Il convient de commencer ce texte en rassurant les plus anxieux. Ceux que la démo parue le 9 septembre dernier a échaudés. Vous pouvez oublier cette dernière. Bien que son fantôme, drapé d'un rythme frénétique et d'une tendance aux scores fleuves sans se fouler, plane parfois sur les pelouses de quelques rencontres, FIFA 15 en version finale est bel et bien un progrès par rapport à l'édition parue l'an passé. Reste à voir dans quelle mesure cela concerne le gameplay, sachant que c'est surtout la présentation, à l'image d'une interface et d'un menu d'équipe autrement plus clairs et effectifs, qui semble avoir bénéficié des bons soins d'EA Sports.

You'll never walk alone

Durant les différentes démonstrations depuis son annonce, ont été surtout mis en exergue des progrès sur l'expérience générale. L'authenticité, pour un titre déjà bardé de licences en tout genre, permettant de jouer avec des centaines d'équipes (dont on peut découvrir des statistiques comme le nombre de buts ou d'internationaux au moment de choisir) cela paraît évident. Et ça passe par des ajustements que les programmeurs ont jugé nécessaires. S'ils paraissent bénéficier avant tout à la partie cosmétique, on ne boudera clairement pas le résultat final. Des angles de caméra toujours plus nombreux, des ralentis qui montrent des animations et collisions bien retravaillées - la plupart du temps -, des modélisations qui, à quelques gabarits un peu "cartoon" près, font le job, des stades absolument magnifiques aux ambiances capables de nous coller des frissons, des salissures et des gazons qui s'érodent, des interactions entre joueurs à base d'encouragements ou de gestes d'énervement suivant les différentes actions, des commentaires qui, s'ils n'ont toujours pas été entièrement refondus bénéficient d'une bonne mise à jour avec toujours plus de descriptions et d'anecdotes sur les joueurs et équipes, des célébrations toujours au top : jamais un jeu de football n'a semblé aussi vivant et proche de la réalité dans ce qu'il propose à voir et à entendre. Point.

Hourra football

La question de l'enrobage passée, il faut alors s'attaquer aux sensations manette en mains. Je ne cesserai de le clamer pour chaque jeu de football : il ne peut y avoir de vérité totale sur la base de quelques échanges, qu'ils soient online ou offline, que l'on joue avec un club de Ligue 2 ou le Bayern Munich face à une tanche ou un professionnel. Globalement, le plaisir est là. La base est solide et son aménagement permet de proposer un jeu qui a du répondant. L'expérience se dose et se customise, jusqu'au FUMA réservé aux oufs-malades, comme il faut. On met à notre disposition une foule de mouvements individuels et de stratégies collectives (dont des corners encore plus riches de possibilités) ainsi qu'une intelligence artificielle qui, malgré quelques errances aussi irritantes que des téléscopages parfois hasardeux, assure l'essentiel en s'adaptant convenablement à nos desiderata à la volée, d'un jeu ultra défensif à une attaque à outrance. Et n'oublions pas les réactions du cuir, impeccables tant sur les passes que les frappes, avec une sensation d'indépendance assez bluffante et des dribbles souvent délicieux, aussi jouissifs que des passes millimétrées lorsqu'ils sont placés de façon adéquate. Accessible mais profond, FIFA 15 a préféré l'affinage à l'évolution. Et cela fonctionne.

