Les itérations de Four Swords disposaient tout juste d'un semblant d'histoire, avec une modeste carte en guise de théâtre. La narration de Tri Force Heroes se veut plus développée, du moins au début, le temps de nous raconter pourquoi plus personne n'ose s'habiller à la mode dans le royaume d'Estoffe : Une sorcière fringante a lancé un vilain sortilège à la coquette princesse Mousseline, désormais affublée d'une combinaison disgracieuse. Et c'est à Link que le Roi Frisette confie la tâche de raccommoder les choses, "couture que couture". Autrement dit, le récit ne se prend pas au sérieux, comme le soulignent les accents burlesques de la pimpante bande son. Ce scénario ne sert ainsi que d'habillage à cette quête, les événements se résumant ensuite à quelques bribes d'informations brodées au fil de l'avancée. Idem pour la ville, avec ses rares passants qui radotent, tandis que la liste des échoppes se restreint à une boutique de vêtements, un magasin de matériaux, un jeu de hasard, et un atelier photo pour partager les souvenirs de ses exploits sur le Miiverse.

Un pour trois...

Cette bourgade ressemble donc à une vulgaire annexe de lobby, d'autant qu'il ne faut pas en sortir pour partir à l'aventure, mais se téléporter dans les contrées maudites depuis les salles du château. Les différentes régions sont toujours présentées sur une simple carte, chacune comportant quatre stages eux-mêmes divisés en quatre zones conclues par un Boss, toutefois sans génération aléatoire de leur ordre dorénavant. D'ailleurs les niveaux demeurent identiques que l'on s'y risque en solo ou en trio, les deux seules configurations au programme. En clair, impossible de lancer la campagne en duo, on joue soit avec deux camarades en réseau local ou en ligne, soit en solitaire, auquel cas les compagnons sont remplacés par des pantins. Ceux-ci peuvent accueillir l'âme de Link de manière à les diriger, tels les spectres de Phantom Hourglass, de sorte que l'on passe quasi instantanément de l'un à l'autre par le biais de l'écran tactile. Le reste du temps, ils attendent, immobiles, et ne subissent alors aucun dommage, à moins de tomber dans le vide. Or il n'est pas aisé de veiller simultanément sur l'ensemble de ses troupes, en particulier durant les actions coordonnées.

... Et trois pour un

C'est bien sûr une autre paire de manches à plusieurs, et pas nécessairement plus facile, car si l'on peut s'appuyer sur une force de frappe démultipliée, on doit également essayer d'organiser les manoeuvres puis les déclencher au moment opportun. Les icônes situées sur l'écran tactile permettent certes d'envoyer des indications, ainsi que d'exprimer ses émotions (positives ou négatives), mais cela ne remplace pas la communication vocale, désespérément absente en ligne. Et l'exercice se révèle encore plus délicat quand l'un des participants ignore la marche à suivre, par conséquent il est plutôt recommandé de s'aventurer d'abord seul à travers ces contrées. De toute façon le choix se cantonne aux lieux déjà visités lors des parties multi joueurs, idéalement présents en chair et en os. Le réseau local constitue décidément la meilleure formule, dans la droite lignée de celle des Four Swords, tant pour des raisons pratiques que de convivialité. Surtout quand il s'agit de déterminer dans quel ordre ériger le totem, l'évolution essentielle du gameplay introduite par Tri Force Heroes.

Plus haut

Exit les formations sur le plan horizontal de Four Swords Adventures, l'empilage - pour ne pas dire le lancer - d'elfes se voit ici élevé au rang de discipline fondamentale. Que l'on récupère un camarade au vol ou que ce dernier se laisse transporter, c'est systématiquement le joueur en bas qui déplace cette tour, l'objet utilisable appartenant à celui d'en haut. Adapter la structure du totem selon la situation s'avère ainsi crucial, sachant que chaque équipier ne peut obtenir qu'un seul item qu'il conserve jusqu'à la fin du niveau. Les ustensiles proviennent pour la plupart des précédents épisodes de Zelda, cependant leur usage à plusieurs en étend les fonctions. Par exemple, le boomerang et le grappin servent respectivement à ramener ou à rejoindre ses compagnons au dessus des précipices, de même que les geysers de la baguette d'eau aident à les hisser par delà les obstacles. Malgré des similitudes avec son homologue de sable, c'est l'unique outil véritablement inédit de ce volet, un ajout logique en raison de son orientation très verticale. Évidemment l'incapacité de modifier l'équipement diminue la complexité des énigmes, néanmoins certaines sont littéralement de haut vol.

