Il planait déjà un léger parfum de Super Mario Galaxy dans le parc d'attraction intersidéral du Dr. Eggman dans Sonic Colors, mais l'influence stellaire du plombier moustachu s'affiche carrément au grand jour dans Sonic Lost World. D'ailleurs, même Takashi Lizuka, le leader (et l'un des rares vétérans restants) de la Sonic Team, ne s'en cache pas. Au delà du faste des compositions orchestrales et de sa palette de couleurs chatoyante, la présentation des niveaux rappelle immanquablement les galaxies de Mario, en particulier lorsque Sonic se ballade à la surface de petites planètes et se propulse de l'une à l'autre avec des ressorts ou des canons. La plupart des environnements prennent toutefois la forme de tubes, Sonic déambulant tantôt à l'intérieur, tantôt à l'extérieur. Ces décors s'articulent ainsi sur un axe rotatif, y compris quand ils s'affichent en vue de profil, à la façon des opus 2D. Car Sonic reste fidèle à ses racines, en témoigne la présence de la course tourbillon dans cette itération moderne, histoire de foncer à travers ces décors parsemés de rails, loopings et autres vrilles jusqu'à en avoir le tournis, le tout à soixante images par seconde en prime. Cependant, Sonic voit également sa panoplie de mouvements étoffée de nouvelles acrobaties, afin d'exploiter l'architecture tarabiscotée des contrées de l'Hexamonde. Sonic peut en effet courir sur les parois verticales et se raccrocher aux rebords des murs, le sprint s'activant avec une gâchette. Si ces aptitudes d'escalade évoquent ostensiblement celles d'un Mario Chat (sans parler de l'incursion d'un triple saut rebondissant), le contrôle accru de l'allure de Sonic vise à rendre son périple plus posé.

Dérapage contrôlé ?

Une telle approche paraît évidemment contre nature avec un héros qui symbolise la vitesse à l'état pur... pourtant, cette temporisation permet à Sonic d'exprimer plus largement ses aspirations d'explorateur. Les Wisps introduits dans Sonic Colors allaient déjà dans cette voie, a fortiori sur le plan de la verticalité. Ceux de Sonic Lost World vont encore plus loin, qu'il s'agisse de se muer en oiseau pour virevolter dans les cieux, ou de se métamorphoser en un trou noir qui absorbe des morceaux du décor, révélant parfois des passages secrets. Ces pouvoirs s'appuient sur le gyroscope, à l'instar de la visée en vue subjective de la fusée. Malheureusement, l'intérêt du GamePad en solo s'arrête là ou presque, quand on ne l'utilise pas comme écran principal, puisqu'il sert le reste du temps à visualiser sommairement l'avancée dans la zone et à activer les Power-Ups. Ainsi, les divers objets et les Wisps sont stockables, du moins jusqu'à la fin du niveau pour ces derniers, de sorte que l'on a la liberté d'y faire appel au moment opportun. Cet ensemble de principes de gameplay marche (pour ne pas dire qu'il court) du tonnerre, au point d'étendre quelquefois de manière vertigineuse les perspectives de ce level design ingénieux. Le problème, c'est lorsqu'il trébuche, ce qui arrive hélas assez régulièrement, surtout si on essaye d'en tester les limites. La fameuse attaque téléguidée a encore frappé, ce moyen assisté pour se débarrasser des ennemis dans un espace en trois dimensions fonctionnant à merveille... jusqu'à ce que Sonic se retrouve subitement dans la panade, la faute à un souci de ciblage, de caméra ou à d'obscures réactions gravitationnelles.

L'art de tourner en rond

De tels évènements s'expliquent aussi par le fait de se laisser emporter par son élan, un phénomène forcément récurrent avec Sonic. Bien que le contrôle du sprint aide à l'apprivoiser, son caractère sauvage ressort inexorablement, notamment lors des sempiternelles séquences spectaculaires où l'on a quasiment aucune emprise sur ce qui se passe. En outre, son inertie à géométrie variable pendant les phases de parkour risque d'en hérisser plus d'un, tout comme la physique des sauts, car il tend toujours à retomber trop brusquement, comme l'illustrent les sections de profil. Heureusement, on a de quoi s'accommoder de ces tracas, à commencer par les bonnes petites idées - certes pas toutes neuves - que comportent les niveaux. Chacun dispose en effet d'une structure particulière, sans oublier les truculents Boss qui attendent à l'issue de certaines zones. Là encore, leurs techniques ont des airs de déjà vu, impression que renforcent leur filiation avec l'univers de Nights Into Dreams et la nécessité de les vaincre à chaque fois que l'on parcourt le niveau. Or, il est fort probable que l'on s'y reprenne à plusieurs fois pour trouver les étoiles rouges, souvent très bien dissimulées, cette tâche se révélant la principale motivation pour poursuivre cette quête à long terme, avec de célèbres pierres précieuses à la clef. A part les défis d'Omochao et les mini-jeux du cirque, la carte n'offre en effet guère d'occupations. Et même l'échange d'objets "Wispediés" sur le Miiverse, dans l'espoir d'en récupérer de meilleurs, n'a qu'un intérêt très limité, exception faite d'un pouvoir exclusivement disponible via ce système de partage. Restent les contre-la-montre avec des classements en ligne, les courses face à un camarade (toujours efficaces grâce aux Power-Ups), et surtout les parties coopératives. Le second joueur y dirige différents types de véhicules radio commandés, synonymes d'aptitudes spécifiques. Qu'il consiste à bombarder les ennemis, à se changer en plateforme d'appoint ou à rendre Sonic invisible, ce rôle s'avère sympathique, qui plus est avec les plus jeunes. Pour eux, l'aventure en solitaire s'avère sans doute trop ardue, en dépit du téléporteur proposé en cas d'échecs à répétition, à l'image de la P-Wing dans les Super Mario Bros. Une chose est sûre en tout cas : Sonic n'est pas encore prêt à porter la moustache...