Dès les premières minutes du jeu, le style graphique de The Tomorrow Children vous surprendra. Très inspiré par Pixar, mais avec une identité propre et très forte, il vous immergera dans une atmosphère étrange et résolument différente. Vous incarnez donc une petite fille dont la mission est de reconstruire le monde. Dur labeur pour une enfant à l'allure bien frêle... Pourtant, le sinistre dictateur qui s'adresse à vous à travers un écran de télévision, le seul élément existant dans le vide alentour, ne semble pas avoir envie de plaisanter. Il vous confie d'ailleurs un émetteur-récepteur et une "pioche de camarade", afin d'aller récolter des ressources. Si Minecraft vous vient tout de suite à l'esprit, et à raison, oubliez toutefois le jeu de Mojang : l'ambiance et les mécaniques de The Tomorrow Children offrent bien plus qu'un simple jeu de crafting, si efficace soit-il. Nous avons là une véritable expérience sociale (et patriotique), mais surtout une tendre et violente dystopie au coeur d'une Guerre Froide qui ne vous laissera pas de glace.

En réalité, le vide dans lequel vos allez évoluer résulte d'une expérience qui aurait mal tournée en URSS, vers la fin des années 60. Suite à cela, toutes les espèces vivantes sur Terre ont été anéanties. Seuls les Izverg, d'horribles et gigantesque monstres, dont certains ressemblent fortement à Godzilla, ainsi que quelques scientifiques, peuplent cet univers froid. Cependant, lesdits scientifiques ne peuvent pas sortir de leur cachette et ont alors inventé une technologie de "clone de projection". Ces clones ont pour mission de retrouver le plus d'ADN humain possible, celui-ci étant conservé dans d'adorables Matriochkas...

L'amour du patriostime

Me voici donc dans mon rôle de "clone de projection", studieuse, avançant dans une Union Soviétique alternative qui n'est que néant. D'ailleurs, si vous ne le remarquerez pas forcement tout de suite, ce néant n'est autre que la voûte céleste, et si vous quittez les zones d'exploration et de construction, votre personnage s'enfoncera dans une sorte de brume pour y mourir. Mais nous y reviendrons plus tard.

Je ne sais pas du tout ce qui m'attend, ce qui est assez excitant et inhabituel tant les jeux vidéo d'aujourd'hui affichent la couleur dès le départ. Soyons clairs : le titre de Q-Games ne vous prendra pas une seule seconde par la main. Et c'est une très bonne chose. J'approche d'un bloc dense, sans trop savoir ce qu'il renferme, dans l'idée d'appliquer les ordres de mon dictateur. J'assène des coups de pioche pour entrer à l'intérieur, où la lumière agressive d'un autre poste de télévision semble m'attendre. Le même dictateur sinistre m'offre alors une lampe grâce à laquelle je pourrai survivre. Et pour cause : mon personnage ne doit pas demeurer dans l'obscurité trop longtemps, sous peine de désintégration. Je constate en effet très vite que mon héroïne se met a scintiller dangereusement dans l'obscurité. Je trimbale alors ma petite lampe tout en continuant mes investigations... Je la pose près de moi pour ouvrir une petite boite renfermant une pelle et je récolte quelques ressources au passage. J'accède très facilement à mon inventaire via la croix directionnelle et sélectionne l'outil désiré, que j'utilise d'une simple pression sur la touche Carré. Idem pour ranger mes trouvailles dans mon petit sac à dos : j'appuie sur le bas de la croix. Le jeu est très facile à prendre en main et, malgré un univers très particulier, dès les premières minutes on sent l'ombre de l'addiction planer au dessus de nous. De retour à l'extérieur, mon interlocuteur me félicite et m'apprend dans la foulée que je peux construire ma propre maison si je travaille dur et me délivre à ce titre des "Papiers de bourgeoisie". Ces derniers offrent divers privilèges comme le droit de construire une résidence, ou encore de voter aux élections du maire... Car la reconstruction des villes sous-entend aussi celle d'un état, avec ses lois et ses hommes de pouvoir.

Ainsi, vêtue d'une charmante tenue d'écolière, me voilà dans le métro, destination ma première ville avec l'objectif d'y construire des monuments et d'y accueillir une population significative. Tout cela devra évidemment passer par la recherche de matériaux divers et variés. Charbon, métal, bois et cristal sont indispensables à l'extension des villes. Alors évidemment, ces dernières font plus penser à des camps du Goulag (organisme qui gérait les camps de travail forcé en Union Soviétique) qu'à de vraies villes libres : des instructeurs veillent en effet à ce que les petites filles travaillent sans cesse et font des rondes jour et nuit. Même s'ils n'ont aucune influence sur la partie, l'ambiance est posée, il va falloir bosser !

