Tous les ans, le joyeux royaume d'Excellia procède à la grande épuration des forces les moins vives de la nation. Pour la santé et l'équilibre économique du pays, on rassemble les mauvaises graines, les nuls, les irrécupérables, et on les... Non, on ne les élimine pas, les excelliens ne sont pas des sauvages. On les expédie simplement loin d'Excellia. Très loin. Forcément, ils se perdent un peu en route, et c'est donc une poignée de ces paumés, les pires des pires, des abrutis finis incapables de prendre une décision par eux-mêmes, que l'on doit prendre sous son aile. Si on les laissait faire, ils crèveraient de soif à côté d'un lac, le cul posé sur l'herbe. Oui, c'est cette joyeuse bande de ploucs que vous allez devoir faire survivre et prospérer... Ce n'est pas gagné.

Au boulot les déchets

Banished est donc un jeu de gestion de gentils parasites qu'il faudra nourrir, loger, chauffer et protéger. Vous pourrez faire en sorte qu'ils soient aussi un peu éduqués (point trop n'en faut) et heureux (même les plus simples d'esprit peuvent connaître le doute), mais n'espérez pas accomplir de grands desseins. Ça sera déjà assez compliqué d'assurer leur survie et celle de leur descendance. Car ces bougres se reproduisent en plus !

En revanche, l'avantage d'avoir cette main d'oeuvre incompétente, c'est qu'elle est multitâche. Si vous avez besoin de fermiers, vous déterminez le nombre de travailleurs que vous collerez aux champs, aux vergers ou aux pâturages. Si tout d'un coup il vous faut un mineur, rien ne vous empêche de bouger, de refiler une pioche à l'un des bouseux. Ils savent tout faire. Remarquez, c'est souvent l'inverse : la production de nourriture est prioritaire, vient en suite le bois pour l'hiver, puis la pierre pour les maisons et les routes. Les chasseurs rapportent de la viande et du cuir, pour faire des manteaux qui doivent constamment être renouvelés, tout comme les outils fabriqués par le ou les forgerons, et qui requièrent du fer.

Un peu de fraking aussi ?

Bois, pierre, fer... Ces ressources se trouvent facilement, en quantité limitée, un peu partout sur la carte. Les arbres repoussent assez vite, surtout si vous implémentez des forestiers. Mais rapidement, il faudra ouvrir une carrière pour la pierre et des mines pour le fer (et le charbon, quand vous êtes prêt à manier l'acier). Cela pose le problème de l'organisation du terrain. Il faut consacrer un espace où développer une sorte de bourg, où l'on construira une place du marché, la mairie (pour un bonus de stats), des écoles (les ouvriers éduqués sont plus productifs), un hôpital qui utilise les herbes médicinales, ou encore une église pour faire joli et occuper le peuple le dimanche. Entretenir les forêts demande de la place, alors on couple avec les herboristes, les chasseurs, les cueilleurs... Quant à l'agriculture, je ne vous en parle même pas.

Cadastres exquis

Ces activités éloignées du centre demandent que l'on construise quelques maisons « à la campagne », mais la composition des familles n'aide pas toujours à l'optimisation des allées et venues. Les déplacements sont importants : il suffit qu'une grange soit un peu trop loin des champs pour qu'un hiver (parfois précoce) lâche de la neige sur une culture pas encore totalement récoltée et c'est un gâchis très dangereux pour la communauté. En gros, avec un peu d'expérience, une partie de Banished démarre par deux heures d'étude de la carte proposée et de planification de l'urbanisation.

Cinq fruits et légumes par jour

Ensuite, il suffit de rester zen, de ne pas céder aux dépenses inconsidérées et de croitre méthodiquement. Un très bon gestionnaire qui connaît un peu les mécanismes du jeu pourra distribuer idéalement les ressources humaines pour obtenir une croissance tranquille. Il faut aussi savoir produire un surplus pour avoir de quoi échanger à votre comptoir commercial. Un marchand arrive de temps en temps, histoire de vous permettre de pallier une déficience dans votre gestion.

Mais on espérera surtout lui acheter - très cher - les plus grandes richesses de Banished : les graines et le bétail. Même si vous n'avez besoin que de deux poulets pour démarrer une basse-cour digne de KFC (non, on ne détaille pas les sexes des animaux, ce n'est pas Dwarf Fortress...), il faut tout de même se les payer ! Et votre tribu, qui débarque avec au maximum deux types de semences, devra économiser dur pour en obtenir plus. Pour diverses raisons (santé, bonheur, sécurité), il est bon d'avoir de la variété dans l'alimentation de vous ouailles !

Plein de mauvaises ondes

Pour une progression sans faille, tous les choix comptent, tous ces chiffres doivent être manipulés avec soin. N'importe quelle grosse décision, comme un achat conséquent, où le placement d'une nouvelle zone agricole, ou encore la très risquée acceptation ou non d'un groupe de migrants, est l'équivalent de jeter un pavé dans une mare difficilement calme. Mieux vaut être prêt à gérer toutes les ondes en résultant, de la plus grande vague à la plus petite, qui vous reviendra dans la tronche avec les intérêts.

Et si vous êtes bons à ce petit jeu, eh bien... Il reste les catastrophes naturelles : épidémies, invasions d'insectes, tornades, incendies... Là, il faut être un vrai pro en damage control et en gestion de crise pour stabiliser votre communauté et repartir du bon pied. Sinon, ça peut partir en spirale : perte de moral, folie, suicides d'un côté, famines ou hivers mortels de l'autre. C'est qu'on s'y attache à ces couillons...

Le socle de la civilisation

En l'état, il y a une certaine pureté du gameplay dans Banished qui est attirante. Cela limite aussi son intérêt à long terme, sauf si l'unique développeur étoffe son jeu par la suite. On ne peut pas s'empêcher à rêver à plus de profondeur. Peut être plus de roleplay, avec des citoyens moins interchangeables. Plus de hiérarchie ? Mais d'abord, il reste quelques bugs et problèmes à régler, dans l'IA (le comportement face aux catastrophes naturelles) ou dans certains mécanismes : la possession des maisons par les couples, les conditions pour faire des enfants, etc. On aimerait plus d'options pour mieux gérer les priorités, l'utilisation des ressources ou leur stockage par exemple.

Du boulot, il en reste. Mais en l'état, Banished débarque sur nos PC comme un mignon petit jeu stratégique, plein de charme et facile à prendre en main. Derrière cette façade bucolique se cache une pluie de chiffres à la Matrix à surveiller en permanence. N'espérez donc pas vous détendre en admirant le paysage : la tension est palpable saison après saison. Un bon titre de gestion, pas tout à fait comme The Settlers ni comme Anno, mais qui pose des bases intéressantes. Un autre kickstarter pour le faire grandir ?