Alors que Halo est le maitre-étalon des FPS du côté de chez Microsoft, c'est la saga des Killzone, et son gameplay très viscéral, qui règne en maitre chez Sony. Rien d'étonnant donc à voir débarquer Killzone : Shadow Fall au lancement de la PlayStation 4. Mais avant de rentrer dans les détails, penchons-nous donc sur l'histoire et la narration de ce nouveau volet futuriste.

Le mur des lamentations

La guerre contre les Helghasts fait rage depuis le premier épisode de la série et, si nous suivions les pérégrinations de l'unité Alpha depuis Killzone 2, Killzone : Shadow Fall nous emmène pour sa part 30 ans après Killzone 3. Ravagée, la planète des Helghasts est désertée et c'est sur Vecta que les survivants sont venus s'installer. Partageant leur nouveau territoire avec les habitants locaux, les Helghasts sont séparés des Vectans par un gigantesque mur. Les tensions entre les deux peuplades sont palpables dès le début de l'aventure, ce qui nous rappelle les plus sombres moments de l'histoire... humaine. Passage d'un camp à l'autre, tueries dans les quartiers pour que chacun reste à sa place, déportations, etc., sont autant d'éléments qui donnent une véritable "crédibilité" à l'univers de ce nouvel opus, d'autant que le tout est raconté par l'intermédiaire de cinématiques offrant généralement une narration plutôt convaincante.

Grâce à une réalisation de haute volée, mais pas irréprochable, Shadow Fall impressionne. Son univers sombre et pesant parvient sans mal à nous happer dans l'histoire d'un Shadow Marshall de Vecta qui tente de lutter contre l'instinct de domination Helghast. Malgré un début d'aventure un peu lent, on rentre finalement facilement dans l'histoire de Lucas Kellan, un orphelin Vectan déporté de son quartier suite à l'arrivée de Helghasts. Ce dernier va grandir sous l'aile de Sinclair, son mentor et ami, Shadow Marshall de son état, en profitant de son expérience avant de devenir lui aussi un représentant de la Loi. Mais comme l'indique leur nom, les Shadow Marshall sont des investigateurs de l'ombre, et c'est ce qui explique pourquoi Shadow Fall sera légèrement différent des autres épisodes de la série.

Un Killzone tactique ?

Que les amateurs de la série se rassurent : ce Killzone next-gen conserve sa touche un peu arcade, avec ses affrontements violents et sa jouabilité toujours lourde (même si elle l'est un peu moins que dans les épisodes précédents). D'ailleurs, Shadow Fall se révèle finalement un peu plus subtil que ses prédécesseurs... Lucas peut en effet souvent aborder les missions de deux manières distinctes : en infiltration ou en sortant immédiatement les armes. Un choix tactique qui est complété par l'ajout d'un drone de combat capable de réaliser plusieurs actions en jeu (une direction sur le pavé tactile pour choisir une action précise sur le menu radial + touche L1 pour la déclencher). Il peut ainsi attaquer les Helghasts de front et les occuper, déployer une tyrolienne pour déplacer rapidement Lucas vers le bas, poser un bouclier pour encaisser les tirs, et enfin déclencher un EMP près des ennemis pour les étourdir temporairement.

Quatre possibilités qui autorisent de nombreuses approches. Notons par ailleurs qu'il sait aussi pirater les ordinateurs et les alarmes afin d'éviter que les renforts ne viennent corser des affrontements déjà particulièrement ardus. Autre outil qui a son importance : le scanner. En appuyant à droite sur la croix directionnelle, on déclenche une sphère autour de Lucas qui s'étend tant qu'on maintient la commande. Celle-ci va détecter les ennemis autour de nous et nous permettre ainsi de les voir temporairement à travers les murs. Mais attention, si on ne relâche pas la commande à temps (2 à 3 secondes), on sera alors repéré par nos adversaires. Là encore, il s'agit d'un outil tactique utilisable en infiltration, comme en combat, pour lancer des stratégies avec le drone ou mieux se placer avant/pendant une rixe.

