On a tous vécu, entendu, lu, cette historiette au moins une fois dans sa vie. Celle du petit frère qui souhaite imiter son aîné en choisissant une voie qui ne sied pas forcément à son tempérament ou à son potentiel. Ou pour reprendre une allégorie cycliste, puisqu'il s'agit bien d'un test sur une simulation de vélo, celle d'un besogneux qui essaie de sucer la roue d'un pur grimpeur dans les lacets de l'Alpe d'Huez, quitte à se mettre dans le rouge. On connaît tous la suite : le coureur au style peu académique s'accroche, dodeline de la tête, fait valser sa monture dans tous les sens, se rassoit et explose logiquement en cours d'ascension. Cette confrontation aurait pu synthétiser grossièrement l'existence de la série des Tour de France, spin-off chétif de l'ultra-populaire Pro Cycling Manager.

Mais il existe des exceptions, là est ce qui fait tout le charme du sport et notamment de la petite reine. Car TDF, avec son style si ramassé puisqu'il ne permet(tait) de disputer que la Grande Boucle, s'est agrippé comme il le pouvait, a résisté aux critiques de ses détracteurs, montrant d'affreux rictus (graphiques) de souffrance, pour finalement accoucher d'un statut plus raccord avec le prestige de sa course éponyme. Explications.

La communauté des (doux) agneaux

Pour la première fois cette année, le dernier-né de Cyanide intègre deux nouvelles compétitions à son programme : le Critérium International et le Dauphiné Libéré. De quoi se faire les dents sur d'autres tracés (Corse, La Toussuire...) avant d'attaquer le plat de résistance mais également de quoi apporter un léger côté gestion à un titre, qui en était jusqu'alors totalement dépourvu. Le mode "Pro Team", modestement instauré lors du précédent épisode, a en effet pris de l'épaisseur grâce aux conseils avisés d'une communauté dévouée, bruyante et passionnée. Le postulat de départ reste inchangé ; vous incarnez toujours un directeur sportif à la tête d'une équipe de bras cassés, qui aura pour but d'obtenir des résultats pour attirer des éléments plus expérimentés et donc remporter de plus grandes courses. Bref, du classique. Mais, cette fois-ci, vous pourrez construire l'équipe de vos rêves à travers une phase de transferts plutôt bien fignolée. Et la plus grande variété de parcours et d'objectifs vous obligera à bien choisir vos poulains. Bien sûr, il existe encore quelques anomalies, des déficiences assez grossières pour un jeu de gestion, comme le fait par exemple de ne pas pouvoir choisir le style général que l'on veut donner à sa formation, mais on prend plaisir à voir évoluer sa team à travers les saisons. Et l'on fait confiance aux développeurs pour donner encore plus de consistance à ce mode dans les prochaines versions.

Car comme d'habitude, Cyanide et Focus Home ont su prendre en compte les avis de la communauté pour affiner leur titre et fournir de gros efforts sur les défauts du jeu. Ainsi, deux niveaux de difficulté ont été ajoutées pour offrir du challenge aux plus chevronnés qui avaient bouclé la Grande Boucle sans trop puiser dans leurs ressources. De manière générale, le comportement des coureurs a également été amélioré en fonction des scénarios de courses et de leurs caractéristiques. Sans atteindre l'exigence d'un PCM niveau immersion, les consignes tactiques sont respectées et on commence tout doucement à s'approcher du réalisme des courses IRL. A tel point que ces coquins de développeurs ont apporté un soin tout particulier au public qui hurle le nom de son chouchou au passage du peloton et qui libère la route au dernier moment lors des grandes ascensions. Il ne manque plus que le commentateur - un gros relou qui a autant de vocabulaire qu'un candidat des "Marseillais à Rio" (mes excuses au vrai Patrick Chassé) - vocifère le fameux "Ne courez pas à côté des coureurs" pour ne pas se croire collé à son canapé, un aride après-midi de juillet.

C'est l'attaque des clones !

Malheureusement, si cette intention cosmétique est louable sur le papier, la sauce ne prend pas vraiment. Ou alors faut-il apprécier les retransmissions TV du pauvre chères à France 3 Régions. La faute à des animations dépassées, à une bande-son insupportable et surtout à une standardisation gênante des coureurs. Tous se ressemblent, tous ont la même position sur le vélo, tous roulent de la même façon. Seul moyen de les différencier ? La couleur et le dossard de leur maillot. Ca fait plus "Playmobil vous présente son nouveau set de cyclistes en cuissards" que grande fête cosmopolite et populaire. Un bémol d'autant plus regrettable que l'interface a, elle, changé, ce qui n'était pas indispensable et ce qui demande aux habitués - sa cible principale - un nouveau laps de temps d'adaptation (braquet, ravitaillements, énergie, position...). Parmi les axes à optimiser dans le futur, outre ce soin à apporter à des détails superficiels pour renforcer l'immersion, il faudra également que Cyanide pense à afficher les statistiques des coureurs pendant la course afin de mieux repérer les hommes en forme de l'échappée et d'échafauder des plans tactiques.

Pour ceux qui ne jurent que par la vitesse pure et dure, l'apparition de défis pourrait leur apporter une bouffée d'air frais. Il s'agit de dévaler à vitesse grand "V" les descentes des gros cols du moment et de récolter des médailles. Amusants au départ, ces shots d'adrénaline perdent cependant vite de leur intérêt et ne peuvent même pas être considérées comme une reconnaissance des étapes du Tour. En fait, elles servent juste à jouer sur notre corde nostalgique et à inviter un éditeur à sortir une simulation de VTT comme avait su le faire Codemasters avec No Fear Downhill Mountain Bike sur la première Playstation. C'était il y a quinze ans. Une broutille... A signaler également le fun procuré par le mode coopération qui vous permettra d'inviter un ami pendant une épreuve et d'unir vos forces pour lever les bras et embrasser l'écusson de votre sponsor sur la ligne d'arrivée.

Cyanide connaît les dossiers à travailler sur le bout des doigts. Encore faut-il qu'il accorde ses violons avec Focus pour les prioriser et ne plus toucher à ce qui fonctionne bien (interface, prise en main). Là est le prix pour que Tour de France parvienne enfin à s'affranchir de la licence Pro Cycling Manager et à satisfaire complètement les fous du guidon.