Entré en phase de développement juste après la sortie de l'épisode numéroté, Final Fantasy XV Comrades profite de la parenthèse décennale qui éloigne Noctis de ses camarades de jeu pour développer une intrigue qui s'adresse avant tout aux apprenti-doctorants d'Eos. Après avoir pris le temps de bricoler un avatar sur mesure avec le même outil relativement exhaustif de Monster of the Deep, nous voici donc aux commandes d'un(e) Glaive, un soldat amnésique de feu-Régis qui n'a pas retourné sa veste, contrairement à d'autres renégats. Et c'est à Lestallum que l'intrigue reprend donc ses droits.

Electrical Communications

Et s'il est une chose que Comrades réussit remarquablement bien, c'est le rendu de son univers en perdition. Avec ses tons fades, oscillant entre le gris et le marron, la ville qui vous accueille est méconnaissable : entre les amas de sacs-poubelle et des gravas là où se dressaient il y a peu de superbes bâtisses, l'ambiance post-apo d'un âge sombre rappelle les meilleurs moment de Lightning Returns. Privée de réseau électrique, la population survit tant bien que mal, dans l'espoir que les serviteurs du prince améliorent un peu leur quotidien de réfugiés.

Vous voici donc investis d'une mission toute trouvée : enchaîner les quêtes pour récupérer quelques kilowatts et ainsi rendre le quotidien des habitants un peu plus supportable. Par miracle, la chasse de monstres en équipe permet de glaner des cristaux qui seront ensuite convertis en combustible électrique. Chaque mission menée à bien permettra ainsi de faire leveler son avatar, mais débloquera par le rétablissement d'une partie du réseau de nouvelles quêtes et destinations à explorer.

Le Manifeste du Parti d'En Rire

Le problème - et il est taille, comme la pierre qui jonche les rues - c'est que la progression de Comrades consiste finalement à enchaîner les quêtes ad nauseam, dans l'espérance d'un moment de grâce qui jamais ne viendra. En faisant de son extension un Final Fantasy XV amputé de toute dimension d'exploration et de découverte, Square Enix donne véritablement l'impression de ne pas avoir déterminé quelle valeur ajoutée donner à son jeu. Sans doute contraint par la volonté de ne surtout pas faire d'ombre quatorzième volet, l'éditeur nous propose en réalité un mode de combats aussi redondants que classiques accessibles via un hub central. Ouch.

Car avec un système de progression poussif et assez peu motivant, Comrades oblige (surtout dans ses premières heures) à farmer bêtement les quêtes accessibles au départ, pour booster ses statistiques et envisager un avenir meilleur. Extrêmement séquencées et étriquées, les chasses au monstre lassent le joueur à une vitesse supersonique, et on se demandera bien vite à quoi bon tout cela. Certes, les matériaux récoltés ici et là permettent de booster ses armes et de faire grimper en flèche les dégâts, ou de s'offrir quelque coquetterie cosmétique hors de prix, mais quand vient le temps de dépenser de l'argent pour s'acheter des répliques qui aideront au travail d'équipe, on se demande bien pourquoi. Pourquoi tant de haine ?

Frères de larmes

Cette coopération se révèle par ailleurs sacrément limitée, puisqu'aucune stratégie ne pourra être mise sur pied avant d'entrer dans le feu de l'action. Avec ses nombreuses armes et la complémentarité des différentes statistiques des joueurs, il y avait de quoi structurer quelque chose de sympathique... Il n'en est rien : après avoir attendu un temps infini dans les deux phases de lobby à espérer qu'un des participants ne décide pas de saboter la partie en refusant de valider la mission (cinq longues minutes de perdues pour tout le monde, et aucun palliatif un mois après sa sortie, un comble), les rares phases de gameplay pur se contentent de vous proposer quelques vagues d'ennemis déjà croisés dans Final Fantasy XV, avant de rentrer à Lestallum pour mieux recommencer.

Même en la jouant finement, le déblocage des différentes missions est chaotique au possible : n'espérez pas trop de cette chasse enfin accessible après avoir répété près de dix fois la même chasse, car le niveau exigé pourra décourager les plus vaillants des soldats. Livre à vous de tenter votre chance, puisqu'aucun outil de nivellement ne vient équilibrer les quatuors : vous pourrez aussi bien vous retrouver avec des gardes du corps invincibles qu'avec une bande de bras cassés low-level.

Un Marx, et ça repart

Pour les plus téméraires de nos lecteurs, qui ne baisseront pas les bras devant tant de répétition ou qui souhaiteraient ardemment rentabiliser leur season pass acquis à prix d'or, il restera un développement scénaristique lent, mais qui jettera dans ses dernières missions quelques passerelles qui rendent le retour de Noctis après sa sieste de dix ans plus crédible et cohérent. La compréhension semble donc être à ce prix. En plus des trois épisodes post-lancement, les fans se verront donc dans la quasi-obligation de farmer comme des bêtes de somme pour appréhender un peu plus la subtilité au goût de gruyère suisse du monde d'Eos.

Et si les différents décors explorés restent plutôt bien rendus, les fans seront sans doute piqués par la curiosité de croiser quelques trognes connues ou de découvrir l'état dans lequel se trouvent malheureusement les contrées flamboyantes de Final Fantasy XV. On ne jettera pas non plus le voile sur les incroyables thèmes de Yoko Shimomura qui font toujours mouche dès la première seconde, ni sur les quelques mélodies composées pour l'occasion par le vétéran et vénérable Nobuo Uematsu, qui n'avait pas signé le staff roll de l'épisode canonique.