Haze m'a volé des heures de ma vie que je ne retrouverai jamais. Et je lui en veux. Je lui en veux d'autant plus que, vraiment, venant de Free Radical (TimeSplitters), je ne m'attendais pas à une telle déception. Alors, si vous le voulez bien, on essaiera de faire assez vite pour une fois, comme ça, ni vous ni moi ne perdrons plus de temps avec ce qui s'avère n'être que le dernier FPS ultra dispensable en date.

Hors course

Depuis le travail de ses membres fondateurs sur GoldenEye et Perfect Dark, en passant par TimeSplitters, Free Radical a toujours su participer au genre du FPS avec une touche toute personnelle. De ses partis pris artistiques à ceux de gameplay, en passant par sa maîtrise de l'animation, ou son goût pour les choix de design atypiques, Free Radical était devenu un studio qui compte pour ce genre encombré (et parfois encombrant) du jeu vidéo. Au point que je ne comprends pas comment ils ont pu en arriver à l'exact opposé : un titre qui ne fait que copier ce qu'il y a de pire à côté. Une série Z, dont les premières minutes donnent le ton, avec un univers laid, des dialogues d'une pauvreté affligeante, et une absence totale de second degré comme d'inspiration (au contraire des différents efforts promotionnels). Free Radical semble avoir complètement perdu pied avec le genre qu'il a pourtant contribué à façonner.

Le free son de la honte, c'est radical

Abasourdis par l'entrée en matière qui insiste avec une lourdeur collante sur le caractère ambigu des pratiques de la Mantel Corporation, qui emploie le héros fade qu'on nous propose d'incarner, on se dit que ce n'est ni la première, ni la dernière fois qu'on est témoin d'un énième scénario de jeu vidéo poussif, avec des personnages odieusement caricaturaux. Le synopsis (vilaine corporation mercenaire, drogue hallucinogène, combat pour la liberté et la justice dans un univers fictionnel, avec changement d'allégeance au premier acte) aurait pourtant pu donner lieu à une aventure passable, si seulement son récit avait été bien exécuté. On en vient donc à s'attarder sur le gameplay et le jeu lui-même, pour découvrir, assez vite, que ce n'est pas non plus à ce poste-ci qu'on trouvera son compte.

Fermez-la, on s'entend plus tirer

Au début mercenaire de Mantel, parti nettoyer un pays imaginaire d'Amérique du Sud en proie à une guerre civile soi-disant entretenue par un dictateur nommé "l'écorcheur", le joueur peut s'injecter du Nectar. Celui-ci améliore sa résistance, sa vitesse, sa force, et lui octroie une sorte de vision thermique illuminant ennemis, mines et autres grenades comme des sapins de Noël. C'eût été utile si le level design de cette soi-disant jungle avait été plus proche d'un Crysis que d'une allée de supermarché décorée de plantes en plastique... Raté. Passons, c'est le début. Très vite, les crétins qui forment le squad avec lequel on évolue méritent qu'on les abatte en premier lieu, histoire de se passer de leur répliques odieuses comme de leur insupportable propension à nous tirer dessus (et ce, avant que le Nectar ne les ait rendus fous, attention) ou à se positionner dans notre ligne de tir. Ce sera toujours ça de moins à se cogner, les pitoyables cinématiques, impassables, ne nous offrant pas cette chance. Une fois que c'est fait, on a le champ libre pour progresser et découvrir que chaque vague sursaut d'intérêt se retrouve écrasé dans la seconde par un level design d'avant-guerre, une IA ennemie quasi inexistante, une physique des véhicules aux abonnés absents et une réalisation générale qui va du simple mauvais goût à l'odieusement laid. Il y a bien deux ou trois scènes de bravoure et quelques leviers à chercher et actionner pour faire contre poids à des fusillades et des passages en véhicules sans saveur (tout comme l'arsenal, d'ailleurs)... mais rien à faire. On s'ennuie plus fermement que jamais. Avec le changement d'allégeance prévisible, on se prend à espérer que c'est en fait là que commence vraiment le jeu... Malheureusement, ce n'est pas le cas. Les "BOO-AH !" ridicules des mercs de Mantel sont remplacés par des "Rappelle-toi de ta promesse" qui sont si souvent serinés par les rebelles qu'il nous faudrait une lobotomie pour l'oublier. D'ailleurs, si je pouvais en avoir une pour effacer simplement le temps passé sur Haze de ma mémoire, je crois que je signerais.

Rien à sauver ?

Pas grand chose, j'en ai peur. Alors, évidemment, c'est moche, mais on y gagne au moins une animation très fluide (la moindre des choses). Les quelques bonnes idées théoriques existent pourtant : retourner l'arme d'un ennemi contre lui en l'en dépossédant, enterrer des grenades, transformer des munitions ennemies pour les adapter avec plus ou moins de succès... mais aucune ne soutient un examen plus approfondi tant leur implémentation est au mieux bancale, au pire frustrante. Reste le multi. Le co-op en drop-in, par exemple, est toujours fort appréciable... même si la campagne ne s'en trouvera pas beaucoup plus intéressante à plusieurs. Côté compétitif, 16 joueurs, c'est moins que les 24 prévus à l'origine, et ce n'est pas le seul mode Team Assault, vaguement intéressant (5 niveaux Mantel contre Rebelles avec objectifs et contre-objectifs), au contraire des classiques Deatmatch et Team Deathmatch, qui éloignera les intéressés bien longtemps d'un CoD 4. Bref, le constat est accablant rien qu'en surface, et je ne parle même pas du fond, qui sous couvert d'anti-corporatisme (pourquoi pas) nous pousse finalement à résoudre un problème de drogue par les armes alors qu'il aurait vraiment pu être traité plus intelligemment.

Il y a un an et demi, Haze faisait immanquablement partie des premières places sur les listes de blockbusters annoncés de la PS3. Dans un an et demi, il fera immanquablement partie des premières places sur les listes de ses plus odieuses déceptions. Entre ce jeu de tir d'une vacuité inattendue et la pornostar homonyme pas plus futée, Haze n'est décidément pas un nom qu'on est prêt d'associer à quoi que ce soit d'autre qu'une enculade.