Maradona good, Pelé excellent and George Best

Comme si une étrange force - ou un algorithme, peut-être - s'en mêlait, les matchs et leur qualité peuvent basculer sur des détails. Cela rappelle la Yougoslavie de Dragan Stojkovic : capable du pire et du meilleur. Un coup ce sera étonnamment fermé, posé, complexe, une autre fois les défenseurs se laisseront emmener par le moindre coup de rein, s'écarteront presque devant un attaquant qui aura déjà couru 80 mètres tout droit et les ballons fuseront de toutes parts vers la cage comme dans un remake de Fort Alamo. Il n'est pas inexact de dire qu'il y a une belle prime à l'attaque et au jeu direct, avec des une-deux et des passes en profondeur lobées qui font toujours autant de dégâts face à un système défensif parfois arbitraire. Parce que le spectacle prime sur le reste, trouver le bon tacle (debout avec la touche de tir ou glissé, avec celle de la passe en hauteur) et respecter un timing exact sans être immédiatement enrhumé par le possesseur du ballon, surtout lorsqu'il s'agit d'une mobylette à la souplesse irréprochable, est devenu une épreuve à part entière. Surtout que l'arbitre, déjà bien pénible à siffler les hors-jeu trois secondes trop tard et proposer mi-temps et fin de rencontre en pleine action, a la main lourde sur des contacts parfois anodins. Patience et longueur de temps nous diront si la courbe d'apprentissage se révèle en effet plus subtile qu'il n'y paraît et si le jeu aérien est effectivement moins abusé.

Il est déjà Neuer ?

Il fallait bien réserver une place importante à ce vers quoi la communication de l'éditeur nous a aiguillés ces derniers temps : les gardiens. On nous a expliqué à quel point ils étaient enfin dotés d'une intelligence propre, capables de réflexes de folie, d'un placement parfait en toute circonstance. Bref, on nous a vendus du rêve. Bah nom de Zeus, c'est vrai. Mais à un point qu'on n'imaginait guère. Imaginez la baraka de Tim Howard contre la Belgique cet été (record d'arrêts, et pas des dégueulasses, durant un match de Coupe du Monde) appliquée à tous les derniers remparts. Imaginez qu'à quelques exceptions - les tirs lointains, montrant qu'ils sont souvent trop avancés et prêts à des ruées à la Neuer, et les chandelles au milieu d'une foule de millionnaires en short - ils parviennent à sortir des parades plus folles les unes que les autres et qui, en sus, envoient le cuir dans une direction surprenante. Imaginez que vous avez affaire à des murs qui bouchent leur angle et usent de leurs membres avec fermeté. D'un coup, tout le travail accompli pour parvenir à ses fins s'avère injustement démoli. Bon point ou plaie, à votre convenance. J'aurais tendance à trouver cela plus plausible qu'un homme de paille qui reste couché et repousse automatiquement dans les pieds adverses de manière systématique. Ajoutez à cela que cadrer n'est plus garanti dans toutes les conditions, vous obtenez quelque chose qui tend vers l'imprévisible. Comme la réalité.

Hannibal, Looping, Barracuda et FUT

Le contenu, quant à lui, ne connaît aucun chamboulement. Juste des petites touches pour justifier le changement de chiffre sur la jaquette. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de quoi passer des heures sur sa console seul ou entre potes. On trouve des mini-jeux d'entraînement impeccables pour se faire la main, un mode Saison en ligne (rappel : il faut un abonnement PS Plus ou Xbox Live Gold) en solo ou en duo toujours aussi addictif, le droit de suivre les infos concernant son club favori en temps réel grâce à Journée en direct, alimenté par Goal.com, et le représenter à chaque journée importante, un mode Carrière qui dispose d'un outil de recherche amélioré, un Ultimate Team qui se contente d'un système de prêt pour découvrir immédiatement un des 12.000 joueurs qui vous aurait tapé dans l'oeil et d'un mode amical, et toujours ce mode Be a Pro qui autorise à incarner un joueur seul parmi 22 présents sur le terrain. Vous l'aurez compris, le dépaysement n'était pas forcément à l'ordre du jour. Mais qui risque de s'ennuyer avec tout ça ?

On dira de FIFA 15 qu'il est un paresseux. La réalité, c'est que même si l'accent a été mis sur l'habillage et la "transmission d'émotions" plus que sur un bouleversement du gameplay, ce dernier procure toujours, grâce à de nombreuses touches, d'excellentes sensations - quand bien même certains affrontements tournent vite au cauchemar avec la sensation qu'on a mis les 22 acteurs sur 10.000 volts. L'herbe du jeu d'Electronic Arts est donc suffisamment verte pour qu'un fan de football la foule sans se poser trop de questions. Mais attention : celle du voisin pourrait avoir repris quelques couleurs. Il faudra sûrement songer à vite appliquer de l'engrais. Très vite.