Le neuvième opus aura bien tenté, déjà, de revenir à une approche plus traditionnelle, mais ses ventes en recul démontrèrent que Final Fantasy devait s'inscrire dans la modernité s'il voulait encore asseoir son statut de RPG de référence à l'échelle mondiale. Une tendance qui allait s'accentuer avec la déclinaison de chaque opus, initiée avec Final Fantasy X-2. Et forcément quoi de mieux que Final Fantasy VII, l'épisode le plus populaire, pour se lancer à corps perdu dans l'exploitation industrialo-philosophique de la saga ? C'est pour toutes ces raisons qu'aux yeux de votre serviteur, ce septième épisode charnière marque la mort de Final Fantasy, tout du moins dans sa forme originelle. Justement, ça tombe plutôt bien, puisque Crisis Core : Final Fantasy VII a pour héros un personnage au destin bien funeste. De quoi constituer un trip revival ou une véritable résurrection ? Voyons ça en commençant par la revue des troupes...

SOLDIER Academy

De vulgaire figurant dans Final Fantasy VII, Zack joue cette fois le premier rôle, puisqu'il s'agira d'incarner ce SOLDIER de la Shinra, bien décidé à gagner du galon. Une ascension professionnelle dans laquelle notre héros sera guidé par Angeal (rien à voir avec un collègue ex-chevelu), archétype du mentor qui en sait long mais en dit peu. Préquelle oblige, d'illustres personnages de Final Fantasy VII feront également des apparitions plus ou moins marquées. Certaines, anecdotiques, n'ont pour seule vocation que de susciter l'émoi des fans, tandis que d'autres sont réellement impliquées dans le scénario, comme celles de Sepiroth, Aerith et bien sûr Cloud (dont les mystérieux liens avec Zack seront en grande partie élucidés). Crisis Core permettra ainsi de découvrir les évènements qui ont précédé la catastrophe de Jenova à travers la quête principale, mais aussi de partager l'humble existence d'un "simple" soldat au fil des quelques 300 missions optionnelles. De ce fait le titre évite soigneusement le sempiternel syndrome de l'élu tout puissant, sans pour autant que l'intrigue manque d'intérêt. Quant aux missions annexes, leur dimension narrative se réduit à leur plus simple expression, autrement dit quelques lignes d'introduction. De toutes façons, à part quelques Boss, les affectations du troupier Zack se résument presque toujours à se balader dans un bout de niveau à la recherche d'objets en estourbissant tous les ennemis qui ne manqueront pas de l'assaillir (la plupart des combats surviennent aléatoirement). Alors bien sûr, l'ultra répétitivité des missions et la possibilité de s'y lancer via n'importe quel point de sauvegarde exhalent un fort parfum de dungeon RPG... Pourtant ces tâches relativement courtes s'avèrent parfaitement adaptées au mobiludisme et surtout méchamment accrocheuses.

(Re) bienvenue à Midgar !

D'autant que l'habillage donne immanquablement envie de s'y plonger. Entre les mélodies originales subtilement réorchestrées du sieur Uematsu (écrasez cette petite larme que je devine sur votre joue) et les nouvelles compositions Techno Rock de Takeharu Ishimoto, l'atmosphère de Midgar ne tarde pas à faire son effet. De son côté, le Character Design tendance androgyne signé une nouvelle fois Testuya Nomura peut déplaire aux inconditionnels d'Amano, surtout quand la quête d'esthétisme pousse à présenter certains protagonistes affublés d'une seule aile. Au risque de paraître lourdingue, vous avez déjà vu un oiseau voler avec une aile cassée ? Les Cut-Scenes n'en sont pas moins de toute beauté grâce à une modélisation léchée des personnages, idem pour les décors qui permettent de redécouvrir des lieux familiers en trois dimensions. S'y ajoutent de somptueuses cinématiques, parfois carrément incluses au sein même des combats dans le cas des invocations. En prime, le tout s'effectue quasiment sans temps de chargement, du moins sur PSP Slim & Lite, l'ancien modèle n'ayant pas pu bénéficier de ces optimisations. Nonobstant les murs invisibles qui jalonnent des niveaux par ailleurs fort linéaires, Crisis Core constitue un véritable tour de force technologique auquel le débridage de l'horloge de la console n'est sans doute pas étranger.

