Les premiers pas de Mario sur le green ne datent pas d'hier, puisqu'ils remontent à l'ère de la NES. Une vieille histoire, comme semble le rappeler l'incursion d'une balle de golf au sein d'extraits de Super Mario Bros. lors des brefs intermèdes de chargement dans cet opus 3DS. Néanmoins, notre célèbre plombier a du attendre jusqu'en 1999 pour se faire un nom sur la scène golfique internationale, une fois placé sous la houlette de Camelot Software Planning. Ce studio à l'origine des Shining Force venait alors de couper les ponts avec Sega et de lancer un jeu phénomène, Minna no Golf (alias Everybody's Golf sous nos contrées), écoulé à deux millions d'exemplaires sur PlayStation. Autant de bonnes raisons pour que Nintendo s'assure les services exclusifs de Camelot... Mario Golf 64 n'est ainsi qu'une déclinaison moustachue d'Everybody's Golf, dont s'occupe encore brillamment Clap Hanz, un studio fondé par d'ex-membres phares de Camelot avec l'aide de Sony, afin de poursuivre la franchise sur ses consoles. Bien que ces deux séries partagent le même moteur physique et un esprit résolument axé sur le fun, elles ont ensuite emprunté chacune leur propre route.

Rivalité congénitale

Faute de pouvoir compter sur de véritables vedettes, à l'exception d'invités ponctuels, Everybody's Golf s'est focalisé sur un contenu sans cesse plus complet, qu'il s'agisse du nombre de parcours, de personnages ou d'objets de customisation, le tout selon une philosophie sensiblement plus réaliste illustrée par l'intégration de méthodes de contrôle alternatives. A l'inverse, Mario Golf a gardé le même système de jauges et s'est appuyé sur son casting de héros populaires pour cultiver un style plus caricatural. En témoignent les coups parfois fantaisistes de nos sportifs occasionnels, les éléments familiers issus du Royaume Champignon qui parsèment certains décors, sans oublier les mini jeux et les modes aventure hérités du glorieux passé de Camelot dans le domaine du RPG. Ceux-ci ont d'ailleurs introduit d'intéressantes options de communication via le câble Link, le Transfer Pack et les modules sans fil. La saga a même exploité le Mobile System GB (un service d'échange de données via GSM confiné au Japon), sous l'appellation Mobile Golf. C'est pourtant Everybody's Golf qui a tenté en premier l'expérience d'un vrai mode en ligne dès 2004, l'année de lancement du dernier opus de Mario Golf... jusqu'à aujourd'hui.

La vieille école ?

Sans s'appesantir sur la politique encore très locale de Nintendo à l'époque, ni sur la brouille avec Camelot qui explique ce long hiatus (et un certain We Love Golf ! édité chez Capcom), on peut se demander si Mario Golf a su évoluer suffisamment depuis. Après tout, la principale avancée entre les deux duos d'épisodes (Nintendo 64-Game Boy et GameCube-GBA) était d'ordre technologique, ce manque d'innovation constituant l'un des rares griefs émis à leur égard. Or de prime abord, World Tour donne justement le sentiment de se reposer sur ses acquis, à commencer par sa liste de modes. D'un côté, on retrouve le sempiternel programme de Mario Golf avec son panel de sous-modes en solo et versus (Stroke Play, Match Play, Speed Golf, Jeu à points, défis de pièces et d'anneaux) ainsi que les tournois. De l'autre réside le Club du Château, qui ressemble fortement à celui du mode aventure des précédentes itérations portables et dont l'accès est réservé aux personnages que l'on crée soi-même, des Mii en l'occurrence. La présence de ces derniers et l'ouverture en ligne des parties annonce clairement la couleur - en fait bien moins classique qu'il n'y paraît lorsque l'on foule le gazon du premier parcours.

