes à dégommer, cachées dans les niveaux, et autres à-côtés, mais quand on s'appelle Killzone 2, le dernier point le plus important à aborder, à plus forte raison si le solo extrémiste menace d'en épuiser certains, c'est le multi. Et de ce point de vue, s'il est léger en cartes (8 seulement, même si d'autres sont prévues plus tard) et classique en modes, il a su s'inspirer du meilleur, et y ajouter une flexibilité étonnante. Le système des badges (en gros, votre classe), qui peuvent se coupler comme on le souhaite, permet de se forger un personnage correspondant le mieux possible à son style de jeu, et aux capacités aussi variées qu'utiles afin de former des groupes complémentaires. Après les avoir débloqués, bien entendu, au travers d'une progression à la CoD4 qui permet aussi d'avoir le temps d'apprendre. Les modes de jeu aussi sont flexibles, puisque l'hôte peut configurer une multitude d'options, et on peut même aller jusqu'à mélanger les modes de jeu pour des parties dont les objectifs changent en plein milieu. En plus, c'est presque aussi beau qu'en solo, les cartes sont plutôt réussies (c'est essentiel) et l'interface générale est correcte. Jouable jusqu'à 32, mais avec un peu de tout pour toutes les tailles de parties, même plus modestes, on peut aussi y inclure des bots pour compenser un peu sur les grandes cartes quand on n'a pas d'amis. Voire ne jouer d'abord que contre ces bots (mais alors pas de gain d'expérience pour débloquer des trucs, faut pas pousser non plus), pour apprendre un peu les modes avant de se lancer dans le grand bain, et surtout changer son allure, puisqu'en multi, pas de couverture ! Un choix bien entendu délibéré pour pousser les affrontements, mais aussi et surtout le seul gros bémol que je formulerais sur ce multi soigné et très complet (en plus du nombre léger de cartes) : pourquoi ne pas en avoir simplement fait une option pour permettre aussi des parties aux tactiques différentes ? Quoiqu'il en soit, la nervosité du solo se retrouve en multi, et le système de progression en fait un pan très sérieux de l'expérience Killzone 2, qui achèvera de convaincre ceux qui attachent de l'importance à la vie en ligne de leurs jeux, même si c'est forcément dans la longueur qu'on saura s'il obtiendra le suivi qu'il faut pour devenir aussi incontournable que ses pairs.

Bref, Killzone 2 en colle plein la vue, c'est certain, et fait immédiatement oublier les errances du premier épisode. Il offre un voyage solo moins maîtrisé à mon sens que certains de ses pairs, mais son univers étouffant, sombre et oppressant lui confère aussi un cachet unique. Vu la richesse et le soin apporté au mode multi, on ne peut vraiment pas faire la fine bouche : l'offre n'est peut-être pas celle d'un chef d'oeuvre absolu, mais elle reste bel et bien celle d'un blockbuster solide, hardcore, que les amoureux de FPS et d'action non-stop ne devraient certainement pas bouder. Et c'est, comme promis, l'un, si ce n'est le plus impressionnant des jeux PlayStation 3 à ce jour...