Mais les changements dans Shadow Fall ne s'arrêtent pas là. En effet, contrairement à beaucoup de FPS de la génération précédente, il faut utiliser des packs de soins pour remonter sa santé au maximum et profiter, de surcroit, d'un boost d'adrénaline qui va augmenter la précision des tirs pendant un court laps de temps. Dans les faits, le temps se ralentit lorsque vous tirez, ce qui permet d'être plus efficace. Cet effet est court donc et il faudra l'utiliser au bon moment en combat pour prendre l'ascendant. On termine enfin avec l'utilisation du couteau pour le corps-à-corps (en combat ou en infiltration), qui offre des mises à mort toujours aussi viscérales, tout en soulignant qu'une large panoplie d'armes futuristes est disponible et que certaines d'entre-elles proposent deux types de tirs différents (fusil sniper, lance-grenades, mitrailleuses légères et lourdes, tirs cadencés, etc.). Voilà, vous connaissez désormais tout l'attirail mis à votre disposition, mais voyons maintenant comment tout cela fonctionne en jeu...

Pas si tactique que ça

Tant que vous n'êtes pas détecté, vous pouvez continuer à jouer en infiltration et égorger vos ennemis en les attaquants par derrière. Le scanner permet d'ailleurs de bien préparer ses stratégies et on prend un malin plaisir à explorer les quelques niveaux ouverts, d'autant que même ceux qui sont fermés proposent souvent des routes alternatives. Rien de gigantesque cependant, mais on pourra tout de même emprunter, par exemple, une gaine d'aération plutôt que le couloir principal pour arriver dans la même zone. Un choix qui autorise une fois encore quelques actions tactiques... Néanmoins, et malgré les possibilités offertes par notre drone de combat, il faut avouer que celui-ci est extrêmement capricieux. D'abord on ne peut pas vraiment utiliser la tyrolienne où on le souhaite. En effet, les développeurs ont prévu que ce ne serait possible qu'à certains endroits. Ensuite, le drone fonce sur vos ennemis uniquement s'ils sont dans votre champ de vision... C'est logique, sauf que grâce au scanner on peut les voir à travers les murs. Quoi de plus frustrant alors de constater que le drone se place parfois devant un mur (sans rien faire) plutôt que le contourner pour engager un Helghast ! Cela est d'autant plus gênant lorsque l'on comprend que nos adversaires sont extrêmement résistants et que leurs tirs, surtout pour les renforts en fait, font particulièrement mal.

Même si ces situations énervent, elles sont finalement assez rares et le drone fonctionne correctement dans la plupart des cas. Et il faut avouer qu'il est particulièrement utile ! Dès qu'il se matérialise à l'écran pour attaquer, les Helghasts sont alors irrésistiblement attirés vers lui, comme des moustiques sur une source lumineuse... Et c'est extrêmement pratique puisque vous avez alors tout le loisir de les abattre dans le dos. Heureusement, certains ennemis ne vous oublient pas pour autant (très peu mais quand même...) et nécessitent donc des stratégies différentes pour être vaincus. On retrouve une nouvelle fois cette notion de stratégie dans les rixes mais attention tout de même : le drone n'est pas invulnérable et il faut attendre qu'il se recharge lorsqu'il a été abattu ou que vous avez trop usé de certaines de ses capacités. Bref, si on parle de notions tactiques, une nouvelles fois, on regrettera que les ennemis ne soient finalement pas très malins et qu'ils se laissent trop souvent duper par le drone. En gros, l'I.A révolutionnaire qu'on nous avait promise n'est là qu'en de très rares occasions (certains ennemis ne s'exposent pas si la situation n'est pas à leur avantage, d'autres se replient pour revenir plus tard afin de ne pas tomber bêtement sous vos balles), la plupart des Helghasts vous fonçant dessus et compensant leur manque de finesse par leur nombre, leurs armes et leur endurance. De même, on s'étonnera que lorsqu'un Helghast vous repère, ses comparses situés assez loin savent automatiquement où vous vous trouvez sur la map. Il faut donc être patient pour leur échapper et chercher des coins reculés et difficilement accessibles pour qu'il vous oublient... Bref, les combats ont beau être un peu plus tactiques grâce au drone, plus appréciables grâce à une large panoplie d'armes et des ennemis difficiles à abattre, nous sommes tout de même loin de la révolution qu'on nous avait promise.