Touchy golf

Il faut dire que les bases du gameplay n'ont quasiment pas changé : Une jauge sert à déterminer successivement la puissance et le timing du coup avec les boutons, le point d'impact se modifiant par le biais du stick ou de la croix en parallèle. Les débutants peuvent toujours avoir recours au swing automatique, dorénavant activable sur l'écran tactile. Cette assistance permet d'éviter les grosses erreurs, mais elle empêche d'imprimer des effets et de profiter d'une précision optimale, tous deux cruciaux à terme. World Tour propose aussi une nouvelle configuration tactile, avec une jauge circulaire autour de la balle. Plus intuitive, cette méthode se résume finalement à une représentation différente du système habituel, loin de l'approche plus tangible d'un Touch Golf (ou d'autres simulations qui usent du swing analogique). Surtout que la fonction du gyroscope se limite sagement à incliner la caméra, tandis que la 3D auto stéréoscopique améliore à peine l'appréciation des reliefs. Le gameplay de ce Mario Golf, quoique plus arcade qu'Everybody's Golf, n'en demeure pas moins subtil et procure une étonnante sensation de toucher de balle dès lors qu'on le maîtrise. Grâce à cette continuité, on retrouve vite ses marques, au point d'en avoir une impression de déjà vu.

Classic Tour

A priori, World Tour rappelle beaucoup Toadstool Tour sur GameCube, sans atteindre pour autant le même niveau de qualité graphique. Des détails tels que les brins d'herbe ou les branches des arbres ondulant au gré du vent ont notamment disparu. Et pour cause, cet opus 3DS ne cherche plus à obtenir un quelconque photo réalisme, mais à assumer davantage son aspect cartoon. Certains y verront une démarche légèrement rétrograde, toutefois elle permet d'intégrer les éléments issus de l'univers du plombier moustachu plus harmonieusement dans le décor. Alors que les premiers parcours de Toadstool Tour n'avaient pas l'air d'appartenir au Royaume Champignon, ceux de World Tour nous propulsent immédiatement dans ce monde imaginaire. Rien d'étonnant par conséquent à ce qu'ils comportent des pièges plus ou moins délirants et encore plus nombreux que par le passé, comme la végétation aérienne très dense du parc de Wiggler ou les totems hurleurs chez Donkey Kong. Les parcours du Club se veulent cependant plus traditionalistes, pour le plus grand plaisir des puristes, 18 trous oblige. C'est donc dans les autres par(cour)s à thème, cantonnés à 9 trous chacun, que s'exprime l'excentricité de World Tour, là où Everybody's Golf s'évertue à transformer le green en champ de patates pour épicer les choses.

Power-Putts

Tout d'abord, les éléments interactifs jouent tantôt le rôle d'obstacle, tantôt celui de coup de pouce. Par exemple, les accélérateurs placés sur le sol du Jardin Peach viennent allonger considérablement la course de la balle, mais sont aussi susceptibles de l'envoyer vers des bunkers en fonction de sa trajectoire. En outre, les paramètres environnementaux sont quelquefois altérés par d'autres phénomènes que la météo, tout particulièrement dans le lagon Cheep-Cheep, qui nous plonge en milieu sous-marin. Enfin World Tour va même jusqu'à bouleverser les lois de la physique, avec les Power-Ups. Il suffit de regarder une balle rebondir sur l'eau gelée grâce à une fleur de glace, traverser le feuillage avec une fleur de feu ou foncer en ligne droite tel un missile sous la forme d'une Bill Balle pour comprendre le potentiel immense de ces objets. Et le design des parcours a été ingénieusement pensé pour incorporer cet arsenal, comme le soulignent à merveille les défis. La recherche de la manoeuvre idéale pour passer à travers une série d'anneaux ou glaner des pièces suscitait déjà de sympathiques casse-tête, si bien que l'usage de ces outils rend l'exercice franchement passionnant. Évidemment, ces coups spéciaux optionnels s'appliquent également aux parties à plusieurs.