Plus vite

Pas surprenant dans la mesure où Tri Force Heroes hérite du moteur graphique d'A Link Between Worlds, synonyme d'un affichage en soixante images par seconde d'une rare nervosité et par dessus tout d'effets de profondeur saisissants. Si la perception du relief n'est pas obligatoire, elle se montre appréciable aussi bien lors des phases de réflexion que de combat, notamment si l'on est confronté à des plateformes aériennes ou des ennemis à étages. Hélas, cela ne suffit pas à éviter les problèmes de visée induits par la gestion de l'espace en trois dimensions et le contrôle au stick analogique, en dépit d'une réception (parfois trop) assistée lorsque l'on s'envoie des objets ou un compère, au point de regretter la 2D d'antan. Résultat, des opérations bêtement manquées, voire pire, la chute de plusieurs membres de l'équipe, un drame étant donné que tout le monde partage la réserve de coeurs. Pareil pour la jauge d'endurance vouée à l'utilisation des items, et les trois petites fées octroyées par partie qui font office de "continue" ou de joker afin de passer directement au stage suivant, au prix d'une récompense considérablement amoindrie.

Plus fort

Un sacrifice presque inacceptable, puisque le butin représente la principale motivation pour arpenter ces niveaux. Il n'y a en effet pas grand chose à y découvrir, du fait de leur taille assez réduite, mis à part les matériaux glanés à la sortie. Ces derniers sont requis pour la fabrication de vêtements, l'autre nouveauté de Tri Force Heroes. Moyennant rubis brillants et trébuchants, les costumes permettent non seulement de changer de look, mais surtout de bénéficier d'aptitudes supplémentaires. Certaines ne sont utiles qu'au sein d'environnements spécifiques, comme la résistance aux flammes, l'anti-glisse et la lumière intégrée. D'autres renforcent les caractéristiques d'une arme, ou les capacités globales, telles que l'endurance, la puissance et la vitesse. Des bonus salvateurs, a fortiori pour les défis spéciaux proposés ensuite, qu'ils consistent à éclater des ballons, à transporter une orbe ou à éviter les griffes de la main maléfique. Ces objectifs font ainsi redécouvrir les niveaux sous un angle vraiment distinct, jusqu'à demander l'élaboration de stratégies basées sur les pouvoirs particuliers et la complémentarité des équipiers.

L'habit ne fait pas le Link

De quoi encore encourager la coopération, une philosophie que la distribution des matériaux au hasard entre les aventuriers vient rappeler. Dommage que le mode téléchargement prive les invités de l'immense majorité des tenues, pour un temps du moins, tant le fait de (sauve)garder les trésors récoltés incite ostensiblement à se procurer un exemplaire du jeu. Mais même dans ce cas, la synergie que l'on atteint quelquefois à plusieurs vire fréquemment au chaos, voire au cauchemar si un participant inflige aux autres ses errances, involontairement ou non, sans parler d'un éventuel lag ô combien préjudiciable au vu de la précision exigée. Et si l'on quitte la partie la rage au ventre pour continuer seul dans son coin, il faut de nouveau se coltiner les pantins, une activité pénible, à l'instar de la résolution répétée des mêmes énigmes. A moins de se jeter dans l'arène pour se défouler, quoique ce mode dévoile vite ses limites en réseau local comme en ligne, les variations d'architecture et les paramètres arbitraires ne compensant pas les avantages liés à l'équipement. L'obtention des meilleures armures et des matériaux rares via ces joutes devient donc le seul intérêt, une fois la campagne achevée. Un destin pas très héroïque en somme, ni l'esprit de franche camaraderie que promettait cette épopée.