La dissémination de sondes spatiales à travers la galaxie n'ayant pas porté ses fruits, au sens littéral comme figuré, Alph, Brittany et le capitaine Charlie sont envoyés sur une planète qui ressemble étonnamment à la Terre, afin d'en récolter pour leurs congénères de Koppaï. Car chez eux, à quelques 279 000 années lumières, la famine menace, en raison de la surpopulation et d'une organisation défaillante. De fâcheux phénomènes dans le monde de Pikmin, et pas seulement là d'ailleurs, certains devraient sans doute en prendre de la graine... En tout cas, une fois de plus, l'intrigue n'est pas très recherchée, malgré sa connotation écologique. Cependant, avec une bouche supplémentaire pour papoter (et à nourrir) la narration se veut sensiblement plus appuyée. Elle se résumait ainsi au journal tenu par le Capitaine Olimar dans le premier opus, et on ne peut pas dire que Louie, son compère Hocotatien dans le second volet ait été particulièrement bavard. Le récit de Pikmin 3 comporte donc davantage de conversations (y compris optionnelles) à bord du Drake, leur vaisseau spatial, mais également quelques petits coups de théâtre. A commencer par la mystérieuse avarie subie par l'astronef de nos Koppiens dès l'approche de la stratosphère, si bien que chacun atterrit en catastrophe de son côté. Naturellement, retrouver ses camarades constitue une excellente motivation pour explorer cet univers au son de mélodies toujours délicieusement atmosphériques, et ce grâce à l'aide des Pikmins qui les suivent aveuglément.

La (courte) vie de Pikmin

Pour mémoire, il s'agit toujours de guider ces créatures végétales d'à peine deux petits centimètres dans la jungle impitoyable tapie sous nos pieds, où nos aventuriers intergalactiques ne survivraient pas longtemps seuls. En effet, les Pikmins servent à combattre la faune souvent agressive, à franchir certains obstacles et à ramasser ce qui traîne par terre. Les cadavres des bestioles vaincues permettent de produire d'autres Pikmins, tandis que les fruits sont cette fois transformés en jus afin d'alimenter l'équipage, qui veille à conserver les graines pour leur retour sur Koppaï. Et ce petit train-train se répète à un rythme journalier, avec le crépuscule en guise de couperet implacable, puisque les Pikmins laissés sur place se font sauvagement dévorer la nuit, de même que les Koppiens meurent de faim s'ils n'ont pas leur ration de "Pictamine U". Ainsi, le besoin d'approvisionnement en nourriture s'apparente à un compromis entre le nombre de jours de subsistance strictement restreint dans le premier épisode, et illimité dans le second. On ne s'en plaindra pas, d'abord parce que le stock de fruits à glaner est largement suffisant pour progresser en toute quiétude. De plus, il reste possible de remonter le temps d'autant de jours que nécessaire, si l'expédition devait mal tourner. Enfin, ce principe rappelle que Pikmin est soumis aux lois de Mère Nature, aussi belle que cruelle, ce qui maintient une pression incitant à planifier précautionneusement ses opérations, et à viser juste.

Diriger les Pikmins au doigt...

Alors que les précédentes itérations demandaient essentiellement de sélectionner la race de Pikmin adaptée selon la situation et la teneur de l'adversité, Pikmin 3 accorde une importance fondamentale au ciblage des points faibles des ennemis, synonymes de dommages décuplés quand on les atteint. Encore faut-il y parvenir, puisque ces bestioles ont chacune un comportement spécifique, voire fourbe, et les méthodes de contrôle proposées n'offrent pas toutes le même degré de précision. Celle de la manette Wii U Pro reprend la configuration des crus GameCube, à quelques (grosses) différences près, notamment le stick droit voué à la manipulation plus ou moins libre de la caméra. La contemplation de ces jardins naturels désormais dépeins en haute définition n'en est que plus exaltante, d'autant qu'à défaut de photo réalisme, ces décors présentent ainsi un rendu très organique, loin des textures floues de la Wii. Néanmoins, le stick gauche sert de nouveau à manier à la fois le(s) héros et le curseur, ce dernier disposant en prime d'un spectre d'action élargi. Or ce système n'est hélas pas l'idéal face aux proies rapides, ou lors de manoeuvres délicates comme la résolution de certaines énigmes, même avec la fonction de verrouillage. Ces lacunes se manifestent aussi avec les commandes au GamePad seul, nonobstant la présence de l'écran tactile en soutien. C'est évidemment l'une des principales avancées de Pikmin 3, la carte s'y affichant en permanence via une vue aérienne.

...et à l'oeil

De quoi se repérer plus aisément dans ces environnements aux allures de dédales, vu que l'on se situe au ras des pâquerettes. Surtout qu'ils se montrent légèrement plus vastes et tortueux, faute de s'étaler réellement sur le plan vertical à l'exception de la cinquième et dernière région. Il arrive par conséquent régulièrement d'égarer quelques Pikmins en route, des soucis auxquels le "KopRadar" du GamePad pallie également, tout du moins en partie. D'une part, le jeu se met en pause dès que l'on navigue sur l'écran, où les Pikmins et les ennemis sont visibles dans les zones déjà visitées. D'autre part on peut ordonner à l'un des Koppiens de se déplacer jusqu'à un endroit précis, en déterminant son chemin du bout du doigt. Cet aspect multitâche est très pratique, tant que l'on se méfie des attaques inopinées en transit, eu égard à l'esprit d'initiative réduit des Pikmins. Le renfort du GamePad s'avère donc éminemment précieux, qui plus est avec le duo Nunchuk/Wiimote, la combinaison la plus efficace au demeurant (en sus du socle fortement conseillé soit dit en passant). Malgré la séparation des troupes "Motion Contrôlée" - toujours susceptible d'être déclenchée par erreur dans le feu de l'action - cette nouvelle façon de jouer étoffée d'une facette tactile s'impose comme une évolution substantielle du gameplay de la série. Le terme "évolution" convient d'ailleurs parfaitement pour décrire Pikmin 3 dans son ensemble, qu'on l'applique aux Koppiens ou à nos charmantes petites herbacées bipèdes.

