S'il est en tout cas une chose qu'on ne peut pas reprocher à La Mémoire Dans La Peau, c'est de ne pas avoir été réfléchi pour tenter d'apporter quelque chose, tant au niveau du jeu d'action que de l'adaptation d'une licence du roman et du cinéma vers le jeu vidéo. Malheureusement, ça ne suffit pas à en faire ce qu'on pouvait en attendre.

Du coup de poing...

Tout game design repose sur un certain nombre de piliers primordiaux. Ceux de La Mémoire Dans La Peau (ou Bourne) tiennent dans un mouchoir de poche : combats à mains nues, tir avec gestion des couvertures et scènes d'action gérées par Quick Time Event. Un terreau favorable à la répétitivité, qui entraîne elle-même la lassitude. Alors pour éviter ce phénomène courant dans le genre de l'action à la troisième personne, il n'y a pas 36 solutions : varier décors et situations, proposer une histoire et des personnages engageants, et soigner la forme. Avec Jason Bourne pour personnage principal, une structure narrative alternant flashbacks de son passé d'agent aux quatre coins de la planète, et sa tentative présente d'y échapper en restant en vie, puis, enfin, une réalisation tout à fait correcte, il était possible de transformer l'essai. Malheureusement, n'est pas Uncharted Drake's Fortune qui veut. Là où ce dernier parvient avec une formule similaire à scotcher de bout en bout, Bourne semble souffrir de difficultés à vouloir d'un côté rester accessible et simple dans son déroulement, pour que le grand public puisse progresser facilement, et de l'autre à tenter de séduire l'amateur chevronné d'action, avec sa difficulté tendue comme un string et son gameplay qui paraît impossible à maîtriser. C'est dommage, parce qu'il propose tout de même, au passage, le combat à mains nues le plus pêchu de toute l'histoire du jeu vidéo, avec un travail sur les cadrages de caméra et la contextualité environnement/ action du joueur qui sont tous deux absolument brillants.

... Au coup dans l'eau

Outre le rythme très perfectible d'un récit plutôt désordonné, parfois même obscur, et la linéarité trop perceptible de l'aventure, on peut reprocher bien des choses à La Mémoire Dans La Peau. La courbe de difficulté, qui ressemble plus à une droite bien plate, entrecoupée de pics stratosphériques sur lesquels se fracasser régulièrement, agacera le joueur émérite comme le débutant. La scène parisienne en Mini rouge, qui semble avoir été ajoutée en dernier ressort pour tenter d'introduire un peu plus de variété dans l'ensemble, laisse un horrible sentiment de série Z, contrastant d'autant plus avec la qualité des autres phases de gameplay (notamment le combat à mains nues, encore une fois superbe). La timidité du level design, aux trop rares surprises, laisse bien peu de choix au joueur pour progresser. La possibilité d'avancer furtivement ne se laisse malheureusement pas jouer, tant elle est contredite par une IA dont la vue de lynx et l'ouïe de hibou ont tôt fait de briser les tentatives les plus rondement menées. Mais tout ceci serait excusable si le cœur du jeu lui-même était parfaitement exécuté, et ce n'est malheureusement pas le cas. Comme évoqué plus haut, si le combat à mains nues offre des images d'une patate incroyable, qui font croire à un observateur extérieur qu'il s'agit de cinématiques, il n'offre pas la précieuse impression de progression et de maîtrise qu'on en attend. Le déclenchement et le rythme des combos sont obscurs et, malgré les heures de pratique, on n'a jamais l'impression d'avoir "capté le truc", et donc de s'améliorer. Le système de couverture pour les fusillades fait son office, et l'apport de couvertures destructibles maintient le rythme, mais la visée manque de dynamisme par rapport à d'autres titres qui ont placé la barre plus haut entre temps. Enfin, les Quick Time Event à la mise en scène maîtrisée ont en revanche le tort d'être souvent trop vite expédiés, parfois carrément frustrants (sniper en QTE ?!).

La mémoire dans le détail

Reste que malgré ces nombreux reproches, La Mémoire Dans La Peau est de loin le jeu vidéo le plus à même de retranscrire les sensations éprouvées à la vue de certaines scènes cultes du film, notamment le duel dans lequel Jason use d'un stylo bille pour désarmer son adversaire. Le système des Take Down, avec les scènes ultra violentes qu'il déclenche en tirant partie des environnements, est brillant, de même que les bruitages magistraux et les animations quasi parfaites. Rien que pour ces combats à mains nues et leur mise en scène incroyable, La Mémoire Dans La Peau pourrait bien servir d'exemple à d'autres, qu'on espérera mieux équilibrés. Dommage que tout le reste n'ait pas été touché par la même grâce, mais pour les férus d'action pure, et pour certains passages comme l'ambassade à Zurich, ou encore le duel final à Paris, le titre de Highmoon mérite qu'on s'y attarde.