Lorsque j'évoque séduction et frustration concernant Forza 5, je le fais en repensant au bonheur de retrouver à l'époque sur une console nouvelle génération cette jouabilité si subtile et jouissive des Forza, tout en regrettant un certain manque de contenu, un mode carrière assez monotone, l'absence de météo ou encore cette fâcheuse manie de vouloir nous faire micro-payer des voitures toutes les deux minutes... Evidemment, Turn 10 a pris des notes et, pour regagner le coeur de ses fans, décidé de cocher une à une toutes les cases du listing de nos doléances dans Forza 6... Et si tout n'est pas encore parfait, rassurez-vous : la saga franchit enfin un cap et continue sa progression.

L'épreuve des chiffres

Commençons tout d'abord par cette notion un brin rébarbative mais ô combien importante qu'on appelle les chiffres. Dan Greenawalt et ses troupes nous ont rapidement rassurés à ce sujet mais il faut en parler ici, tant il s'agissait là d'un défaut de Forza 5 et tant il se voit ici corrigé... Forza 6 nous propose ainsi pas moins de 460 voitures différentes, toutes sans exception disponibles en mode "Forzavista" (possibilité d'en reluquer le moindre centimètre carré, à l'intérieur comme à l'extérieur), ainsi que 26 destinations différentes. Pour rappel, il n'y en avait que 14 au lancement de Forza 5... ce qui était moins que dans Forza 4.

On note ainsi avec plaisir le retour de quelques circuits qui avaient disparu de la circulation, mais aussi l'arrivé de nouveaux venus comme Rio de Janeiro. Evidemment, ces 26 destinations se voient déclinées en de multiples versions (courtes, longues, miroir...) qui font monter le nombre de tracés à 130 environ. Au delà des chiffres clinquants, cela représente surtout le gage d'une variété retrouvée pour Forza, et on sait tous l'importance que cela représente dans un jeu de course, évidemment. Bref, améliorer le contenu pour combler nos attentes : check !

Quand à l'omniprésence des micro-paiements, évidemment, ce n'est plus qu'un mauvais souvenir. Une nouvelle "tombola" vous offrira d'ailleurs après chaque passage de niveau soit une caisse, soit de l'argent, soit des "Mods" (voir plus bas), ce qui évitera toute frustration menant à vous faire ouvrir votre vrai porte-monnaie.

Rien que pour nos yeux

La relative frustration de voir à l'époque Forza 5, certes plutôt joli, "downgradé" par rapport à ce qu'on en avait vu avant sa sortie, avait aussi marqué les esprits, et là encore la petite case a été cochée : Forza 6 est tout simplement splendide. On remarque un peu d'aliasing, plus ou moins prononcé selon les circuits, mais pour le reste c'est une réussite totale. Si les voitures bénéficient toujours d'une modélisation impeccable, ce sont surtout les circuits qui affichent un net progrès. Les détails fourmillent et les effets spéciaux, notamment liés à l'éclairage du soleil, sont somptueux. Mention spéciale au nouveau circuit de Rio, proposant de beaux dénivelés et de nombreux éléments autour de la piste, qu'il s'agisse du Corcovado, des favelas ou du bord de mer, dont les vagues s'écrasent sur la portion de circuit longeant la digue... Même les anciens circuits bénéficient d'un soin particulier, comme par exemple Laguna Seca dont le sable est projeté par le vent au dessus du bitume en certaines portions. Il n'est pas rare de constater non plus des feuilles au vent sur d'autres circuits, des oiseaux survolant la course ou encore des brins d'herbe suite à une malencontreuse sortie de piste. Quant aux fameuses courses sous la pluie, elle affichent de sublimes effets spéciaux, notamment les reflets sur la piste ou les gouttes qui perlent sur le pare-brise. Et évidemment, ce plaisir des yeux se consomme avec le 1080p et les 60 images/seconde (constantes) désormais habituels la série. Dans ces conditions, comment ne pas l'affirmer : Forza 6 est sans conteste le plus beau jeu de course de la Xbox One, devant Project CARS et tous les autres.

Parano sous la pluie et dans la nuit

Tant qu'on est à comparer les différents représentants du genre, l'autre élément hyper attendu qui fait enfin son entrée est évidemment la possibilité de faire des courses sous la pluie ou de nuit. La bonne nouvelle, c'est que Turn 10 s'est appliqué à faire de cette nouveauté un élément conséquent aussi bien en termes de visuels (le rendu est vraiment superbe) que de gameplay. La mauvaise, c'est que cette fonctionnalité ne concerne qu'un nombre limité de circuits, et que la météo n'y est pas évolutive. Ainsi, contrairement à Project CARS, qui propose de passer du beau temps à l'orage au sein même d'une course, dans Forza 6 on devra se contenter du mode "ON/OFF". On oublie néanmoins assez rapidement cette frustration, tant l'apport sur les circuits concernés est grand.

