Bien que la taille de Soul Sacrifice Delta (1,2 Go de plus) écarte d'emblée l'hypothèse d'une petite extension, ce stand-alone se montre quasiment identique à son prédécesseur, du moins sur le plan technique à une touche d'anti-aliasing près. D'ailleurs, ceux qui n'auraient pas encore goûté à Soul Sacrifice ou qui voudraient se rafraîchir la mémoire sont fortement invités à jeter un coup d'oeil à son test, la plupart des principes n'ayant pas changé non plus. Cet opus débute ainsi exactement de la même manière, avec un combat dantesque aux côtés de l'énigmatique Magusar en guise de préambule. S'ensuit l'épreuve du sorcier en compagnie de Sortiara, l'évènement fondateur de cette épopée. Votre serviteur n'a pourtant pas pu s'empêcher de revivre ces instants tragiques, et pas seulement par acquis de conscience. Ni pour le plaisir de se faire du mal, quoique Soul Sacrifice suppose d'avoir un certain pour goût la souffrance afin d'être apprécié. L'explication se trouve simplement dans l'émotion que suscite le récit, conté au fil des pages du maléfique Librom par le biais d'illustrations délicatement animées et de voix littéralement habitées. Un tel brio dans la narration demeure vraiment époustouflant, qu'il s'agisse des dialogues (voire des monologues) entre chaque chapitre, ou de l'incroyable volume de savoirs qui forment la mythologie de cet univers, fort bien écrits en prime. Les vétérans de Soul Sacrifice peuvent toutefois s'affranchir de ces redites, puisque Soul Sacrifice Delta propose immédiatement d'importer la sauvegarde du précédent volet.

Mémoire sélective

On récupère ainsi son personnage avec ses offrandes, ses essences d'âmes et de vie, sa réserve de Lacrima, ses rites obscurs et ses vêtements, sans oublier ses runes qui réapparaissent un peu plus tard. Idem pour les alliés, les pactes et les chapitres des annales des fous que l'on a déjà achevés. En revanche, la somme des niveaux de vie et de magie est remise à zéro, même si des rumeurs généreusement offertes en compensation aident à reprendre rapidement du galon. Cela permet de se lancer immédiatement dans les nouveaux actes de Delta, en particulier le bien nommé Grim, avec son atmosphère intrigante et ses personnages tirés des contes des frères Grimm. Auparavant, il fallait suivre la sombre voie du sorcier d'Avalon, la décision de sacrifier ou d'épargner n'influant que sur l'accès à certains chapitre et la survie des compagnons. Delta ajoute un choix supplémentaire, celui de laisser faire la destinée, avec des bonus de chance à la clé, tandis que la magie et la vie augmentent équitablement. Il en résulte donc trois alignements distincts qui constituent aussi les trois actes principaux de cet opus : la quête rédemptrice du Sanctuarium, la croisade sacrificielle d'Avalon et la neutralité hasardeuse de Grim. A priori, ces trois factions auraient pu s'appeler le bon, la brute et le truand, cependant les différences de moralité qui en découlent ne tardent pas à devenir moins évidentes chemin faisant, de même que les frontières entre ces philosophies s'effacent à mesure qu'elles dévoilent leurs facettes les plus extrêmes.

Grim Reaper

Le fait que ces approches distinctes soient incarnées concrètement par des factions leur donne une véritable consistance scénaristique, et vice-versa dans la mesure où ces actes servent à développer le background de certains protagonistes et des composantes du monde de Soul Sacrifice. De quoi mieux appréhender sa richesse phénoménale, qui se traduit également sur le terrain. Tout d'abord, la méthode de régénération des offrandes (et les éventuelles récompenses) dépend dorénavant de la faction : un adepte d'Avalon les restaure par le sacrifice, un membre du Sanctuarium par le salut, et un Grim par la destinée, sachant qu'on a loisir de changer de faction moyennant quelques précieuses gouttes de Lacrima. Cette diversité accrue se manifeste aussi à travers le surplus de rites obscurs, de runes et surtout d'offrandes. Outre l'ajout d'un quatrième niveau (plus puissant mais à l'usure plus rapide), celles-ci ont vu leur nombre augmenter considérablement, passant souvent du simple au double. Les possibilités de configuration s'en trouvent décuplées, en dépit des limitations introduites par type pour éviter les abus. D'autant que davantage de sorts fonctionnent dorénavant en combinaison. Il est par conséquent fort pratique qu'un registre, l'Ars Magica, répertorie l'ensemble des offrandes collectées, ou même observées, cette liste renvoyant directement aux chapitres dans lesquels on peut les obtenir. Car évidemment, l'adversité s'est renforcée en parallèle, de sorte que l'on a bien besoin de cet arsenal étendu pour élaborer de nouvelles tactiques à même de dompter ces terribles bestioles.

Éternel recommencement

Non pas que les ennemis de base se soient multipliés, en revanche la poignée de Boss inédits donnent potentiellement du fil à retordre selon le degré de difficulté, sans parler des trente étages du Dédale d'Alice. Dans les deux cas, l'aide d'alliés à l'IA sensiblement améliorée se révèle encore vitale, ou fatale, a fortiori lorsqu'ils sont en chair et en os. Delta conserve évidemment un fabuleux mode coopératif en réseau local et en ligne, où chacun décide librement du sort de ses compagnons. Cette dimension sociale s'élargit par l'intermédiaire d'une taverne, un lieu voué essentiellement au recueil de rumeurs et accessoirement à la contemplation l'équilibre entre les factions ou à l'étalage de ses exploits via Twitter. A noter que les options pour customiser son personnage ont été nettement étoffées dans Delta, afin de réduire la probabilité de batailler aux côtés de clones. Malgré tout, le concept de Soul Sacrifice reste par nature très répétitif, et les missions plus ou moins neuves façonnées à partir du cheptel d'abominations inédites ne suffisent pas à bouleverser le programme. En effet, l'objectif se résume toujours à casser du monstre, exception faite des anecdotiques missions d'exploration. Les nouvelles arènes apportent néanmoins un peu de dépaysement, à l'instar des éléments dynamiques qui viennent légèrement pimenter les hostilités. Mais aussi efficace soit la formule, on a l'impression qu'elle manque encore d'espace pour mieux s'exprimer, ce qui ressent sur la gestion de caméra dans les environnements exigus. Ce souci perdure dans Delta, tout comme les écueils dûs au double rôle des gâchettes, sans que cela n'altère l'intérêt de Soul Sacrifice. La durée de vie s'avère toujours absolument effarante, qui plus est avec l'addition des pages blanches, un générateur de quêtes aléatoires créées au prix du sacrifice d'offrandes. Sans doute une façon de rappeler le message de la saga, dans l'hypothèse qu'elle s'achève ici : c'est à nous d'en écrire le futur.