Une belle vitrine ?

On nous l'avait déjà montré et, indéniablement, Killzone : Shadow Fall est très beau. Même si, là encore, il y a des petits bémols à relever. En premier lieu, le titre ne dévoile ses plus beaux environnements que sur la longueur. En effet, si on peut apprécier la finesse du titre dès le début, c'est finalement au fur et à mesure de l'aventure que l'on découvre des environnements variés de plus en plus beaux (la palme revenant d'ailleurs aux tout derniers, vraiment bluffants). Les jeux de lumières sont nombreux et réellement éblouissants, la direction artistique s'avère nettement plus colorée que dans les épisodes précédents et permet de profiter de nombreux jeux de couleurs, la gestion des ombres impressionne, les effets volumétriques pullulent, le champ de vision est gigantesque et la 3D, fine et superbe, prouve que la PlayStation 4 en a vraiment dans le ventre. Le tout est évidemment très bien animé et le rendu global colle une vraie claque par endroits. Ceci étant, avouons que la pluie n'est pas particulièrement convaincante, ou encore que les modèles 3D des personnages secondaires sont extrêmement basiques comparés à ceux des protagonistes principaux, ces derniers pouvant être particulièrement expressifs à certains moments (mais pas tous). Visuellement, Killzone : Shadow Fall fait donc son petit effet et les développeurs montrent définitivement leur talent... même si tout n'est pas absolument parfait puisque nous avons pu voir, ici et là, certaines textures sauter, loin des chemins prévus par les level designers. Preuve qu'un temps de développement restreint ne leur a pas permis de tout peaufiner comme il le faudrait. Quoi qu'il en soit, Guerrilla a voulu nous faire voir du pays et le résultat est plutôt réussi, malgré une histoire qui n'est pas particulièrement élaborée. La fin est d'ailleurs un peu "légère", ce qui est dommage tant les bases du scénario étaient intéressantes (séparation avec le mur, difficulté des deux factions à cohabiter...). Bref, là encore nous sommes loin de franchir un cap en matière de scénario, de narration ou de mise en scène.

Rien de didactique

Vous l'aurez sans doute compris, Killzone : Shadow Fall a beaucoup de bonnes idées, tant dans son gameplay que dans son histoire, mais une fois en jeu tout cela ne fonctionne pas aussi bien qu'on le souhaiterait. Nous avons évoqué le drone capricieux, l'intelligence artificielle pas si révolutionnaire que ça, ainsi que le relatif manque de finition technique dans certains coins des niveaux. Mais rassurez-vous tout de même, l'essentiel est là et on s'amuse à se battre contre les Helghasts au cours de combats un peu plus tactiques qu'à l'accoutumée, c'est juste qu'il est vraiment évident que Killzone Shadow Fall aurait gagné à profiter d'un temps de développement plus long. Autre détail marquant concernant ce manque de finitions : rien ne nous est réellement expliqué, on manque souvent de didactitiels. Pour exemple, on meurt à répétition lors de certaines phases (on pense à une scène spécifique en chute libre qui vous laissera sans doute des souvenirs impérissables...) avant de comprendre ce qu'il faut faire. Certains puzzles posent également problème, avec des objets à placer à des endroits spécifiques sans que ça ne soit jamais correctement expliqué. C'est donc au joueur de deviner... Un minimum de précisions aurait tout de même été le bienvenu. Le must revient au pointeur qui vous indiquera où aller dans une mission (d'une simple pression sur le haut de la croix directionnelle)... Le problème ? Il ne prend pas en compte les éléments du décor, indiquant le prochain objectif "à vol d'oiseau", sans donner d'indication sur le véritable chemin à emprunter ! Sachant que le jeu est parfois sombre, mais aussi que certains niveaux sont de vrais labyrinthes, on s'y perd souvent et, surtout, on s'agace. D'autant qu'il arrive souvent qu'on tombe à l'eau ou qu'on meurt bêtement en cherchant sa route. Oui, vous avez bien lu : notre surpuissant Marshall se noie dès qu'il tombe à l'eau. A croire que les développeurs n'ont pas pris le temps de lui apprendre la brasse...