Sous la pluie, il faudra totalement revoir votre façon de piloter, ou tout du moins augmenter drastiquement votre attention et vos distances de freinages, tout en revoyant votre promptitude à appuyer fort sur le champignon en sortie de virage. D'abord parce que la visibilité est mauvaise, le brouillard accompagnant la pluie sur de nombreuses portions de circuit, mais aussi et surtout parce que les conditions d'adhérences se voient évidemment plus précaires. Le tête à queue n'est ainsi jamais loin, surtout si vous mordez la bordure de piste ou - pire - si vous avez le malheur de laisser vos pneus traîner dans l'une des flaques qui se forment sur les nombreuses aspérités du circuit. C'est d'ailleurs le point fort du "mode pluie" de Forza 6 par rapport à ceux proposés par la concurrence. Cet élément contribue grandement au plaisir masochiste qu'on a à pratiquer la course automobile dans des conditions pluvieuses. Il faut littéralement sentir les réactions de la voiture entre vos mains au moment de traverser une grosse flaque (moment toujours accompagné d'un bruitage réussi) pour s'en rendre compte : l'apport est considérable.

Les courses de nuit elles aussi apportent leur lot de bonheur non moins masochiste. Si les répercutions sur la physique du véhicule sont moindres (mais tout de même existantes, l'asphalte n'étant pas chauffée par le soleil, l'adhérence s'en ressent), c'est cette fois le manque de visibilité qui vous rendra totalement paranoïaque. Si l'on exclue certaines portions de circuits éclairées (ou le circuit tout entier de Yas Marina, qui doit être le lieu le plus éclairé du monde), on se retrouve dans le noir complet autour de la zone éclairée par vos phares, qui ne fait donc que quelques mètres devant vous et sur les côtés... Autant dire que jouer sans la ligne de trajectoire suggérée et/ou sans connaître un minimum chacun des virages du circuit vous fera irrémédiablement piloter la peur au ventre.

Pilotage plaisir

Et encore une fois, tout cela est rendu possible avant tout grâce à cette jouabilité presque inattaquable qui fait la force de la série depuis quelques épisodes. Comme d'habitude donc, le moteur physique est franchement excellent et source d'un plaisir de piloter complètement jouissif. Comme ses prédécesseurs, Forza 6 s'adresse à tous les gamers, qu'ils soient des fans de simu ou des joueurs plus occasionnels ne voulant pas se prendre la tête. Un système d'aides à activer ou non, selon votre niveau et vos envies, permet à tout le monde de prendre son pied. Mais évidemment, c'est en supprimant quelques aides qu'on profite justement de ce moteur physique qui fait tout le sel de Forza. On sent littéralement la voiture entre ses mains, on en comprend toutes les réactions, que ce soit au volant ou à la manette, cette dernière profitant de gâchettes vibrantes ô combien importantes. Pour les sensations bien sûr, mais aussi au niveau du gameplay, pour flirter avec le point de rupture entre adhérence et vitesse grâce au feedback des vibrations. Chaque virage devient un mini-jeu en quelque sorte, un challenge qu'on relève avec plaisir et qui se renouvelle sans cesse, d'autant que les sensations changent évidemment beaucoup d'une voiture à l'autre et d'un circuit à l'autre.

À ce titre, l'une des rares véritables nouveautés de cet épisode, les "Mods", m'a parue être une fausse bonne idée. Il s'agit de cartes de modifications, à gagner ou à acheter, qui permettent, lorsque vous les attribuez à votre véhicule avant la course, de bénéficier d'avantages type "adhérence +8", ou au contraire de vous infliger des obligations (aucune aide, vue cockpit uniquement, etc.) pour gagner plus de crédits... Mouais, quitte à faire quelque chose, j'aurai préféré un vrai système de pénalités (j'y reviens plus bas).

Carrière retravaillée

Forza 5 souffrait d'un mode Carrière un peu monotone, répétitif et qui peinait à se renouveler. Là encore Turn 10 en a pris bonne note et nous livre cette fois une copie bien plus réjouissante. Le nombre de bolides et de circuits, revu à la hausse, n'y est pas pour rien, mais c'est surtout la structure et la mise en situation des différents championnats qui change la donne. Le jeu est divisé en cinq catégories (haut de gamme, icônes sport, grand tourisme, professionnel et course ultime) qui impriment le rythme et la montée en puissance classique d'un mode Carrière. Mais cette fois, pour aller au bout de chacune de ces catégories, vous devrez gagner 3 championnats proposant chacun un "thème" différent (compilation de circuits en forêt, en ville, courses réputées pour leurs dénivelés, épreuves sous la pluie uniquement...). Cela apporte un peu de variété en soi, mais ce n'est pas tout, car histoire de totalement briser la monotonie et d'insuffler du changement à chaque nouveau championnat, vous aurez le choix d'effectuer ces derniers sous 6 catégories de voitures différentes (anciennes gloires, GT, hyper cars, etc.), tandis que les "rassemblements", événements spéciaux offrant des challenges spécifiques comme les fameux mini-jeux Top Gear, les slaloms Auto-cross, les défis dépassement, etc., se débloqueront petit à petit et seront accessibles en permanence, y-compris entre deux courses de championnat.

