L'histoire de la saga de The Longest Journey s'est écrite sur la longueur. En effet, alors que le premier volet, sorti en 1999, proposait un jeu dans la plus pure tradition du point'n'click en 2D, sa suite, Dreamfall : The Longest Journey n'est arrivée qu'en 2006. À cette époque, les développeur avait fait le choix d'abandonner la 2D et le point'n'click pour adopter une vue 3D, à la troisième personne, en y intégrant en plus des énigmes et un système de combat qui avait fait couler beaucoup d'encre pour sa véritable nullité.

Pour ce troisième et dernier volet, Red Thread a conservé la vue 3D mais supprimé, Dieu merci, tout combat. L'interface, elle, reste très similaire à celle du deuxième volet, déjà de bonne facture. L'aventure se déroule donc dans la continuité de l'univers qui avait fait le succès de la série, et dans lequel on retrouvera les mêmes personnages, toujours aussi bien développés en termes de background. Le tout est appuyé par des dialogues d'une grande qualité, prenant une place prépondérante dans l'expérience de jeu.

L'an d'après

Cette dernière aventure se déroule un an après les événements du précédent volet, qui avaient conclu le jeu de manière dramatique. Deux principales storylines seront à nouveau développées, chacune dans un monde complètement différent. Les habitués ne seront pas déboussolés, puisque l'on retrouve les deux héros du deuxième opus : Zoé, qui évoluera dans Stark (un monde futuriste cyberpunk dans lequel la technologie est omniprésente), et Kian, dans Arcadia (un monde fantasy dans lequel la magie centrale). Leurs trames scénaristiques nous confronteront du côté de Zoé à un complot techno-politique de grande échelle, et du côté Kian à une lutte contre un génocide des adeptes de la magie. À noter qu'une troisième storyline est aussi développée, mais nous n'en parlerons pas ici, afin de préserver l'effet de surprise (bien que pour les habitués de la série, il s'agisse d'un secret de polichinelle).

En termes de scénario, il est évident que Red Thread a voulu quelque chose de complexe avec de multiples arcs, aussi bien majeurs avec les différents conflits globaux qui impliquent l'ensemble des mondes, que mineurs avec des relations humaines entre les personnages qui se tissent et se transforment tout au long de l'aventure, à grands coups de longs dialogues. Et c'est peut-être là que le premier problème du jeu fait son entrée : Dreamfall Chapters s'écoute beaucoup parler.

Cause toujours

La quantité de cutscenes et de dialogues est simplement gigantesque, au point d'occuper facilement les trois quarts du temps de jeu. Les personnages passent leur temps à parler entre eux, au détriment de l'interactivité. À force de les écouter parler longuement, pendant des heures, et enchainer cutscene sur cutscene avec à peine quelques minutes d'interactivités entre les deux, on finit par décrocher de l'aventure et penser plutôt à la litière du chat qu'il faut changer ou à la lessive qu'il faut lancer. Les développeurs ont néanmoins veillé à intégrer un système de décisions qui viendront affecter le cours de l'histoire, clairement inspiré de ce que fait Telltale, mais il s'avère insuffisant pour accrocher le joueur puisque les modifications sont en fin de compte mineures et, quel que soit les choix, ne viendront pas affecter la fin du jeu.

Ces nombreuses cutscenes sont parsemées de séquences d'aventure dans lesquelles des énigmes nous sont proposées. Si au début du jeu on est ravi de se retrouver en terrain connu, avec un système d'inventaire classique dans lequel on cumule les objets glanés pour les utiliser et/ou les combiner entres eux, malheureusement, une fois dans le vif du sujet, on se rend rapidement compte que le challenge n'est pas au rendez-vous. Bien souvent les objets qu'il faut trouver nous sont mis sous le nez et leur utilisation coule de source, à, moins qu'elle soit largement guidée par un PNJ. Bref, si votre but était de jouer à un jeu d'énigmes corsées, de vous creuser les méninges, ce n'est vraiment pas avec ce titre que vous trouverez votre bonheur.

Une coquille vide

Toujours dans l'optique de rajouter un peu d'interactivité entre les longues scènes de dialogues, on nous propose des missions qui demandent de se déplacer dans différents points des villes dans lesquelles évoluent les personnages. Mais là encore, les environnements sont tristement vides. Il y a bien quelques PNJ qui traînent, mais leur immense majorité sont de simples mannequins avec qui il n'y a pas d'interaction possible. Et en termes de décors, une fois qu'on a fait le tour des 3 affiches et robots qui traînent ça et là, on n'y trouve plus rien à faire à part prier pour arriver le plus rapidement possible à l'endroit souhaité. Autant vous dire que cet aspect du jeu est lui aussi complètement raté.

Techniquement, il est à noter que le jeu est à l'origine sorti sur PC, sous la forme de 5 épisodes publiés entre 2014 et 2016. De fait, on se retrouve donc aujourd'hui avec un jeu techniquement arriéré, plus proche visuellement de la génération PS360 que des machines actuelles. Et malgré ces graphismes à la traîne, cela n'empêche pas des chutes de frame-rate assez violentes de se faire remarquer dès qu'il y a un peu plus d'éléments que la normale à l'écran.

Pour résumer, en termes de gameplay, il n'y a pas grand chose à faire, techniquement, c'est bancal, et à moins d'être happé par l'histoire et de vouloir absolument savoir comment ce film interactif conclue une saga de près de vingt ans, on se fatigue rapidement de la trame scénaristique. Au final, on ressort avec l'impression que malgré les efforts des développeurs pour intégrer les nouveaux venus à leur univers, grâce à de petits bonus tels que des biographies de chaque personnage important retraçant les épisodes précédents et des récap succincts des événements antérieurs des précédents volets, le jeu ne pourra intéresser que les férus de la première heure qui veulent absolument savoir comment cela se termine. Cette dernière catégorie de joueurs se lancera donc probablement dans l'aventure quelle que soit la qualité du jeu qui se trouve derrière l'histoire (si ce n'est déjà fait depuis la sortie de la version PC). Le joueur lambda qui ne connaît rien de l'univers de The Longest Journey, mais qui cherche un jeu d'aventure avec du challenge, ferait en revanche mieux de réserver son argent pour autre chose, et ce malgré un prix réduit (30 euro au lancement).