Autre truc étonnant : le système de couverture des précédents Killzone, qui permet de se plaquer sur les structures pour glisser dessus et tirer facilement, a totalement disparu de cet épisode... Mais pourquoi !? Il était tellement pratique et efficace... Ajoutons enfin à cela quelques bugs et moments étranges : des ennemis qui tirent dans une pièce avant que nous vous n'y soyez entré, des Helghasts qui vous détectent une fois sur deux s'ils sont en train de discuter, un drap en travers d'une porte qui vous bloque complètement le passage, certaines portes qui s'ouvrent et d'autres non sans qu'on sache pourquoi, des tirs qui ne traversent pas les rambardes par endroits... Soyons clairs : le jeu devait absolument être disponible à la sortie de la console et certains aspects n'ont pas été peaufinés comme il l'aurait fallu. A tel point qu'on se retrouve avec des erreurs qui ne devraient pas avoir lieu sur des consoles dites "next-gen" : on s'étonne par exemple, lorsqu'on prend le contrôle d'une minuscule araignée mécanique, de constater que le corps du héros a alors complètement disparu du décor (il est entré dans l'araignée ou quoi ?), on sourit en constatant que l'on peut abattre plein de civils dans les rues sans que personne ne réagisse autour, etc. Vous l'aurez compris, le jeu manque de finition et cela se ressent par endroits, néanmoins il faut admettre que la beauté de l'ensemble et les joutes musclées suffisent à passer un bon moment, notamment grâce à des combats plus tactiques que ceux des précédents épisodes de la série.

Le Multi du futur ?

Avec son gameplay assez lourd, et un peu plus lent que dans les autres FPS, Killzone : Shadow Fall propose des joutes en multijoueur à 24 assez tactiques. En effet, grâce à ses dix cartes et ses trois classes distinctes aux pouvoirs différents, ainsi que pas mal d'armes à découvrir, une customisation intéressantes des modes de jeu et nombre de gadgets originaux à exploiter (dont le fameux drone), il faut avouer que la sauce prend bien en multi une fois qu'on s'habitue à son rythme qui, je le répète, est un peu plus lent qu'ailleurs mais n'empêche absolument pas pour autant de participer à des rixes musclées, notamment grâce à des cartes bien conçues qui proposent de nombreux points de frictions. Si les modes de jeux proposés sont assez classiques dans l'ensemble, l'offre est solide et le mode zone de guerre sera bien entendu le plus prisé avec ses objectifs dynamiques qui changent en pleine partie (défense, attaques de lieux spécifiques, objets à déplacer, etc.). Pour faire court, la partie en ligne de Shadow Fall est prenante, même si on constate que le rendu à l'image est un peu moins bon qu'en solo et que quelques lags viennent parfois gêner sans pour autant devenir handicapants.

Pour résumer, Killzone Shadow Fall est une très belle vitrine technique et propose une aventure satisfaisante de 8 à 9 heures en solitaire, pleine de bonnes idées. Et on sent bien que les développeurs ont eu envie de proposer un Killzone plus subtil qu'à l'accoutumée... Mais au final, si ce run est amusant, il y a aussi pas mal de choses qui ne vont pas, qui soulignent un certain manque de finition. À ce titre, il est difficile de ne pas être un peu déçu par rapport à ce qu'on est en droit d'attendre d'un jeu dit next-gen. Pour autant, les combats sont prenants, brutaux, tactiques, même si l'on regrette que les phases d'infiltration soient difficiles à maintenir et que l'on doive trop souvent sortir les armes bruyantes pour s'en sortir. Reste alors une réalisation époustouflante et une mise en scène correcte, même si je m'attendais à plus de surprises dans cette aventure finalement très linéaire... Pour autant du côté du multijoueur l'offre est efficace et le plaisir de jeu au rendez-vous sans pour autant créer la surprise. Bref, Killzone Shadow Fall est-il une vraie claque next-gen ? Dans la forme, oui, mais pour le reste il se fond dans la masse des FPS classiques sur current-gen, s'avère malheureusement fini un peu à la va vite et se révèle finalement moins prenant que Killzone 3 en solo.