D'emblée, Torment : Tides of Numénera marque la différence avec les autres jeux du genre en nous proposant non pas un univers heroic-fantasy, mais une ambiance futuriste qui nous fait faire un bond d'un milliard d'années en avant. Un laps de temps qui a permis à huit civilisations de prospérer puis de s'éteindre, laissant derrière elles des reliques et artefacts nommés "numénera", qui permettaient autrefois de stocker des connaissances et des pouvoirs. C'est dans ce contexte que l'on incarne le Dernier Reliquat, le dernier "brin de mémoire" d'un être des temps anciens. L'occasion pour les scénaristes de mélanger des univers parallèles où science, magie et philosophie bouillonnent dans un magma parfois difficilement compréhensible.

"Je ne crois pas qu'il y ait de bonnes ou de mauvaises situations [...]"

Le problème donc, c'est que le scénario est si touffu qu'il peut parfois perdre le joueur, surtout s'il est néophyte en matière de jeu de rôle. On assiste au début de l'aventure à la naissance de notre héros, et on apprend à connaitre le monde en même temps que lui. Sauf que dès le départ, on est noyé dans un flot de dialogues continu. Il faut être extrêmement patient. Si vous avez l'habitude de rusher vos jeux, vous serez amèrement déçu et désappointé. Chaque ligne de dialogue peut compter, en louper ne serait-ce qu'une seule avec un PNJ peut représenter un frein à votre progression ! En fait, pour être totalement sincère, le jeu oblige à lire la plupart des dialogues pour comprendre comment terminer les quêtes. Fort heureusement, la traduction française (uniquement les textes et certains dialogues - la quasi totalité des doublages étant en anglais) est de haute volée et permet donc d'avoir l'impression de lire un bon livre.

Le temps qu'on ne passe pas à lire est utilisé pour explorer d'immenses cités millénaires avec des détails à chaque recoin et de nombreuses légendes à lire, encore une fois. Contrairement à la plupart des jeux de rôle, dans lesquels beaucoup de PNJ ne sont là que pour habiller le décor, ici, chacun d'eux a quelque chose à vous dire de plus ou moins intéressant. Mais ça offre la sensation d'un univers vivant. En revanche le moteur graphique a pris un gros coup de vieux depuis Pillars of Eternity, et le monde reste un peu trop statique.

"Le lion ne s'associe pas avec le cafard."

Torment est probablement le jeu qui illustre le plus magnifiquement la mécanique de choix dans le jeu vidéo. Chaque acte, chaque réponse, peut avoir des répercutions sur le déroulement de l'histoire, et il est possible en étant minutieux d'éviter la plupart des combats par des pirouettes scénaristiques que nous verrons un peu plus bas. Refuser de venir en aide à un PNJ met en route un rouage définitif, qui supprimera certaines autres possibilités. Pour autant, le jeu est loin d'être manichéen, en tout cas bien moins que la plupart des RPG. Entre un combat et une poignée de main, il y a une foule de possibilités. De toutes façons, étant donné le rendu des affrontements, on conseille fortement d'en éviter le plus possible. L'interface est brouillonne, l'IA stupide et c'est très austère. Ce qui est assez spectaculaire, c'est que même sans action, le jeu réussit à tenir en haleine. Donc si d'habitude vous ne jurez que par les FPS, ce n'est clairement pas le jeu à vous conseiller pour découvrir le vaste monde du jeu de rôle.

"Ce tombeau sera votre tombeau ! "

Le combat n'est ici pas vraiment intéressant, mais heureusement ces séquences proposent des alternatives grâce à l'environnement, et il est ainsi, dans la plupart des cas, possible de trouver un moyen de ne pas dégainer son épée (ou son bâton) en activant un mécanisme pour fermer une porte, ou tout autre subtilité de ce genre. Pour résoudre des actions, comme forcer un mécanisme ou soulever un objet très lourd, le jeu repose sur un système d'efforts, avec une barre qui progresse jusqu'à 100% pour améliorer les chances de succès. Si cela peut donner lieu a quelques sueurs froides en début de partie, très vite on aura toujours dans le groupe un compagnon spécialisé qui pourra réussir une action sans débourser le moindre point d'effort, ce qui rend donc le système totalement inutile.

"Va Numérobis, construis ce palais ! Tu as trois mois."

Au final, le jeu laisse un arrière goût d'inachevé. Le jeu se termine en une trentaine d'heures, mais seule les quinze premières donnent l'impression d'un jeu poli. On passe alors de villes gigantesques à la direction artistique à tomber à des endroits sans saveur, avec très peu de PNJ, ou même d'autres endroits totalement vides. Cerise sur le gâteau si je puis dire : on peut même admirer l'absence totale de portait pour certains PNJ, ou encore des animations digne d'une version alpha. C'est dommage, car le jeu regorge de bonnes idées, mais quelque chose de mal fini se fait ressentir de plus en plus au fil de l'aventure. Torment est donc un RPG qui porte bien son nom, car le roleplay est le clé de voûte du titre, il faut savoir apprécier cet art pour en savourer les moindres mots.