Fighting Floor

L'autre atout séduction de Crisis Core réside dans son Gameplay, à commencer par les combats en temps "semi-réel". Il s'agit de déplacer Zack au milieu des ennemis à l'aide du stick analogique ou de la croix de direction, l'objectif étant souvent de se placer dans leur dos pour infliger des dommages critiques. Attaquer, utiliser un objet, lancer une technique spéciale ou une magie, ces actions sont sélectionnées par le biais des boutons L et R, mais ne s'exécutent que lorsque cela est possible. Il faudra par exemple attendre que Zack soit au corps à corps pour porter un coup d'épée. A l'opposé, l'esquive ou la garde (respectivement via le bouton carré et triangle) prennent effet instantanément, pour peu que l'on dispose de suffisamment d'AP (Action Points). Il en résulte des batailles aux airs de ballet guerrier, Zack enchaînant les parades et les contre-offensives. Le timing y joue un rôle prépondérant, aussi bien pour éviter une estocade adverse in extremis que pour préparer une attaque spéciale (moyennant également quelques AP). Plutôt cossu comme système, non ? Or les développeurs ne se sont pas arrêtés en si bon chemin et l'ont étoffé avec le "Digital Mind Wave". Derrière cette appellation un chouïa pompeuse se cache une sorte de bandit manchot (les jackpots, quoi). Alimenté par les Soldier Points accumulés au fil des combats, ce dernier tourne en permanence pendant les affrontements. S'il s'arrête sur trois têtes d'un même personnage ou d'une même invocation, cela déclenche la Limit Break dédiée à cette entité. Des chiffres y défilent simultanément, synonymes de divers bonus temporaires (invincibilité ou MP infinis entre autres). En cas de série identique parallèlement à une tentative de Limit break (appelée Modulating Phase), un niveau supplémentaire est octroyé à une Matéria équipée, voire pour le triple 7, à Zack !

"Matéria"lisme

Ce qui ne veut pas dire que les joueurs sur lesquels le sort s'acharne implacablement resteront bloqués au niveau 1 ad vitam aeternam... En effet la chance n'est pas le seul facteur à rentrer en jeu, fort heureusement. Ainsi l'état émotionnel de Zack, qui varie notamment selon la dangerosité de ses adversaires, influe fortement sur la fréquence des Limit Breaks. De plus, l'expérience acquise (bien que volontairement cachée) a elle aussi une incidence sur la probabilité de gagner un niveau. Des concepts frais et indubitablement efficaces, même si on aurait souhaité maîtriser davantage l'évolution des Matérias, sans compter la complexité globale de la chose. Et en parlant des Matérias, voici probablement l'élément le plus imposant de Crisis Core. Répartis entre plusieurs catégories (magie, soutien, techniques spéciales), ces fameux cailloux aux capacités singulières, déjà présents dans FFVII, ne se contentent plus de grimper en niveaux, puisqu'ils peuvent désormais fusionner. Je vous épargne les règles plus ou moins obscures qui régissent cette opération, les Matérias combinées transmettant une partie de leurs attributs à la Matéria produite. Sachez toutefois qu'il faudra s'armer de patience pour en exploiter les (très) nombreuses possibilités. Car c'est du levelling intensif de Matérias et de leurs associations que Zack tirera l'essentiel de ses pouvoirs, tout particulièrement à travers les bonus de statistiques. Les développeurs n'ont ainsi pas lésiné sur les perspectives d'évolution, potentiellement IMMENSES. Une course à la puissance intimement liée aux missions annexes, l'ensemble pouvant être complètement occulté si l'on ne s'intéresse qu'à la quête principale. C'est finalement le reflet de toute cette œuvre d'ailleurs, croustillante à l'extérieur, mais tellement moelleuse à l'intérieur. Derrière sa réalisation spectaculaire et son gameplay nerveux de nature à ravir n'importe quel amateur du genre, cet Action-RPG zélé d'innovations recèle une richesse assez phénoménale que seuls les vrais fanatiques sauront apprécier.