La vie de château

Le multi joueur local reprend à la lettre le menu des précédents opus, en premier lieu l'obligation de disposer d'une cartouche par joueur. On sera de fait naturellement poussé vers la dimension en ligne, mais avant cela, mieux vaut passer un peu de temps au Club du château, ne serait-ce que pour obtenir un handicap. Il s'agit d'une sorte de classement que connaissent bien les amateurs de golf, et qui évalue le niveau d'un joueur suivant sa capacité à s'approcher ou à faire mieux que le par. Une fois son Mii choisi, on débarque comme de coutume à l'entrée du Club, au son des fastueuses musiques de l'irremplaçable Motoi Sakuraba. Seulement cette fois, il n'y a plus de scénario pour rythmer la carrière de notre champion en herbe. On peut donc librement arpenter les lieux, papoter (ou pas) avec les autres membres, et décider de participer aux compétitions, aux entraînements ou même aux épreuves d'initiation, fortement conseillées aux néophytes. Il ne faudra malgré tout guère longtemps aux vétérans pour remporter les trois tournois principaux, un peu plus pour venir à bout de l'île Céleste (9 birdies à enchaîner sur des par 3, éventuellement à l'aide de coûteux mulligans). Ensuite, l'intérêt de ce Club se réduit aux challenges du jardin royal pour décrocher des costumes, et à l'achat de matériel, le stock de la boutique s'étoffant au fil de la progression.

Tee party

Autrement dit il n'y a plus d'XPs, uniquement des pièces à amasser histoire de s'offrir un meilleur équipement. Les clubs, les balles et les vêtements influent ainsi à la fois sur le look et les aptitudes du Mii, y compris son type de swing. Cela va de soi, cette facette RPG quelque peu tronquée ne sert désormais que de préparation aux parties en ligne, et le Club de lobby pour faire la connaissance de joueurs croisés par l'intermédiaire du StreetPass. On a loisir d'organiser des sessions entre amis ou en compagnie de communautés de golfeurs virtuels regroupés par région et handicap, sans avoir besoin de codes amis. Ces parties offrent la même variété de modes et d'options qu'en réseau local, pour une durée de vie déjà énorme en perspective. Honnêtement, qui aurait cru qu'une discipline si individualiste engendre une telle convivialité ? Il est néanmoins possible de créer des tournois privés dans lesquels on peut également définir les règles de son choix, en particulier de n'être accessibles qu'avec un code, ce qui restreint du même coup les invités à son cercle de relation. Une autre manière en somme d'interpréter la tendance plutôt élitiste de ce sport très "select". D'ailleurs les véritables compétiteurs ne tarderont pas à s'inscrire aux tournois mondiaux, afin de se mesurer aux as de l'eagle de la planète tout entière.

World Class

Qu'il s'agisse de championnats récurrents ou d'évènements ponctuels, le SpotPass est mis à contribution pour informer les candidats potentiels de l'agenda. Les vainqueurs ont bien sûr droit à une belle cérémonie de remise des prix et une quantité non négligeable de pièces, mais tous les participants sont récompensés par des objets uniques dans le cadre des manifestations spécifiques, des lots indubitablement motivants. Dans tous les cas, cette dimension en ligne ô combien attendue s'avère à la hauteur, faute de briller pour son originalité. En faisant abstraction des contraintes de temps - le Speed Golf restant un concept complètement antinomique pour votre serviteur - le déroulement en différé des tournois s'impose comme l'une des meilleures formules multi joueur compétitives. Ce décalage temporel limite en effet les soucis de lag et de triche qui vont si souvent de pair avec ce genre d'expérience, a fortiori quand les joueurs sont en concurrence. Pour preuve, il a toujours régné un bon esprit au sein de la communauté d'Everybody's Golf, bâtie sur des fondations identiques. World Tour s'en inspire également pour les DLC, une stratégie commerciale que d'aucuns critiqueront certainement. Le timing, étalé sur deux moins après le lancement, est assez discutable, vu que ces éléments auraient probablement pu être inclus d'emblée. En revanche il faut admettre que la teneur de ces DLC se révèle pour le moins substantielle, avec six parcours de 18 trous et trois personnages jouables (sans compter les bonus du season pass). Et comme cet opus dispose d'un contenu aussi fourni que ses prédécesseurs sans ces DLC (quatre 18 trous et six 9 trous), on peut comprendre que Mario Golf se soit soumis à cette habitude contemporaine. Une approche un peu maladroite qui constitue sans doute la seule touche de modernité dont on aurait préféré qu'il se dispense, tant ce World Tour a par ailleurs démontré qu'il ne manquait ni d'audace, ni de fair play.