Jamais deux sans trois

Pikmin 2 avait apporté un deuxième personnage pour jardiner en coopération, Pikmin 3 en ajoute logiquement un troisième, dans l'optique d'élargir le champ d'action. Cela se traduit par la possibilité de projeter deux compères accompagnés de Pikmins sur une plateforme autrement inaccessible, manoeuvre que l'on réitère avec le troisième. Le gain en verticalité n'a rien de vertigineux, on le répète, en revanche ces opérations en trio autorisent des puzzles plus sophistiqués. Idem pour les deux nouvelles races de Pikmin qui font leur apparition : Les Pikmins roc permettent de briser les blocs de cristal qui barrent la route ou renferment des objets, et bien sûr d'assommer les insectes volants. Les Pikmins ailés sont eux capables d'attaquer les ennemis directement dans les airs, toutefois leur pugnacité très modérée les destine davantage au transport de ressources, dans la mesure où ils peuvent survoler les étendues d'eau par exemple. A leurs côtés, on retrouve le trio de Pikmins originels, intacts ou presque. Les rouges sont toujours ignifugés, les bleus amphibies, et les jaunes plus légers pour être lancés plus hauts, mais ces derniers jouent ici le rôle de conducteurs de courant, auquel ils sont insensibles. En dépit de l'absence des autres espèces dans le mode Histoire (les blancs et les violets figurent dans certains niveaux du mode Missions), ce nouveau florilège d'aptitudes engendre des mécaniques inédites que les Boss ne manquent pas non plus d'exploiter.

Sauvagerie calculée

Si la chasse au (plus ou moins) menu fretin suppose déjà une étude assidue de leurs habitudes pour ne pas perdre trop de plumes, ou plutôt de feuilles, affronter ces énormes bestioles requiert l'apprentissage minutieux de leurs vicieux "patterns" (leurs boucles de comportements), de plus en plus virulents au fil de la bataille. Mieux vaut donc rester sur ses gardes, une démarche facilitée par le renfort d'une esquive latérale. Cette galipette s'effectue en un éclair, d'un appui à gauche ou à droite avec le pad et remplace assez efficacement les changements de formation gérés par le biais du stick C sur GameCube. Car soyez-en prévenus, Pikmin 3 demeure un robuste hybride entre l'action et la stratégie, potentiellement vénéneux pour ceux qui s'emmêlent les pétales ou ne se creusent pas suffisamment le ciboulot. Ce n'est pas pour rien que l'on a loisir de recommencer indéfiniment une même journée dans l'optique de s'améliorer, une approche façon "Try again" que d'aucuns jugeront probablement rétrograde... Fût-elle sévère, cette (vieille) école dispense pourtant de formidables leçons d'horticulture, level design florissant à l'appui. En témoignent les Missions du mode éponyme, divisées en trois disciplines. Les "Combats Fatidiques" contre les Boss donnent l'occasion d'optimiser ses tactiques, tandis que la "Chasse au Trésor" et "Sus aux Monstres" viennent approfondir les défis initiés par les précédents opus. Ils consistent respectivement à rassembler un maximum d'éléments ou à estourbir un maximum de monstres, avec un temps limité. Pour décrocher l'or, il faut faire preuve d'une maîtrise totale de ses troupes, d'un savoir encyclopédique sur les différents ennemis, et d'une connaissance irréprochable des lieux.

Fruits power

En effet, les cartes des missions sont distinctes de celles de l'histoire et disposent d'architectures parfois plus ambitieuses, toutes proportions gardées, du fait de leur échelle plus réduite. Le casse-tête que constitue chaque niveau apparaît alors au grand jour, et avec lui l'ingéniosité qui se cache derrière le chaos trompeur de ces microcosmes. Dommage que ces épreuves ne soient pas plus nombreuses, en attendant d'éventuels DLC. Ceci dit, le périple de nos Koppiens se révèle aussi long que celui de leurs lointains cousins Hocotatiens dans Pikmin 2, surtout si on essaye de récupérer l'intégralité des quelquefois très bien nommées notes d'exploration. En outre, Pikmin 3 inclut encore un mode Duel, qui hérite d'une dimension ludique supplémentaire matérialisée par une grille de Bingo à remplir. Ces parties ressemblent toujours à de la capture de drapeau rehaussée de divers Power-Ups à la Mario Kart, avec tout le hasard et les retournements de situation que cela sous-entend. Mais dorénavant, la victoire s'obtient soit en réalisant une ligne à partir des créatures et des fruits récupérés, soit en zigouillant son rival ou l'intégralité de ses troupes, voire en rapportant le macaron du clan opposé jusqu'à la base si cette option est activée. Et pour éviter que la routine s'installe, les arènes prennent des formes variées, tantôt intimistes, tantôt plus tarabiscotées, afin d'encourager l'élaboration de différentes méthodes pour écrabouiller son adversaire. En somme, il n'y a pas mieux pour déterrer le Pikmin de guerre, tant ils nombreux à se faner lors de ces batailles. Ainsi va le cycle inexorable de la vie...