Un monde en ruines a fortiori surpeuplé, où les humains se déchirent pour des ressources quasiment épuisées, telle est la sombre toile de fond de Freedom Wars. D'autant que dans les Panopticons, autrement dit les sociétés utopiques qui ont remplacé les États, le simple fait d'exister constitue déjà un crime. Toute vie a en effet un coût pour la collectivité, si bien que chaque nouveau né est condamné d'emblée à un million d'années de prison. Ces "coupables" doivent donc se rendre utiles pour que leur peine soit allégée, dans l'espoir d'accéder à la liberté somme toute très relative dont bénéficient les "citoyens". Car sous ce régime totalitaire, la surveillance est permanente, et la moindre dérive sanctionnée par un allongement de la période de réclusion. Certes le cadre post apocalyptique et le héros frappé d'amnésie en guise de préambule manquent d'originalité, mais il n'est pas habituel d'écoper d'une punition rien que pour avoir eu l'audace de se reposer ou de parler sans autorisation - des occupations évidemment non productives pour la communauté. Pas le temps de s'appesantir sur la dimension philosophique, ou même sarcastique, de telles restrictions, il faut rapidement obtenir des droits, à commencer par la permission de quitter sa cellule. Une émancipation progressive qui passe par l'accomplissement de missions.

Mecha grappling

Justement, les conflits perpétuels entre les Panopticons donnent lieu à une multitude d'activités, en particulier le sauvetage de citoyens. Ces privilégiés sont la proie des "ravisseurs", d'immenses créatures cybernétiques que l'on affronte aux côtés d'autres coupables et de leurs androïdes respectifs, également sujets au kidnapping. Les ravisseurs n'ont de cesse de capturer de pauvres innocents dans leurs entrailles, dont les coupables tentent ensuite de les extirper, ironie du sort... Pour y parvenir, ils disposent d'armes de mêlée et de pétoires plus ou moins massives, sans oublier la "ronce", l'outil essentiel sur lequel repose la singularité du gameplay de Freedom Wars. Cette espèce de lasso permet de s'accrocher non seulement aux parois des murs pour les escalader ou se déplacer plus vite, mais aussi aux ennemis, une mécanique à l'origine de pirouettes vertigineuses qui pallient l'impossibilité de sauter, à laquelle on ne tarde pas à s'habituer. Et une fois notre gigantesque méchanoïde solidement harnaché, le grappin peut servir à le déséquilibrer pour le rosser copieusement à terre, voire à s'y agripper histoire de le découper pièce par pièce ! Malgré quelques soucis de caméra, ces manoeuvres se révèlent exaltantes, pour ne pas dire franchement jouissives, surtout qu'elles ont en prime un intérêt non négligeable en termes de ressources.

Le nerf de la guerre

Les objets collectés sur le champ de bataille s'ajoutent en effet aux récompenses octroyées à l'issue d'une mission, souvent dépendantes du temps mis pour les terminer. C'est là que se manifeste principalement la notion morale de Freedom Wars, puisqu'on a le choix de garder ou de donner chacun des éléments de ce butin. Or les plus précieux se destinent théoriquement à son Panopticon d'adoption, ce qui incite au détournement des ressources, synonyme d'années de servitude supplémentaires. Toutefois ces trésors aident aussi à accélérer l'avancée, en fabriquant un équipement plus élaboré grâce aux usines de production où travaillent les citoyens ralliés à sa cause. Sans s'étendre davantage sur la nature alambiquée du système d'artisanat ou des menus, il subsiste que l'évolution repose clairement sur la récolte de matériaux et le levelling de l'arsenal, une approche qui mène à enchaîner frénétiquement les missions. L'intrigue, pourtant si prometteuse, se dilue donc lentement au fil du temps, jusqu'à se retrouver au second plan, à l'instar des années de pénitence qui planent au dessus de la tête du héros, finalement pas si importantes. Idem pour la direction artistique, le character design s'effaçant derrière l'aspect générique des protagonistes. Et les formes assez classiques que prennent ces contributions à la prospérité du Panopticon soulignent encore cette nature répétitive.

Frappes chirurgicales

Entre celles vouées à l'extermination, à la conquête de territoires, à la délivrance de citoyens, à leur sauvegarde façon capture de drapeaux, ou à la protection de ses propres ravisseurs, les objectifs paraissent cependant suffisamment diversifiés. Hélas, la plupart de ces tâches consistent à éradiquer les opposants et à sauver leurs victimes, tandis que les rares phases d'infiltration font figure de hors sujet, en raison d'une intelligence artificielle inadaptée. Heureusement les ennemis, à défaut d'être variés, se montrent plus malins au combat, tout spécialement les ravisseurs. Ces énormes créatures sont ainsi dotées de patterns à la fois nombreux et méchamment retors, de sorte qu'une analyse de leur comportement devient vite cruciale. Car pour remporter la victoire, il faut élaborer une tactique visant à exploiter les points faibles de l'adversité, tout en se débarrassant de ses armes les plus dévastatrices. Le tronçonnage des points névralgiques s'inscrit fatalement dans cette démarche, de même que l'usage de techniques et d'un matériel adéquats. En plus des attaques chargées, il existe trois types de ronces distincts : le premier voué à l'agression par le biais de pièges, le second à la défense via la construction de herses, et le troisième qui permet de soigner ses camarades. Ces rôles appellent naturellement un travail collaboratif, idéalement entrepris avec d'autres joueurs.

Camaraderie belliqueuse

Bien que l'IA dirige les troupes de manière très correcte suivant les ordres donnés, il arrive un moment où l'aide de trois vrais cerveaux devient nécessaire, ou du moins salutaire pour poursuivre les opérations jusqu'au bout. Que les bleus se rassurent, la brutale hausse de difficulté tant décriée dans la version nippone n'est plus qu'un lointain souvenir, grâce aux mises à jour intervenues depuis. D'ailleurs, ce laps de temps a aussi été mis à profit pour réaliser une traduction en français, même si les doublages restent cantonnés au japonais. On ne saurait trop s'en plaindre à l'écoute des voix originales, contrairement aux quelques chutes de frame rate toujours d'actualité. Point de lag en revanche lors des parties en ligne, y compris dans les modes PVP qui peuvent accueillir jusqu'à huit participants. La véritable prouesse de Freedom Wars réside néanmoins dans l'intégration harmonieuse de cette dimension multi joueur, puisque les missions sont presque toutes accessibles en coopération. Cette recette éprouvée démontre une nouvelle fois son efficacité dans Freedom Wars, sans que cela ne suffise à pardonner la narration moins aboutie qu'escompté. Ici, on est juste libre de choisir la manière de se battre, comme le répète le mentor de l'équipe, les maps plutôt bien conçues mais peu nombreuses renforçant cette impression d'enfermement sans fin. En conclusion, seuls les guerriers stakhanovistes y trouveront leur compte.