Un seul mot d'ordre : travailler !

S'il faut reconstruire les villes, il s'agit également de les défendre. Et lorsque vous débarquez dans la première ville encore bien vide (quelques habitations, un générateur d'énergie, une boutique et un ministère du travail la composent), vous comprendrez aisément pourquoi. Comme je le disais précédemment, des monstres gigantesques (et d'autres plus petits) tournent autour des bourgades et s'y invitent même parfois. Ce sont des Izvergs. Ces créatures, à l'aspect préhistorique pour certaines, arachnéens pour d'autres, seront vos principales ennemies. Ainsi, en dehors de la construction des différents bâtiments et décorations, il faut vous procurer des armes pour vos défendre. Pour cela, rendez-vous dans le magasin syndical qui vous attend à votre arrivée et vous proposera tout un tas de joujoux à base de pioche et de tronçonneuses ! Ces outils sont évidemment disponibles en plusieurs versions, les outils dits "de camarade" étant parmi les plus efficaces et ayant de ce fait un coût plus élevé. Cependant, outre les boutiques classiques, vous avez également la possibilité de passer par le marché noir via votre émetteur récepteur. On ne vous le cache pas, ceci est un enfreinte à la loi, mais qu'à cela ne tienne, il faut avancer ! Un coup de bigo et vous aurez accès à tout un tas d'éléments via un catalogue Auchan-like. Dans ce dernier, chargé d'illustrations d'un kitch exquis, vous trouverez tout un tas de babioles allant du fusil au soda vitaminé, en passant par la fausse monnaie, des emotes (appelés ici tout naturellement "gestes"), ou encore à différents pouvoirs de création qui vous faciliteront la vie lors de vos explorations.

Explorer ? Et comment ! C'est la partie la plus marrante de The Tomorrow Children. En effet, vous allez devoir quitter régulièrement les villes pour aller visiter de multiples îles regorgeant de surprises (bonnes et moins bonnes) et de ressources dont vous avez besoin. Quant aux pouvoirs baptisés "Energie du Void", ils vous permettront de construire divers éléments comme des ponts ou des escaliers pour accéder à des endroits jusqu'alors inaccessibles. L'utilisation de véhicules, notamment celle d'un Jetpack, offre aussi une liberté de mouvements agréable pour atteindre les endroits élevés et traverser le Void par la voie des airs.

En avant camarade !

J'appuyais sur le fait que vous ne pouviez pas quitter les zones des villes sous peine de tomber dans le vide et mourir. Pour aller dans les îles alentour, il faut donc utiliser soit un véhicule volant, lorsque vous en aurez fabriqué un, soit un bus volant aux airs de bus scolaire, qui passe régulièrement en ville. Celui-ci, équipé d'un écran destiné à diffuser la propagande, vous conduira à travers le Void dans des endroits offrant des décors variés. Tantôt vous tomberez sur des collines en forme de pieds humains géants, de visages ou de têtes de cochons, tantôt vous vous retrouverez dans des espaces assez vides. Il m'est même arrivé de débarquer sur des restes de sushis géants... Quel plaisir de planter ma pioche dans ce saumon et ce riz à l'aspect tendre ! Le rendu des textures est surprenant tant il est réaliste. On a réellement l'impression d'avoir de vraies matières devant soi, et on prend plaisir à mettre de vaillants coups de pelle ou de pioche pour en ramener à la maison... Je disais que l'exploration de ces îlots était l'aspect le plus amusant du titre et pour cause : lorsque vous creusez dans les formes géantes, vous vous retrouvez au coeur de cavernes à l'atmosphère mystérieuse et cosy à la fois ; on retrouve des luminaires naturels plantés ça et là, des formes étranges aux matières inconnues, des escaliers qui se révèlent sous les coups de pioches... Impossible de résister à l'envie de vouloir tout explorer.

De retour en ville, les ressources récoltées devront être placées dans des espaces de stockage ouverts prévus à cet effet. Viens alors le temps de la fabrication. Pour ce faire, il faut accéder à "l'Atelier du Peuple" (ce wording excellent) via lequel il sera facile de créer ce que bon vous semble moyennant la résolution de différents casse-tête plus ou moins complexes. Notez d'ailleurs que si vous n'êtes pas doués à ce jeu là, vous pouvez payer des pots de vin. Moyennant quelques billets durement gagnés (des dollars Freeman), la solution du puzzle vous sera offerte.

