Bidouiller avec le style Rogue-like en développement de jeu vidéo, c'est un peu comme jongler avec des bouteilles de nitroglycérine : il vaut mieux s'abstenir. Ceux qui s'y essayent tentent souvent une des deux approches : un titre fortement basé sur l'aléatoire, avec un gameplay assez simple et une sorte de level design sans-fin où il faut principalement faire du score, ou alors un titre avec une base de gameplay solide et un objectif clair, le tout mis à mal par des mécanismes instillant de l'aléatoire à plus ou moins haute dose. FTL fait partie de cette dernière catégorie par exemple, comme Dungeon of the Endless. Ce dernier propose un coeur de Tower Defense, avec une partie offensive dans le contrôle d'une équipe allant jusqu'à quatre héros, lié aussi à un peu de RPG ; sans oublier de la gestion de ressources. Ça fait beaucoup de bouteilles de nitro à équilibrer...

Bien profond

Tout commence par une bataille spatiale en orbite autour de la planète Auriga, légendaire berceau de la substance la plus convoitée dans l'univers Endless : la Brume. Vous faite partie des perdants et le crash de votre navette de secours vous enterre profondément sous la surface d'Auriga, dans un complexe Endless malfamé dont il faudra sortir en survivant à 12 étages de monstres en tout genre. "Vous", ce sont deux héros parmi une liste de personnages étranges aux personnalités et capacités bien différentes. Bon, au début, vous n'aurez le choix qu'entre quatre avatars mais en recrutant et en jouant au moins 3 étages, les personnages rencontrés en route, vous les débloquerez pour de nouvelle parties. En gagnant, vous obtiendrez aussi des navettes plus spécialisées pour orienter de futures aventures vers divers challenges. Dungeon of the Endless est le type de jeu qu'il faut essorer totalement.

Pitch Black sans Riddick

Encore faudra-t-il gagner une fois, ce qui n'est pas évident vu le nombre de choses qui peuvent mal tourner. Ne vous fiez pas à l'écran de sélection "facile" ou "trop facile", ce n'est qu'un gros troll de la part des développeurs d'Amplitude, qui ne manquent pas d'humour d'ailleurs, en ce qui concerne les descriptions des objets ou des persos. Votre duo de héros démarre dans la navette en feu. Vous ouvrez une porte, derrière se trouve une salle avec une à trois sorties. D'autres salles vous attendent, et plus vous progressez vers la surface, plus les niveaux seront grands. Le but est de trouver l'ascenseur qui vous mènera au niveau suivant, puis d'y apporter la source d'énergie de votre vaisseau pour vous enfuir. Cette dernière sert à éclairer les pièces que vous explorez, pour peu que vous ayez suffisamment de Brume. Cette importante ressource se trouve, ou pas, à chaque ouverture de porte, ou bien en tuant des monstres (avec un peu de chance). Il faut 10 points de Brume pour allumer une salle, sinon elle reste dans la pénombre. Or, à chaque porte ouverte, c'est-à-dire à chaque "tour", ce sont dans ces salles obscures (rien à voir avec un cinéma) que peuvent apparaître les monstres. Moins le plan de l'étage est éclairé, plus vous risquez gros.

Bâtir pour survivre

Les monstres en ont principalement envers votre source d'énergie, bien que certains soient spécialisés contre les héros eux-mêmes, ou contre les modules que vous bâtirez aux endroits prévus pour, afin de vous défendre. Ces derniers sont variés : attaques diverses, soutien en tout genre, défense des héros ou des autres modules, etc. La plupart sont des petits modules que l'on peut construire en plus ou moins grande quantité dans chaque pièce selon les emplacements disponibles. Bien étudier le type de monstres qui "poppent" à chaque niveau, pour y répondre avec une défense optimisée, est l'une des clés du succès, surtout à mi-parcours vers la surface. On trouve aussi des plots pour des modules majeurs, qui offrent des gros bonus à l'étage entier, mais on y construit le plus souvent des générateurs de ressources : production, science ou nourriture.

Les moyens du bord

La production sert à se payer des modules, il n'est donc pas rare de placer les générateurs adéquats en priorité. La science permet de débloquer de nouvelles technologies ou de les améliorer : il est bon d'en avoir une bonne réserve. La nourriture sert à recruter de nouveaux héros si on tombe dessus, à les soigner en urgence lors des combats, ou bien à leur faire gagner des niveaux, ce qui augmente leur stats et apporte de nouvelles compétences passives ou actives. Un autre moyen d'améliorer les héros consiste à les équiper, avec des objets trouvés dans les donjons, ou achetés à un marchand dont on se demande ce qu'il fout là, mais bon... Le paiement se fait d'ailleurs avec l'une des ressources, selon le marchand.

