Au risque de passer pour un vieux croûton nostalgique, je vais vous parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, l'époque des Wizardry, Ultima et autres Dungeon Master. En ces temps reculés, on errait pendant des heures au sein d'obscurs donjons, en avançant pas à pas et la peur au ventre à l'idée de se retrouver face à un monstre capable d'estourbir toute son équipe au bout d'un long couloir... Voilà exactement le genre de sensations que l'on retrouve dans Etrian Odyssey, si ce n'est que les donjons se montrent souvent moins lugubres, et surtout que l'on n'a plus besoin de s'équiper d'une feuille de papier millimétré et d'un crayon pour s'y repérer. En effet, l'écran tactile sert à dessiner les cartes, avec tout ce qu'il faut pour répertorier minutieusement les structures tentaculaires de ces dédales. A part ça, Etrian Odyssey s'inscrit fidèlement dans la lignée de ces illustres aïeuls, le look japonisant en prime bien sûr. La saga fait d'ailleurs preuve d'un classicisme presque désarmant, que certains trouveront rassurant, et d'autres rétrograde. C'est en tout cas une recette éprouvée, sur laquelle s'appuie à son tour ce quatrième épisode, Legends of the Titan.

Classique et classieux

L'histoire tourne encore autour de l'arbre d'Yggdrasil et de son influence, de sorte que ce scénario n'a guère d'importance, fût-il bien écrit. Idem pour les héros, à l'exception des intrigants aventuriers croisés au fil de l'épopée, puisque l'on crée ses propres personnages qui sont donc dénués de background. Ainsi, il s'agit d'abord de constituer une guilde de valeureux soldats dont on choisit le nom, l'apparence et naturellement la classe. Cet opus en comporte dix, soit deux de moins que son prédécesseur, la liste des jobs soulignant une volonté de consolider les rôles, et de façon assez conventionnelle en l'occurrence. Ensuite on part gaillardement explorer les donjons, entre deux séjours en ville pour se restaurer, commercer, papoter et s'enquérir de quêtes plus ou moins optionnelles. Ces activités se déroulent sous forme de simples menus accompagnés d'illustrations des lieux et des protagonistes en 2D, un style désuet qui met vraiment en valeur le coup de pinceau de Yuji Himukai, grâce à la résolution accrue de la 3DS. Les graphismes en 3D utilisés pour les donjons (et dorénavant pour les ennemis) profitent également de cette finesse, cependant l'effet de relief n'apporte pas grand chose à l'immersion. Au contraire, il est un peu envahissant, un comble pour une série qui tend à évacuer le sentiment de claustrophobie habituellement suscité par ces labyrinthes.

Toujours plus haut

Etrian Odyssey a toujours cherché à s'éloigner de la pénombre des cavernes et autres cryptes, la plupart des donjons ayant pour décor des forêts luxuriantes, voire des fonds marins pour la précédente itération. Et de la même manière que cette dernière avait étendu le terrain d'exploration aux océans, Etrian Odyssey IV s'envole vers les cieux. Chaque région se présente comme un espace ouvert en trois dimensions, où l'on se déplace en bateau volant. Si les distances à parcourir n'ont pas de quoi donner le vertige, ces contrées se révèlent plutôt denses. D'autant que l'on ne tarde pas à pouvoir prendre davantage d'altitude, ce qui ouvre de nouvelles perspectives. Il y a tellement de choses à découvrir, à commencer par les autres navigateurs du ciel, synonymes de quêtes annexes et plus si affinités. De même, on trouve quelquefois des trésors, ainsi que diverses victuailles (fruits, légumes, animaux), un excellent moyen de se faire un peu d'argent quand on retourne en ville, ou de se cuisiner des petits plats le cas échéant. Encore faut-il parvenir à les ramasser, car ces voyages aériens s'avèrent périlleux, malgré les possibilités d'amélioration de l'aéronef.

Toujours plus fort

En plus des vents puissants et des tornades, les fameux "FOE" rodent dans les parages, sans parler des dragons. Ces féroces créatures visibles à la fois dans les airs et dans les donjons font office de mini boss qu'il vaut souvent mieux éviter, le temps de renforcer ses troupes. Et pour cela, l'idéal est de faire un détour par les donjons secondaires plus ou moins dissimulés dans les recoins de ce monde. Au delà d'un consciencieux travail de cartographie, on sait que la saga Etrian Odyssey demande de s'astreindre au leveling pour avancer, une règle dont il demeure difficile de s'affranchir. Le système de combat au tour par tour repose toujours sur des mécaniques extrêmement rudimentaires, mais redoutablement efficaces. Ainsi, l'équipe est répartie entre la ligne de front et la ligne arrière, avec des offensives qui jouent particulièrement sur ce principe de formation dans les deux camps. En outre, seuls les Bursts - des techniques surpuissantes soumises à une jauge - et par dessus tout les Skills permettent de tirer son épée du jeu. Le façonnage de guerriers aux aptitudes variées, et par extension d'escouades polyvalentes, reste cruciale pour triompher face aux assortiments de bestioles parfois très venimeuses qui se terrent dans ces couloirs tortueux.

Toujours plus long

Heureusement, les arbres de compétences sont fort bien conçus, et fonctionnent en parfaite synergie avec ceux des classes secondaires dont on hérite par la suite, pour peu que l'on se donne la peine de les étudier. Autrement dit, on passe beaucoup de temps sur le micro management, surtout que l'approvisionnement du magasin et par extension l'artisanat dépendent entièrement de la guilde. Or avec un inventaire d'une taille si limitée, les allers-retours entre les donjons et la cité de Tharsis sont légion. Encore une manifestation du côté vieille école de cet opus, bien qu'il affiche en parallèle quelques touches de modernité, ne serait-ce qu'à travers la magistrale partition signée par Yuzo Koshiro, qui délaisse cette fois ses très chers chiptunes pour une orchestration symphonique. Des QR codes sont aussi au programme, afin de récupérer des quêtes, des objets et même d'accueillir les champions d'autres joueurs en échangeant les Cartes de Guilde (alternativement par l'intermédiaire du StreetPass). Évidemment l'évolution la plus flagrante réside dans l'option Casual, que l'on a loisir d'activer n'importe quand, histoire de se réveiller en pleine forme à l'auberge (et sans le moindre malus) en cas de défaite face à des ennemis pourtant considérablement affaiblis, plutôt que de subir un cuisant Game Over. Il n'est pas certain que cela suffise à attirer les néophytes, mais cette formule adoucie garantit de parvenir sans trop de soucis jusqu'à la fin, et d'accéder au copieux programme que réserve ensuite Legends of the Titans, une tradition dans la série. Logique pour une série de traditions.