Et maintenant, fabriquez ! Résidences, hôtel de ville, boutiques diverses et variées, kiosques à outils, églises, ateliers, arbres, poteaux, lampadaires, affiches électorales, bennes à ordures, bancs, véhicules, distributeurs de Voidka et j'en passe, la palette de choix est alléchante et il est difficile de résister à l'envie de tout créer ! Mais si tout ce travail d'acharné vous effraie, rassurez-vous : vous n'êtes pas seul ! The Tomorrow Children est un jeu multi au coeur d'un monde persistant, et les quelques joueurs que vous croiserez continueront de bosser même lorsque vous ne jouerez pas... Ainsi, vous verrez les villes se construire sans que vous n'ayez fait quoi que ce soit, vos petits compagnons oeuvrant joyeusement pendant votre absence... Un vrai travail d'équipe !

D'ailleurs, les autres joueurs sont alertés lorsque vous succombez, et si vous ne souhaitez pas payer des pots de vin à tire-larigot pour revenir à la vie, vous pouvez décider d'attendre d'être réanimé par l'un d'eux, si toutefois vous possédez des fusées éclairantes. En effet, celles-ci se déclencheront pour alerter les autres joueurs de votre mort. Cependant, rien ne dit qu'ils viendront vous aider, si personne n'est dans le coin. Il vous restera alors deux options : être réanimé en ville ou bien immédiatement, où que vous soyez, toujours en payant bien sûr... (notez au passage que la version gratuite du jeu inclus les micro-transactions. Vous pouvez toutefois vous procurer sa version payante pour une vingtaine d'euros).

Surveillez donc bien votre santé et n'hésitez pas à boire un soda énergétique ou encore à secouer les arbres chargés de pommes pour les ramasser et les croquer : elles vous rendront de l'énergie. Détail marrant, vous vous retrouverez également à devoir faire la queue à de nombreuses reprises afin d'accéder à certains bâtiments publics, boutiques ou ministères, car vos petits camarades attendant également leur tour... Ainsi, la sensation de faire partie d'un tout est assez incroyable, quelle que soit la ville où vous vous trouverez (il y en a une bonne quantité à visiter).

En revanche, il faut savoir qu'il y a très peu d'interactions avec les autres joueurs, The Tomorrow Children proposant avant tout une expérience solo et les quelques gestes proposés sont les seuls échanges que vous pourrez avoir avec les autres clones.

Matriochkas et compagnie

Après avoir accompli diverses tâches, il ne faut pas oublier d'aller au Ministère du Travail. Eh oui, pardi ! En effet, toutes vos actions sont recensées et, une fois comptabilisées, elles augmentent votre taux de travail et vous permettent d'acquérir des coupons de rationnement à utiliser dans des kiosques à outils pour récupérer des éléments. Le mot d'ordre, vous l'aurez aisément compris, c'est bien le boulot ! On vous demandera même parfois de courir sur le tapis roulant d'une centrale afin de générer de l'énergie, pour éviter que les installations de la ville ne tombent en panne... Lampes, écrans et installations ont en effet besoin d'électricité pour fonctionner, et c'est à vous de faire en sorte que les choses se passent bien. Notez que quelques quêtes annexes (comme retrouver un certains nombre de poupées pour une ville en particulier) s'inviteront dans votre partie. Ce sera à vous de voir si vous souhaitez les accepter ou non.

Evidemment, tout cela vous permet également de vous améliorer. Votre personnage possède un statut social que vous aller faire évoluer avec des points bonus, au fil de votre progression. Il faudra alors attribuer ces points "de bourgeoisie" entre les différentes capacités : dextérité, puissance, courage, patriotisme, agilité et force. Plus ces aspects seront améliorés, plus le niveau de votre petite bosseuse augmentera. Vous obtiendrez ainsi différents permis de différents niveaux, vous octroyant la possibilité d'utiliser des outils plus performants, etc.

Il est également question de retrouver les fameuses poupées russes dont je parlais plus haut, ceci pour réanimer l'esprit du monde. En effet, une fois sur un socle prévu à cet effet, les mignonnes reviendront à la vie sous forme humaine et votre ville se peuplera au fur et à mesure, installant ainsi une ambiance chaleureuse à ces bourgades charmantes. Au fil de la progression, les paramètres de chacune des villes augmentera (propagande, technologie, culture, population) et il faudra tout faire pour les maintenir au niveau demandé. Par exemple, l'objectif de population est une priorité absolue ! En effet, la population doit être maintenue, et il faudra veiller à conserver un niveau de nourriture et d'énergie corrects, sinon les habitants, baptisés "les égarés", quitteront la ville.

Quoi qu'il en soit, on se prend très vite d'amour pour les petits personnages qui peuplent ces villes adorables. Tout comme on savoure quand la nuit tombe, faisant de ces dernières des lieux à l'ambiance unique où les lumières des boutiques et des différentes installations offrent une atmosphère subtile. On s'active de manière appliquée suivant le rythme entraînant des chants traditionnels russes qui tournent en boucle et on oublie que le temps passe, tant et si bien qu'on se retrouve avec des heures et des heures de jeu derrière nous...