Allez, une dernière !

Avec tous ces éléments en main, la partie s'engage, non pas contre l'ordinateur, mais plutôt contre vous-même, comme c'est souvent le cas avec les Rogue-like de cette espèce. Vous êtes votre pire ennemi, vous et votre cupidité qui vous mènera tout droit à la faute irréparable. Le but est d'atteindre le niveau suivant, mais vous savez que la suite sera toujours plus difficile. Il faut donc écumer chaque niveau, même si la sortie est à portée de main, pour stocker des ressources, trouver des objets, gagner en puissance. Mais jusqu'à quel point ? A quel moment vous ouvrirez la porte de trop ? Il faut savoir parfois fuir pour combattre un autre jour et c'est la que la cupidité risque de vous précipiter en enfer. C'est aussi vrai dans le recrutement de l'équipe : quatre héros, c'est mieux que deux non ? Mais ils seront moins puissants à moins d'une grosse réserve de nourriture pour tous. De plus, micro-gérer cette équipe quand la situation tourne au vinaigre demande un sacré sang-froid et un skill de joueur de STR professionnel.

La faute à pas d'bol

Et plus vous vous améliorez, plus la difficulté augmente, car vous allez chercher à gagner avec des objectifs toujours plus complexes. Une première victoire vous demande déjà de réagir en permanence à ce que vous offre les mécanismes aléatoires du Rogue-like. Parmi les grosses décisions, vous aurez probablement à privilégier la qualité des héros contre vos capacités en modules (variété et puissance) par exemple, ou l'inverse. Si vous êtes confiant dans votre micro-gestion, peut-être pouvez-vous plus vous appuyer sur l'équipe que sur le tower defense ? Tout dépend de ce qui vous attend... Et lorsque vous chercherez à gagner avec un objectif fixé à l'avance, vous pourrez moins vous adapter, et vous n'aurez plus qu'à prier pour que tout se passe bien. Ce qui peut arriver ! Comme l'inverse peut arriver aussi. Parfois, la configuration de l'étage est atroce, le taux de Brume trouvée est nul, les artefacts de recherche scientifique sont absents... Tout se passe mal, et on n'a plus qu'à recommencer. Mais, on recommence... Encore, et encore.

Les quat'z'amis

Pour changer un peu, on peut aussi essayer le multi : une coopération à quatre joueurs qui modifie pas mal la donne pour peu que vous ayez des amis, ce qui n'est pas mon cas. Je n'ai vraiment qu'effleuré le sujet, mais cet aspect de Dungeon of the Endless a donné du fil à retordre à Amplitude, qui doit encore le peaufiner post-sortie. Comme tout bon jeu en coop', vous avez intérêt à bien vous entendre avec vos compagnons et communiquer clairement sur les situations en cours. Chaque héros possède sa spécialité. Certains sont en défense, d'autres en attaque. Parfois son perso est meilleur lorsqu'il est seul, d'autres doivent être groupés. Il y a aussi ceux qui restent en arrière pour s'occuper des modules... Il y a de quoi faire, mais quatre joueurs, c'est quatre fois plus de chance de paniquer quand le danger se fait trop oppressant, et c'est souvent là que tout bascule très rapidement. Le mod coop' mérite d'être essayé, mais vos amitiés seront mises à l'épreuve.

Clairement, Dungeon of the Endless est un jeu de niche : celle des masochistes. Il ressemble à FTL, mais il risque de faire plus grincer des dents, car sa base Tower Defense attire normalement des joueurs plus habitués à un équilibrage carré et propre des forces en jeu. C'est pourquoi il ne faut pas trop s'appesantir sur cet aspect. C'est aussi un RPG, mais aussi un peu de STR. C'est assez unique ! Le style 3D pixellisé est aussi une grande réussite et la prise en main est quasi parfaite (un peu de raté sur l'interface quand il s'agit d'équiper ses héros). La musique fera un peu "déjà entendu" pour les habitués d'Amplitude, mais elle n'en est pas moins agréable. On regrettera peut-être que les relations entre les personnages n'aient pas été plus poussées, avec plus de mini-histoires entre eux. Maintenant, je me demande s'il était nécessaire de le faire aussi difficile, mais au pire, s'il y a vraiment un problème qui ne soit pas mon incompétence à gagner ce jeu, je suis sûr qu'Amplitude corrigera le tir rapidement (les "boomers" me semblent un poil abusés tout de même). Au moins, la (bonne) frustration n'a pour l'instant pas terni ma volonté de vaincre Dungeon of the Endless.