Au passage, notez d'ailleurs que les courses "Endurance" sont bien présentes dans cette section Rassemblements, et qu'on pourra donc enfin parcourir le circuit de la Sarthe (24 heures du Mans) en mode nuit sur des dizaines et des dizaines de tours... Bon, on ne verra pas le jour se lever, les conditions de course étant fixes, mais il faut tout de même noter une réjouissance par rapport à Forza 5, en ce sens qu'un seul plein d'essence ne suffira pas pour finir la course, et qu'il faudra donc ravitailler aux stands. L'usure de pneus en revanche reste un peu plus anecdotique, tandis qu'aucune animation dans les stands ne vient donner vie à ces ravitaillements / réparations.

Défauts persistants

Un petit plus pour l'endurance donc, mais qui restera insuffisant pour les puristes, forcément. Les Project CARS et autres Assetto Corsa, bien plus généreux en possibilités, sont passés par là et Forza 6 donne toujours un peu l'impression de ne pas aller au bout des choses... Il souffre d'ailleurs encore de pas mal de petits défauts persistants. Ainsi, si le mode Carrière est effectivement plus attrayant qu'avant, quelques frustrations subsistent. D'abord il fait le choix, comme dans Forza 5, de ne pas délivrer de points dans ses championnats. Il suffit d'arriver dans les trois premiers pour passer à la course suivante et finir une compétition... sans médaille d'or, d'argent ou de bronze, donc. C'est un choix que je ne m'explique toujours pas...

Par ailleurs, on aimerait également voir le moteur de dégâts amélioré... Les rayures et autres bosses n'ont pas énormément évoluées, elles sont un peu vieillottes et toujours en dessous de celle proposées depuis des lustres dans les jeux Codemasters.

Mais ça reste un détail à côté de l'absence bien plus importante de pénalités pour virages coupés et/ou conduite dangereuse. Là où un Project CARS fait tout pour vous dissuader de ces "tricheries" consistant à aller tout droit, quatre roues dehors, dans une chicane, ou encore à vous aider de la voiture d'en face comme un bourrin, Forza 6 - comme ses prédécesseurs - laisse faire sans vous le faire payer. C'est une option qui manque vraiment, autant dans le solo que dans le multijoueurs.

Multi solide et défis infinis

Finissons d'ailleurs avec ce fameux mode multi, que nous tenions à essayer véritablement avant de vous proposer ce test. Une fois de plus il est très complet, proposant d'un côté tout un tas de parties pré-réglées (dont le drift, le drag et le "chat" de Forza Horizon 2 !), pour se lancer rapidement, et de l'autre des parties privées entièrement paramétrables. Ces dernières offrent toutes les options possibles et imaginables (si ce n'est un système de pénalités !!) pour s'organiser des parties sur mesure. Des départs différés aux collisions désactivées, en passant par toutes les restrictions (classe, marques, modèles, ou puissance imposés, aides désactivées ou non...), on fait vraiment ce qu'on veut.

Dans un cas comme dans l'autre, le code réseau est à l'image du reste du jeu : il est carré, bien fini, et il fonctionne sans souci, y compris avec 24 véhicules en piste (le même nombre qu'en solo) ou sous la pluie. Nous l'avons testé au moment ou le jeu n'était disponible que pour ceux ayant pré-commandé l'édition Ultimate, et le matchmaking lui aussi était rapide et efficace.

On notera enfin l'apparition, en plus du fameux mode "Rivaux" - toujours aussi addictif avec ses défis en pagaille qu'on s'envoie entre amis ! - d'un nouveau mode compétitif et communautaire nommé "Catégories". Dans ce dernier, il faut se lancer dans des courses uniquement disponibles dans un laps de temps bien précis et tenter d'inscrire bien haut son nom dans le classement. Pour ne pas fausser la compétition (et contourner l'absence de pénalités ?), les collisions y sont désactivées. Lorsque la compétition sera fermée, vous récupérerez plus ou moins de crédits selon votre classement et d'autres challenges apparaîtront bientôt. En clair, c'est une sorte de mode Carrière en ligne et donc un ajout sympa, qui contribue à faire de Forza 6, dont le mode solo vous occupera déjà des dizaines d'heures, un jeu ultra complet dans tous les secteurs.